Si une semaine après le renversement du gouvernement Barnier, Emmanuel Macron est sur le point de nommer un nouveau Premier ministre, la situation politique française inquiète particulièrement les eurodéputés à Bruxelles que certains comparent à celle en Allemagne.
Gérard Darmanin : « Nous naturalisons 25.000 personnes de moins que sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy »
Par Public Sénat
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C’est l’homme au centre de la polémique depuis plusieurs jours. Mais de l’article 24 du projet de loi sur la sécurité globale, il n’en aura pas été question durant les plus de deux heures d’audition du ministre de l’Intérieur, Gérard Darmanin, et de la ministre en charge de la Citoyenneté, Marlène Schiappa, par la commission des lois. Et pour cause : le ministre était auditionné sur les volets sécurité et immigration du projet de loi de finances (PLF) pour 2021, en cours d’examen au Sénat.
Darmanin proposera « d’autres dissolutions d’associations au prochain Conseil des ministres »
A l’image du budget de la Justice (lire ici), les missions régaliennes sont bien traitées budgétairement, puisque celui de l’Intérieur est en hausse de « 1 milliard et 140 millions d’euros » a souligné Gérald Darmanin, soit « 2,7 milliards d’euros d’augmentation de crédits depuis qu’Emmanuel Macron est président de la République ». Bref, la police est bien servie.
Le ministre a rappelé au passage ses principaux objectifs : lutte contre le trafic de drogue, contre les violences faites aux femmes et « imposer les valeurs de la République sur tout le territoire […] et lutter contre les dérives séparatistes, et contre l’islam radical ». Se félicitant de la dissolution de BarakaCity, Gérald Darmanin prévient qu’il aura « d’autres dissolutions (d’associations) à proposer au prochain Conseil des ministres ».
« Il faut généraliser les caméras piétons sur les policiers et gendarmes, mais aussi sur les véhicules de police, gendarmerie et de pompier »
Pour les crédits de police et de la gendarmerie, ils sont en hausse de 645 millions d’euros, dont 190 millions pour le personnel et 455 pour le matériel. « La maladie du ministère de l’Intérieur, c’est d’augmenter en continue les crédits de masse salariale et la diminution du matériel », créant ainsi « un effet ciseau » souligne le ministre, qui entend « rééquilibrer cela » en « inversant pour la première fois cet effet ». Autrement dit, les forces de l’ordre auront les moyens de renouveler leur matériel comme des voitures qui ont parfois « 250.000 kilomètres ». Côté personnel, le PLF prévoit « 1.500 créations de postes de policiers, essentiellement en sécurité publique, et 500 gendarmes de plus ».
Quant aux caméras piétons, un nouvel appel d’offres est en cours. Celles achetées par le ministère ont un problème de batterie « trop légère »… Elles ne fonctionnent que 2h30 ou 4 heures selon les cas, pour des brigades qui durent entre 5 et 6 heures. Le Canard enchaîné avait révélé les problèmes de ces 10.400 caméras déjà distribuées, pour un coût de plus de 2 millions d’euros. La batterie des 10.000 nouvelles caméras à venir devra donc être plus robuste. Les images, qui pourront aussi être consultées par les policiers pour leurs rapports, ne seront pas conservées sur des « cloud étrangers ». Pour Gérard Darmanin, « il faut généraliser ces caméras piétons sur les policiers et gendarmes, mais aussi sur les véhicules de police et gendarmerie, et de pompier ».
« Mieux lutter contre l’immigration irrégulière »
Pour les crédits de la mission immigration, Marlène Schiappa a rappelé la volonté du gouvernement de « mieux lutter contre l’immigration irrégulière », avec un « doublement des forces de sécurité déployées aux frontières ». Près de 30 millions d’euros seront alloués pour des plans d’extension immobiliers des centres de rétention administratifs ».
Côté expulsions, à noter qu’« il y a plus d’une centaine d’étrangers en situation irrégulière fichés au FSPRT (fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste). […] Plus de la moitié sont expulsés ou hors d’état de nuire » précise le ministre de l’Intérieur de son côté.
