Grand débat à Villiers-le-Bel : « On a parlé, on s’est lâché »
Echanges riches, mercredi soir à Villiers-le-Bel, ville de banlieue parisienne où la mairie joue le jeu du grand débat. Conditions d’éducation, accès à la culture et aux transports, logement, partage des richesses… La « souffrance des banlieues », absentes du mouvement des gilets jaunes, s’exprime à plein. Le temps d’une soirée, la parole est à ceux qui ne l’ont pas.
Gare de Villiers-le-Bel Gonesse Arnouville, 17 heures. Le RER D se vide. La masse humaine s’engouffre dans le passage sous-terrain. L’horizon est bouché. La météo annonce encore de la neige. Dans le ciel, les avions. Les pistes de Roissy sont proches. On est dans l’axe. Deux kilomètres plus loin, le bus 268 mène au quartier de Puits la Marliere. Avant d’arriver à ces grands ensembles des années 60, le bus traverse des champs. Des lignes à haute tension coupent Villiers-le-Bel en deux. Elles se dirigent droit vers Paris. La capitale est à 15 kilomètres. Proche et lointaine à la fois.
Photos : François Vignal
C’est dans ce quartier que la mairie organise ce mercredi soir un débat, dans le cadre du grand débat national lancé par Emmanuel Macron. Le matin même, le ministre Sébastien Lecornu, coanimateur de cette grande consultation, a regretté qu’il y ait « un peu moins de réunions » dans « les banlieues ». Mais Jean-Louis Marsac, le maire (ex-PS) de cette ville de 27.000 habitants du Val-d’Oise, n’a pas attendu pour faire vivre le débat. C’est la cinquième. « En décembre, tout le monde se regardait en chien de faïence pour savoir qui allait organiser ce débat. Nous, on s’est jeté à l’eau. On a profité des réunions de conseil de quartier pour tenter le coup » raconte le maire. Si les élus sont présents, ils ne participent pas. Ils restent observateurs.
Le quartier de Puits la Marliere est entouré par des pavillons d’un côté, des champs de l’autre. On est au bout du tissu urbain de l’Ile-de-France. Les rares passants tentent de ne pas glisser sur les trottoirs encore enneigés.
Dans la maison de quartier Camille Claudel, tout est prêt pour le débat. Feuilles, stylos et lettre du chef de l’Etat aux Français attendent les habitants. La lettre du maire aussi. Une trentaine de personnes a fait le déplacement.
« Débat ouvert à tous », « aucun jugement » : Géraldine Medda, membre de l’association de quartier Les as du Puits, anime l’événement. Quatre tables rondes se sont remplies. Huit personnes environ par table. C’est parti pour une bonne heure, avec restitution à la fin. Et une galette des rois offerte par la mairie. « Il n’y a pas de galette s’il n’y a pas de contribution » plaisante Géraldine Medda.
Début balbutiant sur l’une des tables. On commence par la transition écologique. Angélica, 42 ans, sans emploi, parle des papiers jetés. Ça débouche sur l’éducation des enfants. « Il faut que l’école prenne le relais quand ça ne suit pas » dit une femme. Une seconde : « Je ne suis pas tout à fait d’accord ».
Autre table. Que des femmes. « On est toutes des mamans » sourit Zulfiye, 34 ans, née à Sarcelles et fonctionnaire à Paris. La discussion tourne autour de l’école. « Il n’y a pas d’argent pour les sorties scolaires. Il faudrait que l’Etat finance au moins une sortie par an » dit Warda, sans emploi. « Apparemment, à Paris, il y a les transports gratuits pour les enfants » rebondit sa voisine. La maire de Paris, Anne Hidalgo, a annoncé cette mesure pour septembre prochain. Fatima, conseillère Pole emploi, s'insigne :
« On est dans un autre monde à Paris. Ils ont plus d’aides. Ils ont des accès à la culture beaucoup plus nombreux. Il y a une souffrance des banlieues ».
