Fumée presque blanche. Après les tensions du début de semaine, la réunion les forces politiques du bloc central et des LR, jeudi à Matignon, autour de Michel Barnier, a abouti à un accord sur l’architecture du futur gouvernement. 38 noms que le premier ministre a présentés dans la soirée à Emmanuel Macron.
Pas encore d’annonce officielle, qui est attendue d’ici dimanche, mais les choses semblent plutôt bien avancer, même s’il faut toujours rester prudent en la matière. L’Elysée aurait validé, dans l’ensemble, la copie. Il n’y aurait ni « blocage », ni « oukase », selon Le Monde. Mais comme souvent, le diable se niche dans les détails. Si bien qu’il n’y aura « pas d’annonce aujourd’hui », affirme à publicsenat.fr l’entourage du premier ministre, à Matignon, où on parle des « derniers ajustements ».
« Le flotteur gauche n’y est pas » pointe le Modem
D’après les noms éventés dans la presse par les parlementaires, dont publicsenat.fr a pu en partie obtenir confirmation, c’est un gouvernement de 38 membres et paritaire que met sur la table Michel Barnier, avec 16 ministres de plein exercice, dont 7 EPR (Renaissance), 3 LR, 2 Modem, 1 Horizons, 1 UDI, 1 divers droite et… 1 divers gauche.
Alors que les macronistes accusaient les LR d’être trop gourmands, Michel Barnier semble avoir trouvé l’équilibre recherché et demandé par le chef de l’Etat, où chacun se retrouve. C’est au global un gouvernement clairement marqué à droite qui se prépare. Trop pour certains ? Du côté du Modem, une réunion de crise était organisée à la mi-journée. « Le flotteur gauche n’y est pas », estime auprès de l’AFP le porte-parole du parti Bruno Millienne, « il n’y a pas de signe tangible que ce gouvernement n’appliquera pas qu’une politique de droite ».
« Wauquiez est candidat (pour 2027), c’est un peu différent. Bruno n’est candidat à rien, si ce n’est à réussir sa mission »
C’est le président du groupe LR du Sénat, Bruno Retailleau, qui hérite du poste stratégique de l’Intérieur. Le nom de ce poids lourd des LR était cité depuis plusieurs jours pour occuper ce ministère régalien. En revanche, Laurent Wauquiez n’en sera pas. Celui qui est à la tête des députés LR, et dont on connaît les ambitions pour 2027, a affirmé hier à ses troupes avoir refusé Bercy. Il visait plutôt l’Intérieur. Deux poids lourds LR à ces postes clefs passait mal aussi au sein de l’ancienne majorité présidentielle.
Les ambitions présidentielles de l’ex-président de la région Auvergne-Rhône-Alpes semblent avoir joué contre lui. « Wauquiez est candidat, c’est un peu différent. Bruno n’est candidat à rien, si ce n’est à réussir sa mission. C’est mieux. Et il ne fait jamais un coup à quelqu’un », avance un LR qui le connaît bien. Il y voit « la victoire de l’honnête homme, de la droiture et des convictions ». S’il est connu pour sa ligne très à droite sur les questions régalienne et conservatrice sur les questions sociétales – il s’était par exemple opposé au mariage pour tous puis à la PMA pour toutes – Bruno Retailleau a aussi montré sa capacité de compromis, que ce soit au Sénat, depuis des années, avec le groupe centriste, l’autre composante de la majorité sénatoriale. Ou plus récemment avec les macronistes, sur la réforme des retraites ou le texte immigration, où il avait imprimé sa marque. « Il sait composer », résume un proche.
Trois autres sénateurs ont été proposés. Sophie Primas pour le Commerce extérieur et le Tourisme. La sénatrice des Yvelines est une proche du président du Sénat, Gérard Larcher, qui a poussé en sa faveur. Vice-présidente du Sénat, elle a été présidente de la commission des affaires économiques. Celle qui s’est rapprochée du mouvement Nouvelle Energies de David Lisnard avait annoncé quitter les LR, lors du rapprochement d’Eric Ciotti avec le RN, tout en restant au groupe LR.
