Grenelle de l’éducation : « Il y a aujourd’hui un risque de désertification enseignante », alerte Max Brisson

Grenelle de l’éducation : « Il y a aujourd’hui un risque de désertification enseignante », alerte Max Brisson

Jean-Michel Blanquer a lancé, ce jeudi, le Grenelle de l'éducation au CESE. Un travail de trois mois qui débouchera sur une loi de programmation pluri-annuelle mettant en œuvre la revalorisation salariale des professeurs mais aussi un axe propre à la protection des enseignants. 
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Par Héléna Berkaoui

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Au lendemain de l’hommage à Samuel Paty, le ministre de l’Éducation nationale a maintenu le lancement du grenelle de l’éducation au CESE. Jeudi après-midi, il a annoncé les principaux axes de travail pour les trois mois à venir avec, circonstances obligent, un atelier propre à la protection des professeurs. « Il s’agit d’améliorer l’accompagnement des personnels dans la gestion des situations difficiles, de mieux articuler les différents services de l’État pour assurer la protection de nos professeurs et nos personnels et faciliter l’accès à différents services », a développé Jean-Michel Blanquer. 

Dix ateliers seront ainsi déployés pour plancher sur différents sujets tels que la revalorisation du salaire des enseignants, l’amélioration des formations initiales et continues ou la mise en place de ressources humaines de proximité pour accompagner les professeurs dans leur carrière. Des personnalités telles que Boris Cyrulnik, Daniel Pennac ou Marie-France Monéger auront en charge de présider ces ateliers et un projet de loi de programmation pluriannuel sera présenté à l’issue de ce Grenelle.  

« L’aspect revalorisation des salaires est le plus attendu », souligne Elisabeth Allain-Moreno, secrétaire nationale du SE-Unsa en charge des carrières professionnelles. « On nous parle de 400 000 millions d’euros, c’est une enveloppe globale, mais pour l’instant ça ne dit rien, ce sont des intentions, nous n’avons pas de visibilité. Les mesures et leur concrétisation sont fortement attendues », avertit-elle aussi. 

L’assassinat sordide de Samuel Paty a créé un émoi considérable dans la profession et au-delà, « on ne peut plus ignorer les appels au secours, il faut des mesures concrètes », presse Elisabeth Allain-Moreno pour qui il existe quelques limites à l’élaboration de telles mesures. « Aujourd’hui c’est compliqué de demander des améliorations puisque nous n’avons pas d’éléments ni de chiffres sur le nombre d’agressions, par exemple. Ce que l’on attend, a minima, c’est que le problème de la laïcité ne soit pas mis sous le tapis. » 

La sénatrice LR de l’Essonne, Laure Darcos, rappelle que la commission de l'Éducation du Sénat avait reçu des professeurs suite à la vague de témoignages de violences en milieu scolaire sous le hashtag #Pasdevague, il y a deux ans. « Ils ont témoigné anonymement des humiliations et des invectives de la part d’élèves mais parfois aussi de parents. On a fait porter à l’école tout le poids des malaises et des violences de la société », dénonce la sénatrice. Auditionné au Sénat plus tôt dans la journée, Jean-Michel Blanquer assurait d’ailleurs que le « pas de vague » n’était « plus la logique de l’éducation nationale ». Pour la sénatrice de l'Essonne, il faudrait aujourd’hui aller plus loin et envisager un durcissement sur le plan judiciaire pour condamner les violences commises sur les enseignants. Dans le même esprit, le sénateur LR, Olivier Paccaud, a déposé une proposition de loi visant à créer « un délit d’entrave à la liberté d’enseigner » (lire notre article). Le Grenelle doit être, selon elle, l’occasion de laisser place à la parole des professeurs : « Ils ont besoin d’être entendus ». 

« La crise sanitaire a montré l’étendue de la fracture numérique et sociale »

Le sénateur LR Max Brisson, qui est l’auteur d’un rapport parlementaire sur le manque d’attractivité de la profession, alerte lui sur la dégradation des conditions de travail. « Il y a aujourd’hui un risque de désertification enseignante ! », assure-t-il. Le sénateur pointe un double problème de reconnaissance : sociale et financière. « C’est le ministère qui paie le plus mal ses fonctionnaires. Lorsque l’on compare l’évolution salariale entre les ministères, on constate que des choix ont été faits, il y a un vrai problème d’attractivité et une nécessité de se remettre à niveau dans le classement de l’OCDE. C’est un processus long parce que la masse salariale est considérable », affirme Max Brisson. 

Le salaire des enseignants français est effectivement inférieur de 7 % en début de carrière à la moyenne des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

« Le Grenelle de l’éducation arrive à point nommé », estime Max Brisson qui salue « les propos très forts de Jean-Michel Blanquer sur le fait que les professeurs doivent être remis au centre de la société ». Le chantier lui apparaît néanmoins titanesque, « la crise sanitaire a montré l’étendue de la fracture numérique et sociale ». Comme il le souligne, les professeurs se fournissent eux-mêmes en matériel informatique, le ministre a néanmoins annoncé une prime d'équipement informatique de 150 euros net annuels pour chaque professeur. 

Jean-Michel Blanquer a aussi affirmé que le budget pour 2021 serait augmenté de 400 millions d’euros afin d'augmenter les salaires des enseignants français. « Tout ne se résume pas à l’augmentation de la rémunération des professeurs qui sera une des conséquences du grenelle, il y a tout l’enjeu du bien-être professionnel, tout l’enjeu de la personnalisation du parcours », a-t-il aussi déclaré. Max Brisson appuie en écho sur la nécessité de revoir les formations initiales et continues des enseignants. « Les formations sont trop théoriques et pas assez pratiques. On le voit bien, les professeurs ont besoin d’être armés pour faire face ». 

Si la démarche de Jean-Michel Blanquer est plutôt saluée dans les rangs de la droite sénatoriale, ça ne se vérifie pas à gauche. Le sénateur PCF des Hauts-de-Seine, Pierre Ouzoulias, ne prête aucune confiance à ce Grenelle. « C’est comme le Ségur de la santé, à la fin il n’y aura aucun changement », souffle-t-il. Largement investi sur le projet de loi de programmation pluriannuel sur la recherche, le sénateur est largement échaudé. « Le projet de loi sur la recherche définit une ligne budgétaire pour la première année, 2021, et il va en réalité être inférieur à ce qui était prévu. Le décalage est immense entre les annonces gouvernementales et la réalité du terrain », s'étrangle-t-il. Pierre Ouzoulias estime qu’il s’agit d’un problème de fond : « S’il n’y a pas de volonté politique pour remettre à plat le service public (hôpitaux, écoles…) on n’y arrivera pas ».  

 

 

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