« Gilets jaunes »: l’exécutif annule les hausses de taxe pour 2019
L'exécutif a tenté un geste fort mercredi soir, à trois jours d'une mobilisation à haut risque des "gilets jaunes", en renonçant "pour l'année...
Par le service politique de l'AFP, avec les journalistes de l'AFP à Paris et dans les régions
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L'exécutif a tenté un geste fort mercredi soir, à trois jours d'une mobilisation à haut risque des "gilets jaunes", en renonçant "pour l'année 2019" aux augmentations de taxes sur les carburants.
Les hausses de ces taxes prévues pour le 1er janvier sont "annulées pour l'année 2019", a affirmé le ministre de la Transition écologique François de Rugy.
"Le président (Emmanuel Macron) je l'ai eu au téléphone il y a quelques minutes", a assuré le ministre lors d'un débat avec des "gilets jaunes" sur BFMTV. Il m'a dit: +Les gens ont eu l'impression qu'il y avait une entourloupe, qu'on leur disait c'est une suspension mais hop, ça reviendra après+".
"Le président et le Premier ministre ont souhaité de concert que la hausse de la taxe carbone prévue dans le budget 2019 soit supprimée. Le débat citoyen et parlementaire des semaines et des mois à venir devra permettre de trouver les solutions et les financements qui répondront aux enjeux de la transition écologique, solutions qui devront préserver le pouvoir d'achat de nos concitoyens", a expliqué ensuite l'Elysée.
"Dont acte", a réagi rapidement sur Twitter Marine Le Pen. Selon la président du Rassemblement national, "le Président doit à tout prix s'engager sur l'honneur à ne pas rétablir cette hausse de taxes dans le budget rectificatif au printemps".
L'annonce est intervenue à la fin d'une journée marquée par la très forte inquiétude de l'exécutif face à une mobilisation jugée toujours plus "incontrôlable" et "insaisissable", selon les mots du Premier ministre Edouard Philippe.
"Nous avons des raisons de redouter une très grande violence" samedi, a déclaré l'Elysée à l'AFP, alors que se multiplient les appels à une nouvelle mobilisation des "gilets jaunes" partout en France.
Emmanuel Macron a demandé lors du Conseil des ministres "aux forces politiques et syndicales, au patronat de lancer un appel clair et explicite au calme", a rapporté le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux.
"Ce qui est en jeu, c'est la sécurité des Français et nos institutions. Je lance ici un appel à la responsabilité", a dit pour sa part Édouard Philippe lors d'un discours devant l'Assemblée.
"Tous les acteurs du débat public, responsables politiques, responsables syndicaux, éditorialistes et citoyens, seront comptables de leurs déclarations dans les jours qui viennent", a-t-il ajouté.
Édouard Philippe a soumis aux députés dans l'après-midi une déclaration défendant ses annonces d'un abandon dans le budget 2019 de la hausse de la taxe carbone, d'un gel des tarifs du gaz et de l'électricité cet hiver, et du renoncement à durcir le contrôle technique automobile avant l'été, toutes mesures répondant à des demandes des "gilets jaunes".
"Gilet jaune" réclamant la démission d'Emmanuel Macron, à Torce près de Rennes, le 2 décembre 2018
AFP/Archives
Il a aussi jugé "nécessaire" un débat sur la réforme de l'Impôt sur la fortune (ISF) - sur la suppression duquel Emmanuel Macron exclut de revenir.
Edouard Philippe a exclu en revanche que le vaste débat citoyen sur les impôts et les dépenses publiques débouche sur "la création de nouvelles taxes" ou "une augmentation des déficits". La déclaration a été approuvée par 358 voix contre 194.
Invité, comme tous les groupes de l'Assemblée, à répondre au chef du gouvernement, le dirigeant Insoumis Jean-Luc Mélenchon a balayé les mesures de l'exécutif, et jugé que la France était "en état d’insoumission générale".
Le communiste Fabien Roussel a mis en cause à sa suite "le président des riches", tandis que Valérie Rabault, cheffe de file des députés PS, réclamait le retour de l'ISF et des "états généraux du pouvoir d'achat".
A droite, Christian Jacob, président des députés Les Républicains, a fustigé "le vrai responsable", qui "est à l'Elysée". "En étant incapable de répondre au bon moment aux cris de détresse, venus de tous les milieux, de toutes les classes sociales et de tous les territoires, vous avez semé la discorde et la violence", a-t-il accusé.
Emmanuel Macron et son Premier ministre Edouard Philippe, lors de la cérémonie à l'Arc de Triomphe, à Paris le 11 novembre 2018
POOL/AFP/Archives
L'exécutif redoute avant tout une nouvelle explosion de violences ce week-end, après les scènes d'émeutes samedi 1er décembre notamment à Paris. Il craint une extension de la colère à d'autres secteurs, au moment où la FNSEA annonce que les agriculteurs vont eux aussi se mobiliser. Les fédérations CGT et FO du secteur du transport routier ont appelé pour leur part à la grève à partir de dimanche soir pour une durée indéterminée. La situation est également tendue dans les lycées.
- Trois semaines de blocage -
Les premières mesures prises, parmi les plus demandées par les "gilets jaunes" constituent un recul pour l'exécutif, qui insistait jusqu'à ces derniers jours sur sa détermination à "garder le cap" fiscal de la transition écologique.
Chronologie du mouvement social des "gilets jaunes" qui secoue la France depuis octobre 2018
AFP
Mais pour Jean-François Amadieu, sociologue à l'université Paris I, l'exécutif a trop tardé à lâcher du lest. "Quand on laisse s'enliser trop longtemps, cela coûte plus cher", a-t-il déclaré à l'AFP, et les concessions à faire sont d'autant plus fortes.
Les "gilets jaunes" ont poursuivi mercredi leurs actions, ciblant toujours des dépôts pétroliers, routes et zones commerciales, mais les stations-service en pénurie de carburants ces derniers jours sont en cours de réapprovisionnement.
Partout en France, les appels à se mobiliser une nouvelle fois samedi se multiplient et le ministère de l'Intérieur fait état d'une "mobilisation de la part de l'ultradroite et de l'ultragauche".
De même source, "on constate une vraie radicalisation de certains +gilets jaunes+, comme on a pu le voir dans les comparutions immédiates depuis lundi mais aussi dans leurs propos. Ils se radicalisent par la violence et politiquement."
Edouard Philippe a réitéré mercredi l'appel à ne pas manifester à Paris samedi, et prévenu que le gouvernement serait "intraitable" face aux "factieux" et aux "casseurs".
De son côté, le ministre de l'Education Jean-Michel Blanquer a mis en garde mercredi soir contre les incitations à manifester à destination des lycéens, affirmant qu'elles sont "une incitation à courir un danger grave".
Fait rare, tous les grands syndicats de salariés nationaux ont décidé de se réunir jeudi. De leurs côté, le syndicat SUD-Rail et la CGT du groupe Lafarge-Holcim ciment ont appelé mercredi à manifester samedi aux côtés des "gilets jaunes" dans toute la France, le syndicat ferroviaire appelant aussi les cheminots à laisser ces derniers voyager "gratuitement" en train.
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