« Le président de la République aura l’occasion de s’exprimer dans quelque temps, en prévision du débat sur la politique migratoire »
Quant à l’idée d’une nouvelle loi sur l’immigration, Gérald Darmanin l’écarte. Le sénateur LR Philippe Bas lui fait remarquer que, sans passer par une grande loi, plusieurs changements pourraient se faire pour rendre moins « attractive » la France. Il évoque la systématisation des tests osseux sur les mineurs étrangers non accompagnés, pour vérifier s’ils ne sont pas majeurs. Ou la question du regroupement familial : « Aujourd’hui, le regroupement compte des dispositions de logement, qui sont peu communes. Un tout petit logement permet d’accueillir de nombreux enfants. On ne peut pas changer ça ? » demande l’ancien président de la commission des lois.
« L’attractivité relative de la France, je partage le constat en partie » lui a répondu le ministre de l’Intérieur, mais « il n’y a pas que ça qui joue ». Gérald Darmanin évoque aussi « une communauté de destin » par la langue française, avant d’ajouter une autre cause :
Parfois, le patronat embauche des gens qui sont payés moins cher que ceux qui ont des papiers. C’est aussi une responsabilité capitalistique dans notre pays.
Plus globalement, « le président de la République aura l’occasion de s’exprimer dans quelque temps sur ce sujet, en prévision du débat sur la politique migratoire, que nous avons chaque année » ajoute le locataire de la Place Beauvau.
Good cop, bad cop
Côté asile, « il faut qu’il repose sur deux jambes » pour Gérarld Darmanin. Good cop : Marlène Schiappa se dit « très attachée à ce que la France soit une terre d’asile ». Les crédits de l’allocation pour demandeur d’asile augmentent de « 11,5 millions d’euros, ce qui porte son budget à 459 millions » souligne la secrétaire d’Etat. 6.000 places supplémentaires sont prévues en centre d’accueil et l’Office français de protection des réfugiés et apatrides voit ses effectifs augmenter de 200. En raison du Covid-19, les délais de traitement des dossiers sont cependant passé de 5 à 7 mois.
Bad cop maintenant : « Sur 135.000 demandes d’asile, plus de 100.000 sont refusées chaque année. La France n’est pas un pays laxiste » soutient Gérald Darmanin.
Naturalisations à venir pour « les travailleurs étrangers qui ont été en première ligne » face au Covid
Pour les étrangers qui peuvent rester, Marlène Schiappa insiste sur « la refonte de la politique d’intégration depuis 2 ans », avec la « refonte des cérémonies de naturalisation, en leur donnant un caractère plus solennel ». Répondant à une question du sénateur LR Sébastien Meurant, elle ajoute : « Quand on devient Français, il faut partager sans aucune réserve ces valeurs sur l’égalité entre les femmes et les hommes ».
La secrétaire d’Etat porte une attention particulière à la « naturalisation des travailleurs Covid », « les travailleurs étrangers qui ont été en première ligne pendant le premier confinement : aides-soignants, agents de sécurité, personnes qui gardent les enfants, personnels de ménage, qui ont montré leur attachement à la Nation et ont contribué à l’effort national ». Marlène Schiappa « annonce que 1.419 dossiers » sont « à l’étude » pour leur naturalisation.
Mais Gérald Darmanin a voulu rappeler, que s’il y a des naturalisations, elles sont en réalité moins importantes que par le passé : « Nous naturalisons 25.000 personnes de moins que sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, qui n’était pas déjà un quinquennat très laxiste, me semble-t-il ».
Darmanin toujours opposé au retour du vote par correspondance
Sur un tout autre sujet, en cette journée internationale pour l’élimination des violences faites aux femmes, Marlène Schiappa a rapidement rappelé les actions menées par le gouvernement via trois lois « en trois ans », « pour renforcer considérablement la lutte contre ces violences ».
Enfin, Gérald Darmanin a défendu, en vue des élections départementales et régionales, l’intérêt de la procuration simplifiée, avec un simple numéro à présenter dans le bureau de vote avec sa carte d’identité. « La carte d’identité numérique commencera à être déployée au mois de mars 2021 dans un premier département, puis tous les départements à partir du 2 août », a-t-il souligné au passage. Il a revanche de nouveau rejeté l’idée du vote par correspondance, défendu par les sénateurs et sur lequel le Sénat a lancé une mission d’information. Le ministre y voit un risque pour « le vote libre et consenti individuellement » avec un « vote de pression communautaire ». Gérald Darmanin ajoute : « Je suis peut-être un peu vieux jeu, mais j’aime bien l’isoloir ».