Le climax de la contestation des « gilets jaunes » est-il passé ? C’est ce qu’aimerait croire l’exécutif. Mais pour ça, il a bien fallu consentir à des gestes d’apaisement. Et c’est par la voix d’Édouard Philippe, que des mesures destinées à reprendre le dialogue avec une partie des Français ont été annoncées, voire confirmées (voir notre article).
En effet, il n’y a pas vraiment eu de surprises dans les annonces du Premier ministre qui consistent, principalement et pour le moment à suspendre « trois mesures fiscales » qui devaient entrer en vigueur au 1er janvier 2019 : la hausse des taxes sur les carburants (TICPE), la convergence de la fiscalité du diesel avec celle de l’essence, et l’alignement de la fiscalité du gasoil des entrepreneurs non routiers (GNR) sur la fiscalité des particuliers.
Sur les carburants : le Sénat demande au gouvernement de le suivre
À la Haute assemblée, ce moratoire sur la taxe carbone est déjà en deçà par rapport à ce que les sénateurs ont voté il y a quelques jours. Les élus de la chambre haute ont adopté l’amendement de la commission des finances qui appliquent les tarifs de la TICPE de 2018 à 2019. « Ce qui revient à stabiliser les tarifs à compter du 1er janvier 2019 » expliquait le rapporteur général du budget Alberic de Montgolfier.
« Les gilets jaunes n’ont pas demandé de moratoire. Moratoire, ça veut dire suspension. Ils (les gilets jaunes) ont demandé, et c’est leur première revendication, à ce qu’on le supprime toutes les hausses de taxes sur les carburants (…) Le geste du Premier ministre n’est pas à la hauteur de la situation (…). Il suffit de reprendre le texte voté au Sénat à l’Assemblée nationale et en deux temps trois mouvements, c’est réglé » veut croire le sénateur LR du Nord, Marc-Philippe Daubresse.
« Il y a trois semaines, les annonces sur l’essence auraient peut-être suffi »
« Je suis vraiment très déçu » lâche le président du groupe socialiste au Sénat, Patrick Kanner. « Repousser le contrôle technique renforcé d’un côté et suspendre les hausses sur l’énergie de l’autre, ce n’est pas ça qui va faire progresser le pouvoir d’achat des Français (…) Le gouvernement est loin du compte (…) je suis très inquiet de la réaction de ceux qui vont être très, très déçus ».
« C’est trop peu et trop tard » pour le patron du groupe centriste du Sénat, Hervé Marseille. « Il y a trois semaines, les annonces sur l’essence auraient peut-être suffi mais depuis, d’autres corps de la société se sont agrégés au mécontentement comme les agriculteurs et les lycéens » poursuit-il.
« Il s’en faut de peu pour que les banlieues s’y mettent également donc si vous n'avez pas un geste très significatif, on n’en sortira pas » complète Marc-Philippe Daubresse.
Pour Patrick Kanner, ce « geste » pourrait être « le rétablissement de l’ISF ». « C’est certes un totem mais ce symbole-là est majeur si on veut sortir de la crise ».
De son côté, Hervé Marseille pense qu’il y aura « deux salves d’annonces ». Le Premier ministre pourrait, selon lui, annoncer d’autres choses, demain, lors du débat à l’Assemblée nationale qui précède celui de jeudi au Sénat.
« Attention à ce que cette grande concertation ne soit pas une grande messe de plus »
Édouard Philippe a également annoncé aujourd’hui la tenue d’une concertation du 15 décembre au 1er mars afin de concilier justice sociale et transition écologique. « Enfin, peut-être un bout de dialogue ouvert… Mais le seul problème, c’est que ce n’est pas ce que souhaitent les Français, ils veulent une réponse de sens » estime le patron des sénateurs PS.
« Il était temps (…) Mais attention à ce que cette grande concertation ne soit pas une grande messe de plus. Je n’attends pas grand-chose de cette concertation, je pense qu’il faut remettre à plat la fiscalité du pays qui est très injuste » ajoute Marc-Philippe Daubresse.
Du côté des sénateurs LREM, les annonces d’Édouard Philippe « sont un préalable pour pouvoir aller plus loin ». « On est dans une politique de la main tendue avec des réponses très claires apportées par le Premier ministre (…) Maintenant, il importe d’aller plus loin pour avancer dans un processus de pacification, de concertation et d’échanges » a réagi le sénateur du Nord Frédéric Marchand.