Le ministre devait annoncer une enveloppe de l’ordre 500 millions d’euros pour revaloriser le métier d’enseignant. C’est finalement 700 millions d’euros que Jean-Michel Blanquer a annoncé en fin de journée. Une bonne nouvelle pour les fonctionnaires dont les salaires font partie des plus bas des pays de l’OCDE. Mais l’inquiétude des syndicats d’enseignants porte sur les modalités de cette hausse de salaire. En effet, les ateliers du Grenelle, avaient mis sur la table les pistes de la rémunération au mérite, le recrutement d’enseignants sur la base d’entretiens, l’évolution des règles de mutation, ou encore une progression de carrière accélérée pour ceux qui accepteraient de se former pendant leurs vacances.
Selon le ministre, la ventilation de cette enveloppe de 700 millions sera discutée « au long du mois de juin » avec les organisations syndicales, ainsi que les modalités de mise en oeuvre. « L'ensemble des personnels est concerné par cette enveloppe mais la priorité reste donnée aux débuts de carrière de manière à rendre attractif le métier d'enseignant », ajoute-t-on au ministère.
« La revalorisation doit être la reconnaissance du travail qui est fait aujourd’hui »
« Pour nous, la revalorisation doit être la reconnaissance du travail qui est fait aujourd’hui, de la charge de travail qui s’est alourdie. Et ça ne doit pas rajouter une charge de travail supplémentaire pour pouvoir en bénéficier », prévenait à la mi-journée Frédéric Marchand, secrétaire général de l’Unsa éducation, qui indique qu’un certain nombre de contreparties comme la rémunération annuelle au mérite, ou encore des heures supplémentaires imposées, semble être aujourd’hui des pistes abandonnées.
« Ce serait la fin de l’Education nationale. C’est un grand classique de ce gouvernement qui considère que ça marche mieux dans la fonction publique si on incorpore les règles de management de l’entreprise. Mais en même temps on demande aux enseignants de respecter les valeurs de la République », observe le sénateur communiste, vice-président de la commission de la culture et de l’éducation, Pierre Ouzoulias, qui milite pour une refondation de l’Education nationale « sur des bases républicaines ». « C’est-à-dire l’égalité des droits. La mixité sociale fait partie de l’amélioration de ce métier. Il y a aujourd’hui des établissements de relégation sociale qui font que les conditions de travail des enseignants empirent ».
Pour le vice-président LR de la commission de la culture et de l’éducation, Stéphane Piednoir, l’évaluation des enseignants doit au contraire être revue. « Au bout de 15 ans de carrière, quel que soit l’investissement de l’enseignant, il a déjà la note maximale. C’est un débat qui doit être ouvert. Chaque métier nécessite une remise en question. Les grilles d’évaluation des professeurs ne sont plus adaptées », juge-t-il.
Abandon de la loi de programmation : « Une vraie déception »
Dans le budget 2021, l’exécutif avait déjà consacré 400 millions (500 millions d’euros en année pleine) à la revalorisation des salaires des professeurs. Ses effets se concrétisent ce mois-ci dans le premier et second degré, avec une prime mensuelle de 36 euros net par mois pour des profs ayant entre onze et quinze ans d’ancienneté et jusqu’à 100 euros net mensuels pour les nouveaux titulaires. Mais ces revalorisations étaient censées se poursuivre année après année, dans le cadre d’une loi de programmation pour atteindre environ 10 milliards à l’horizon 2037 et toucher l’ensemble du corps enseignant. Une piste qui est désormais abandonnée. « On a une vraie déception […] C’est quelque chose qui permettait d’ancrer une revalorisation sur plusieurs années », regrette Frédéric Marchand.
Même sentiment du côté de Stéphane Piednoir pour qui cette loi de programmation aurait fixé un cadre, avec des objectifs chiffrés comme ce que nous avons déjà voté pour la recherche ou la défense ».
« Ça aurait été de la monnaie de singe de toute façon », tempère Pierre Ouzoulias qui rappelle le principe constitutionnel de l’annualité du budget. « On sait très bien que les objectifs des lois de programmation ne sont pas toujours respectés et que les gouvernements suivants ne sont pas tenus par ces engagements ».
Pour le sénateur communiste, « Jean-Michel Blanquer a beaucoup à se faire pardonner auprès de l’électorat enseignant. La valorisation du métier ça passe aussi par le rapport à la classe, la capacité à innover. Mais pour ça il faut de la confiance et une liberté pédagogique. Jean-Michel Blanquer a eu de ce côté-là une gestion ultra-autoritaire comme en témoigne un sondage catastrophique qui vient de sortir », pointe-t-il.
Dans l’édition 2021 du Baromètre Unsa, le ministre ne trouve que 8 % de soutiens chez les professeurs des écoles, 6 % chez les enseignants du deuxième degré. Un inspecteur et un personnel de direction sur quatre seulement partage les vues.