« On ne vit plus, mais on survit » lance Zulfiye. Regardez :
Zulfiye, 34 ans, Villiers-le-Bel : « On ne vit plus, mais on survit »
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« Vous voulez parler de quoi ? » enchaîne une autre. « Salubrité ». « Insalubrité » corrige-t-on, « le parc social n’est pas terrible. On est des laissés pour compte ». Le député (ex-PS) François Pupponi, ancien maire de Sarcelles, est présent dans la salle. Il interrompt brièvement les échanges. « Une fois qu’on aura recensé toutes vos propositions, on essaiera de voir si on peut en transformer en proposition de loi » dit-il, avant de s’éclipser.
Aujourd’hui, le taux de chômage avoisine les 19% à Villiers-le-Bel. C’est l’une des villes les plus pauvres de France. Elle bénéficie de tous les dispositifs de politique de la ville. Un quartier a déjà profité d’une rénovation urbaine. Pas encore celui du Puits la Marliere. C’est le prochain. En 2019, si tout va bien.
Place Berlioz, quartier de Puits la Marliere, à Villiers-le-Bel.
L’une des participantes affirme soutenir les gilets jaunes, sans pour autant manifester. « On est arrivé à un point de non-retour, c’est pour ça que ça pète » selon Fatima, « il faut arrêter de presser le citron ». Warda aurait aimé voir plus de monde présent ce soir. « Beaucoup se sentent illégitimes. Ou pensent que leur voix n’est pas écoutée. Les jeunes ne croient plus à la démocratie. Regardez la salle… Je suis la plus jeune ! » rigole la trentenaire.
« Les gilets jaunes vont se faire avaler. Une fois que tu es rentré dans le système, c’est fini »
La discussion continue sur les élus. On dénonce « les avantages des anciens Présidents et les salaires mirobolants des ministres qui ne savent même pas à combien est le Smic. On a qu’à les mettre au Smic ! Ils comprendront ce que c’est ». Regardez l’échange (et à la fin de la vidéo la restitution des propositions) :
Grand débat à Villiers-le-Bel : restitution d'une table ronde du quartier de Puits la Marliere
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La table d’à côté parle démocratie représentative justement. Pas en bien. « Il faudrait pouvoir sanctionner quand on voit qu’il n’y a personne » lance Christophe. « Oui, les absents au Sénat, quand vous voyez qu’il n’y a personne… » rebondit Isabelle, 53 ans (photo ci-dessous). « Mais tu ne peux pas demander aux personnes qui créent ces problèmes de les résoudre ! (rire) Il faudrait une structure extérieure » imagine Aimé.
Les échanges mènent aux gilets jaunes. « Ils sont obligés de se mettre en association pour participer au système » constate Christophe, face à la constitution d’une liste pour les européennes. Aimé a de gros doutes : « Ils vont se faire avaler. Une fois que tu es rentré dans le système, c’est fini ». « Il y a besoin de rentrer dans le système pour le transformer » répond Christophe (photo ci-dessous). La table prend position pour la prise en compte du vote blanc et le vote obligatoire.
Les banlieues n’ont pas – ou peu – participé au mouvement des gilets jaunes. « On sent de la méfiance chez les habitants. Il y a quand même un côté gilets jaunes très blanc. Et nous, on est issu des quatre coins de la terre » constate de son côté le maire Jean-Louis Marsac.
Aristide, « comme Aristide Briand », 64 ans, vit à Villiers-le-Bel depuis 1988. Camerounais, ses deux enfants ont la nationalité française. Sa demande : le droit de vote des étrangers aux élections locales. Une promesse que François Hollande n’a jamais pu mettre en place. Regardez :
Aristide, 64 ans, de Villiers-le-Bel, demande le droit de vote des étrangers aux élections locales
00:25
Roland, 77 ans (photo ci-dessous), est venu car « c’est important de donner son point de vue ». Même s’il ne se fait « pas d’illusion sur la finalité. Pendant ce temps, le gouvernement avance au bulldozer sur la casse des services publics. Ici, on ferme à moitié un hôpital. Et la Sécurité sociale a été fermée en août ». Rolland ajoute à ses doléances « la hausse du Smic à 1800 euros brut ». Et glisse au passage qu’il est secrétaire de la section locale du Parti communiste.
