On ne compte plus les partis politiques qui avaient saisi le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) ces dernières semaines, face à des diffusions répétées, dans la longueur, des interventions du président de la République dans le cadre du grand débat. Le 15 janvier, Emmanuel Macron avait bénéficié de sept heures d’exposition sur certaines chaînes d’information, lors de son dialogue avec les maires de l’Eure à Grand-Bourgtheroulde.
Neuf autres rendez-vous du même type, soit devant des élus ou devant des citoyens, ont suivi et ont été retransmis sur des chaînes de télévision. Avec une critique de l’opposition de plus en plus virulente et insistante : le chef de l’État est-il en campagne électorale ? Les Républicains, le Rassemblement national, mais aussi le Parti socialiste et la France insoumise ont demandé au CSA de clarifier les modalités du calcul du temps de parole présidentiel.
Une règle du tiers / deux tiers
Le CSA a rendu sa décision le 20 février, et celle-ci a été dévoilée en début de semaine : les interventions d’Emmanuel Macron, qui relèvent du « débat public national », rentrent dans le décompte du temps de parole de l'exécutif, lequel comprend également l’expression de ses collaborateurs et des membres du gouvernement. Ses déclarations sur des sujets régaliens, comme les allocations qui font suite à un attentat, ne sont pas comptabilisées dans le décompte.
Depuis le 1er janvier 2018, les règles du Conseil supérieur de l’audiovisuel prévoient que le pouvoir exécutif dispose d’un temps d’antenne équivalent au tiers du total des interventions politiques. Le reste est réparti entre les différents partis, de manière « équitable », en fonction de divers paramètres comme leur représentativité dans les assemblées, leurs résultats électoraux ou encore les « indications de sondages d’opinion ».
Pas de dépassements significatifs pour le mois de janvier
Les derniers relevés de temps de parole des différentes personnalités politiques ne laissent pas apparaître, pour le mois de janvier, de gros écarts avec les règles de répartition. Ainsi, selon nos calculs réalisés à partir des chiffres déclarés par les différentes chaînes, sur BFMTV l’exécutif a bénéficié de 33% du temps d’antenne, et de 36% sur France Info. Sur LCI (25%) et CNews (22%), les totaux sont en revanche plus bas. Emmanuel Macron ayant participé à trois débats retransmis en direct en janvier (à Grand-Bourgtheroulde dans l’Eure le 15 janvier, à Souillac dans le Lot le 18 janvier, puis à Bourg-de-Péage dans la Drôme le 24 janvier), ce premier mois n’était sans doute pas le mois le plus compliqué pour les différents médias pour rééquilibrer les temps de parole.
C’est d’ailleurs sur ce constat que s’est exprimé le ministre de la Culture et de la Communication, Franck Riester, le 7 mars, sur Public Sénat. « Fin janvier, il n'y avait aucun dépassement du temps de parole de l'exécutif par rapport au tiers du temps de parole. Le CSA va vérifier si l’équilibre est respecté sur l’ensemble du trimestre », avait souligné le ministre. Au passage, le représentant du gouvernement avait rappelé que la responsabilité du respect de l’équilibre était de la responsabilité des médias eux-mêmes. « C’est aux rédactions de vérifier que le temps de parole est respecté », indiquait-il.
Quant au CSA, il a « assuré » aux « plaignants » qu’il serait « attentif au strict respect par les médias audiovisuels des équilibres prévus par ses délibérations ».
Les chiffres du mois de février devraient être publiés prochainement. En février, le président de la République a participé à six rendez-vous dans le cadre du Grand débat national :
- -1er février : réunion sur le thème de l’Outre-mer à l’Élysée
- 4 février : débat à Évry- Courcouronnes (Essonne), avec des élus de banlieue
- 7 février : débat à Etang-sur-Arroux (Saône-et-Loire), avec des lycéens
- 14 février : échange à Gargilesse-Dampierre (Indre), avec des maires
- 26 février : réunion à l’Élysée avec des élus du Grand-Est
- 28 février : débat à Pessac (Gironde)
Dans les règles qu’il a édictées, le CSA rappelle qu’il peut apprécier la répartition du temps de parole sur une période longue. Sur son site, on peut lire que « le CSA tient compte, le cas échéant, d’éventuelles situations exceptionnelles liées à l’actualité et examinera le respect du pluralisme politique sur une période suffisamment longue pour lisser les effets de l’actualité ». L’appréciation sera sur une base trimestrielle. Le premier trimestre englobera d’ailleurs l’ensemble du calendrier du grand débat national.
Modification des règles de répartition du temps de parole pour les spots de campagne
L’instauration de règles plus spécifiques, en vue de la campagne pour les élections européennes du 26 mai 2019, n’interviendra que plus tard. Généralement, une durée de six semaines précédent le scrutin est retenue. Autrement dit, la campagne officielle devrait débuter dans l’audiovisuel à partir de la mi-avril.
La loi relative à l’élection des députés européens, promulguée en juin 2018, a modifié les règles de répartition du temps alloué pour les spots de campagne officielle, en faisant la part belle aux formations politiques les plus représentées. Si une durée d’émission de trois minutes est mise à la disposition de chaque liste, la loi dispose également qu’une tranche de deux heures est répartie entre ces mêmes listes, en fonction de leurs poids au Parlement français et européen.
Une troisième tranche d’une heure et demie est répartie par le CSA pour corriger les éventuels déséquilibres. Il s’agit que « les durées d'émission attribuées à chacune des listes en application du présent article ne soient pas hors de proportion avec la participation à la vie démocratique de la nation des partis et groupements politiques qui les soutiennent ».
Répondant aux partis qui accusaient Emmanuel Macron d’avoir pris de l’avance dans la campagne des européennes, le CSA s’est contenté de rappeler le principe d’une délibération de 2011 et de la jurisprudence du Conseil d’État. L’autorité de régulation rappelle que « les interventions éventuelles du président de la République qui, en raison de leur contenu et de leur contexte, relèvent du débat politique lié aux élections, notamment celles qui comportent l'expression d'un soutien envers un candidat ou une liste de candidats, un parti ou groupement politique, font l'objet d'un relevé distinct ».