« Gilets jaunes »: l’exécutif recule, Macron hué lors d’une visite surprise
Le gouvernement a pris mardi l'initiative d'un recul, avec la suspension de plusieurs mesures fiscales, pour tenter d'apaiser la crise de plus...
Par Jacques KLOPP, Marc PRÉEL
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Le gouvernement a pris mardi l'initiative d'un recul, avec la suspension de plusieurs mesures fiscales, pour tenter d'apaiser la crise de plus en plus aigüe des "gilets jaunes", tandis qu'Emmanuel Macron était hué lors d'une visite surprise à la préfecture incendiée du Puy-en-Velay.
Le président, cible de toutes les critiques depuis la première journée de mobilisation contre la hausse des taxes sur les carburants, s'est rendu dans l'après-midi dans le chef-lieu de Haute-Loire "pour témoigner personnellement et directement de son respect et de son soutien aux agents" après l'incendie du bâtiment samedi lors d'un rassemblement de "gilets jaunes". Le chef de l'Etat, dont la cote de confiance a atteint son plus bas niveau (23%, -6), selon un sondage Ifop-Fiducial, a été hué et insulté à sa sortie par une poignée de manifestants.
Englué dans une crise qui a atteint un paroxysme samedi avec des scènes de guérilla urbaine à Paris, l'exécutif a fait des concessions, espérant qu'elles suffiront à calmer la colère. Le Premier ministre Edouard Philippe, en première ligne, a décliné les trois mesures réclamées au début de la crise, et censées "ramener l'apaisement et la sérénité dans le pays".
Le plan comprend un moratoire de six mois sur la hausse de la taxe carbone, un gel des tarifs du gaz et de l'électricité cet hiver et aucun durcissement du contrôle technique automobile avant l'été.
Le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner le 4 décembre 2018 à l'Assemblée nationale à Paris
AFP
Ces mesures devraient entraîner un manque à gagner de près de deux milliards d'euros pour les finances publiques, équivalant à 0,1 point de PIB.
- "Unité de la Nation" -
Les organisations patronales ont salué les annonces, et appelé les manifestants à "lever les blocages".
"Aucune taxe ne mérite de mettre en danger l'unité de la Nation", a fait valoir Edouard Philippe qui a également annoncé un "large débat sur les impôts et les dépenses publiques".
La concertation locale qui sera engagée jusqu'au 1er mars servira, a ajouté le Premier ministre, à "améliorer" et "compléter" ces mesures "d'accompagnement justes et efficaces". "Si nous ne les trouvons pas, nous en tirerons les conséquences", a-t-il précisé, signifiant que le gel pourrait le cas échéant se transformer en abandon pur et simple.
Les annonces du Premier ministre Édouard Philippe suite aux mobilisations des "gilets jaunes"
AFP
Édouard Philippe doit s'exprimer une nouvelle fois mercredi à l'Assemblée, avant un débat suivi d'un vote qui n'engagera pas la responsabilité du gouvernement, tout comme jeudi au Sénat.
Selon les analystes, ces annonces représentent un recul pour Emmanuel Macron qui, depuis le début de son mandat, était déterminé à "garder le cap".
Pour autant, cela risque de ne pas suffire, même si des manifestants ont décidé de lever le blocage du dépôt pétrolier de Brest, jugeant "satisfaisantes" les concessions de l'exécutif. Le blocage du dépôt de Lorient (Morbihan) a aussi été levé un peu plus tard.
Ailleurs, les blocages continuaient et plusieurs stations-service étaient fermées pour rupture de carburant. "Ils font ça pour qu'on lève le camp et qu'on rentre chez nous, mais on ne va pas bouger", a dit Lionel Rambeaux, soudeur, à un barrage à la sortie du Mans.
Même insatisfaction auprès des partis d'opposition. "Trop peu et trop tard", a résumé le vice-président Les Républicains, Damien Abad.
- Elections dans 6 mois -
La présidente du Rassemblement national Marine Le Pen a ironisé sur les six mois de moratoire, "sûrement un hasard", au bout desquels se tiendront les élections européennes.
"Le gouvernement n'a pas pris la mesure du moment", "une révolution citoyenne", a affirmé le leader Insoumis Jean-Luc Mélenchon, estimant aussi que politiquement, "ça se terminera" entre le FN et LFI.
Partout en France, les appels à se mobiliser un quatrième samedi de suite ont été maintenus. Deux rencontres de Ligue 1 de football, PSG - Montpellier et Toulouse-Lyon, prévues samedi, ont déjà été reportées.
Éric Drouet, l'un des membres historiques les plus connus des "gilets jaunes", a appelé à "retourner à Paris" samedi, "près des lieux de pouvoirs, les Champs-Élysées, l'Arc de Triomphe, Concorde". "Les gens sont de plus en plus motivés, ils s'organisent, nous serons encore plus nombreux", a-t-il assuré à l'AFP.
Le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner a invité "les gilets jaunes raisonnables" à ne pas se rassembler à Paris samedi, et a promis d'accroitre la mobilisation des forces de l'ordre en France. Les Républicains demandent le retour de l'état d'urgence, "seule mesure qui permettrait d'ici à samedi de prévenir" de nouvelles violences.
Le gouvernement craint aussi une extension de la grogne à d'autres secteurs. Mardi, de nouveaux incidents ont éclaté devant des lycées de la région parisienne, et Marseille reste particulièrement touchée: sur 21 établissements perturbés, dix étaient en blocage total.
Dans ce contexte, le pouvoir peut chercher du réconfort dans un sondage BVA, sorti mardi soir, selon lequel sept Français sur dix considèrent qu’un report de la hausse des prix des carburants prévue au 1er janvier justifierait l'arrêt des manifestations des "gilets jaunes".
La majorité s'efforce en tous cas de serrer les rangs: les parlementaires LREM et MoDem sont ainsi conviés le 11 décembre à l’Elysée.
Selon un conseiller de Matignon, il n'est "pas sûr que l'exécutif ait tout mis sur la table", gardant quelques cartouches au cas où la grogne perdure, comme la suppression anticipée de la taxe d'habitation.
En attendant, la justice continue à faire son travail, alors que 412 personnes avaient été interpellées samedi rien qu'à Paris.
Treize personnes dont un mineur, soupçonnées d'avoir commis des dégradations à l'Arc de Triomphe, devaient être présentées mardi à un juge d'instruction en vue d'une éventuelle mise en examen.
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