C'est l'heure de rendre les copies
Il est près de 21 heures, c’est l’heure de rendre les copies. David, un grand à la parole facile, se lance : « On a chacun parlé, on s’est lâché. Et à la fin on a essayé de classer tout ça ». Son groupe propose « des potagers dans les espaces verts des villes pour être autonome. On peut partager les choses de la terre ». Une idée inspirée de l’urban farming, qui s’est développé dans certaines villes de Etats-Unis, comme Detroit. Ou encore : « Un salaire maxi à 800.000 euros par an », alors que « Carlos Ghosn gagne des dizaines de millions ». David (en centre de la photo ci-dessous) ajoute : « On est dans la survie. Eux sont dans le jeu ». Face aux « grandes villes qui se portent bien », « il faut développer les territoires. Il y a une vraie injustice ».
Autre idée : « Institutionnaliser ce grand débat. Si on peut le faire tous les 5 ans, entre chaque élection présidentielle, ce sera très bien ».
Baisse de la TVA sur les produits de première nécessité, impôt symbolique dès 1 euros, plus de fonctionnaires
Table suivante : baisse de la TVA pour « les produits de première nécessité » et « augmentation des prix pour les produits de luxe » ; « Fiscalité participative, même symboliquement, à 1 euro » ; « Pour les transports, il y a grande inégalité dans le Val-d’Oise ». Seul point positif reconnu dans la politique d’Emmanuel Macron, « la suppression de la taxe d’habitation, c’est bien. Mais ce sera financer par qui ? »
Table de Fatima et Warda : « Augmenter le nombre de fonctionnaires. Ce ne sont pas les fonctionnaires qui ruinent la France ». Pour la dernière, c’est Angélica qui s’y colle. Les échanges sur l’écologie ont avancé. Elle parle « de la consommation excessive de gaz et d’électricité, à cause des mauvaises isolations. On est parfois mal logé ». Les idées partent dans tous les sens. Parfois conspirationnistes : « Il faut dévoiler les onze accords secrets entre la France et les pays d’Afrique francophone ». Parfois très concrètes : « Il n’y a pas de photocopieuse à la CAF. Et pour les services publics, tout le monde ne maîtrise pas l’informatique ». Ou encore : « Planter des arbres fruitiers ».
Géraldine Medda reprend le micro : « Vous avez bien travaillé ». C’est l’heure de la galette des rois. Le maire (à gauche, sur la photo ci-dessus) échange avec les mères de famille. « Franchement, c’était très bien » sourit l’une d’elles, qui reste assise avec ses copines. « Vous passez la soirée ici alors ! » s’amuse l’élu. Aristide, comme les autres participants, ne sait pas ce qu’il ressortira du grand débat. Mais ce soir, il sait au moins une chose : « On est en train de faire vivre la citoyenneté et la démocratie ».
Le vote de la motion de censure n’a pas seulement fait tomber le gouvernement Barnier. Il empêche l’adoption de nombreux dispositifs, notamment toutes les mesures d’aides. Les agriculteurs et la Nouvelle Calédonie en font les frais, comme l’indexation de l’impôt sur le revenu. Il faudra attendre un nouveau budget, en début d’année, pour y remédier.
Dans le contexte du procès des assistants parlementaires du FN, Jordan Bardella se voit refuser la reconduction de François Paradol, son directeur de cabinet, comme assistant parlementaire local. « Le Parlement européen est devenu plus regardant sur les activités du RN », indique Olivier Costa, spécialiste de l’Union européenne.
Invité de la matinale de Public Sénat, Mathieu Darnaud, président du groupe Les Républicains au Sénat, a répété ce jeudi que son parti ne participerait pas à « un gouvernement dont le Premier ministre serait de gauche et porterait le programme du Nouveau Front populaire ». Le responsable pointe « l’irresponsabilité » des forces politiques qui ont voté la censure.
Après avoir été présenté en conseil des ministres ce mercredi 11 décembre, le projet de loi spéciale sera examiné à l’Assemblée nationale à partir du 16 décembre et au Sénat en milieu de semaine prochaine. Cet après-midi, les ministres démissionnaires de l’Economie et du budget ont été entendus à ce sujet par les sénateurs. « La Constitution prévoit des formules pour enjamber la fin d’année », s’est réjoui le président de la commission des Finances du Palais du Luxembourg à la sortie de l’audition.
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