La sénatrice Laurence Garnier aux Familles, « ça n’est pas passé »
Le sénateur LR du Rhône, François-Noël Buffet, dont publicsenat.fr évoquait le nom dès le 10 septembre, pourrait se voir confier l’Outre-mer. Si sa nomination se confirme, il lâcherait ainsi la présidence de la commission des lois du Sénat. Entre la Nouvelle-Calédonie ou la Martinique, ce sont des dossiers brûlants qui l’attendent. S’il connaît ces dossiers, ce profil Macron compatible a aussi suivi de près le texte immigration.
La sénatrice LR Laurence Garnier a été proposée à la Famille. Mais le nom de cette proche de Bruno Retailleau, sénatrice de Vendée comme lui et tout aussi conservatrice sur les questions sociétales – elle s’est opposée au mariage pour tous et à l’inscription de l’IVG dans la Constitution – pose problème à Emmanuel Macron. « Ça n’est pas passé », confirme une source chez les LR. On ne connaît pas encore qui prendrait le portefeuille.
Genevard pressentie à l’Agriculture
Pour terminer sur les LR, la député Annie Genevard pourrait prendre l’Agriculture. Le député Patrick Hetzel, dont nous évoquions aussi le nom il y a 10 jours comme ministrable, devrait devenir ministre de l’Enseignement supérieur. Ancien recteur et ex-directeur général de l’enseignement supérieur, il a toujours été proche du premier ministre.
Othman Nasrou, vice-président de Valérie Pécresse à la région Ile-de-France, ferait son entrée à la Laïcité. Lors de la primaire interne au LR, il avait aussi soutenu Bruno Retailleau, dont il faisait partie de l’équipe rapprochée. Le député Louis Thiériot serait à la Défense, chargé des Anciens combattants. Enfin, toujours sur les LR, c’est Nicolas Forissier qui serait ministre des Relations avec le Parlement, selon Politico.
Lecornu reste à la Défense
Le bloc central aurait un nombre assez important de ministres au final. A l’Economie, ce sont des macronistes qui irritent de Bercy, avec les députés Antoine Armand et Mathieu Lefèvre, qui se partageraient les portefeuilles de l’Industrie et du Budget. Pas forcément un cadeau, avec le projet de loi de finances 2025 qui arrive…
Au chapitre des sortants qui restent en place, Sébastien Lecornu garde le ministère des Armées (il serait le ministre de Tutelle de Louis Thiériot a priori) et Rachida Dati conserverait son poste à la Culture. Le retour d’Agnès Pannier-Runacher à l’Ecologie est évoqué.
Au ministère du Travail, on parle d’Astrid Panosyan-Bouvet, de Benjamin Haddad à l’Europe, de Stéphanie Rist aux Solidarités et de la députée Renaissance Maud Bregeon comme porte-parole.
Le Modem Jean-Noël Barrot au Quai d’Orsay
Après le départ de Stéphane Séjourné, le Modem hériterait d’un gros portefeuille qui fait partie du domaine réservé du chef de l’Etat, avec le ministère des Affaires étrangères pour Jean-Noël Barrot, ministre sortant de l’Europe et ancien ministre chargé du Numérique. Autre retour possible : celui de Geneviève Darrieussecq, passée par les Anciens combattants puis les personnes handicapées, qui irait à la Santé.
Pour l’UDI, on parle de la députée Valérie Létard, une proche de Jean-Louis Borloo. Le nom de l’ancienne sénatrice et ancienne secrétaire d’Etat de Nicolas Sarkozy avait déjà circulé dans le passé.
Didier Migaud, seule personnalité de gauche
Michel Barnier semble avoir trouvé la perle rare, dans le contexte actuel : une personnalité de gauche prête à entrer au gouvernement. Il n’y en aurait qu’une seule, avec Didier Migaud, actuel président de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, la même chargée de contrôler la probité des futurs ministres… Il irait au ministère de la Justice. Cet ancien du PS n’était pas vraiment de l’aile gauche, plutôt du côté social-libéral. Ancien président de la commission des finances de l’Assemblée, il a été pendant près de 10 ans président de la Cour des comptes.