Le 15 novembre 2021 sonne la fin de l’état d’urgence sanitaire dans la grande majorité des territoires ultramarins. Une date, qui en Guadeloupe, correspond au début d’une grève générale illimitée, lancée par un collectif d’organisations syndicales et citoyennes, contre l’obligation vaccinale des soignants et le passe sanitaire. Et en quatre jours, les tensions n’ont cessé de croître sur l’île au point de pousser le gouvernement à envoyer dans les prochains jours 200 policiers et gendarmes en renfort, comme l’ont indiqué, ce vendredi dans un communiqué commun, les ministres des Outre-mer Sébastien Lecornu et de l’Intérieur Gérald Darmanin.
Outre le blocage des routes et du CHU de Pointe à Pitre (seules les ambulances sont autorisées à rentrer), la nuit de jeudi a été marquée par plusieurs incendies d’immeubles.
« Les tensions vont crescendo. Ça devient très inquiétant. La population a de plus en plus de difficultés pour accéder aux établissements de santé. On peut comprendre que des gens ne souhaitent pas se faire vacciner. Mais on ne peut pas accepter ces entraves à la liberté d’aller et venir. Je remarque que certains responsables politiques locaux attisent le feu sur les réseaux sociaux. Quel que soit notre bord politique, nous devons apaiser la situation et redonner confiance », s’insurge la sénatrice socialiste de Guadeloupe, Victoire Jasmin qui se risque à parler de « début de guerre civile ».
Si seulement 33 % des Guadeloupéens sont vaccinés (contre 75 % en Métropole), le taux de vaccination du personnel soignant atteint pourtant plus de 85 %. Auditionné le 8 octobre dernier, devant le Sénat, Sébastien Lecornu avait dénoncé « les fake news sur les boucles WhatsApp privées et sur les réseaux sociaux » qui « ont fait un mal épouvantable » dans certains territoires d’Outre-mer.
« Le gouvernement aurait dû faire preuve de pédagogie »
Aux Antilles, cette défiance d’une partie de la population vis-à-vis de l’État et de la parole officielle s’explique également par des raisons historiques, celle de « l’occultation prolongée des conséquences de l’usage de la chlordécone (un pesticide ayant contaminé les sols et les populations) », comme l’a souligné récemment une mission d’information du Sénat sur les effets du confinement.
Dans leur rapport présenté le 18 novembre, les sénateurs alertaient sur les conséquences dramatiques que provoquerait une 5e vague épidémique qui reste « malheureusement probable ». « Les Outre-mer représentent 4 % de la population française, mais plus de 30 % des décès liés au covid de début juillet à fin octobre », soulignaient-ils.
Lire notre article: Outre-mer : le Sénat alerte sur « les conséquences dramatiques » qu’aurait une 5e vague
Victoire Jasmin qui s’était opposée à la loi du 6 août 2021 qui instaure le passe sanitaire et l’obligation vaccinale des soignants, persiste. « Le gouvernement aurait dû faire différemment, faire preuve de pédagogie, s’appuyer sur les acteurs locaux, plutôt que de brandir la menace de l’obligation vaccinale. Je remarque que le président de la région, qui fait partie de la majorité présidentielle, dit maintenant la même chose que moi ».
Mercredi, le président de la région Guadeloupe a rappelé son opposition à l’obligation vaccinale. « Si on s’était mis autour d’une table avec les syndicats, avec les partenaires, on aurait pu trouver des solutions (concernant) cette obligation et on aurait pu trouver une autre porte de sortie », a-t-il affirmé sur Franceinfo. Il a également estimé que le blocage « n’était pas seulement dû à cette obligation vaccinale, mais aussi à tous les problèmes que nous rencontrons ».
« Les revendications se sont déportées vers d’autres sujets comme les revendications salariales ou la cherté de la vie »
« Les revendications se sont déportées vers d’autres sujets comme les revendications salariales ou la cherté de la vie. Des problèmes qui ne sont pas nouveaux. Mais l’obligation vaccinale les a remis au goût du jour », confirme Dominique Théophile, sénateur (RDPI à majorité En marche) de Guadeloupe.
Bien conscient des difficultés locales, le ministre de la Santé, Olivier Véran avait indiqué ne pas vouloir « rajouter la contrainte de l’obligation vaccinale » à la situation déjà critique. Raison pour laquelle, la date butoir pour l’application de cette obligation vaccinale avait été décalée d’un mois par rapport à la métropole, soit le 15 novembre, date du début de la grève.
« Je demande à ce que ma population soit protégée »
Dominique Théophile, avait d’ailleurs alerté le gouvernement via une question écrite le 21 octobre dernier dans laquelle il s’alarmait de « l’application systématique » de la mesure en Guadeloupe. « Aucun des établissements de santé du département, préalablement soumis à des tensions sociales, ne serait en capacité d’assurer la continuité des soins puisque les personnels ne seraient plus en mesure d’exercer légalement leur profession ». En conséquence, le secrétaire du Sénat demandait au ministre de la Santé quelles mesures il envisageait « afin d’éviter de générer une crise sanitaire et sociale sans précédent, dans un contexte socio-économique dans un contexte socio-économique et un climat épidémique aggravés ».
« C’était il y a un mois et nous n’étions qu’à 30 % de soignants vaccinés. La question de l’organisation des soins n’est pas une question politique, elle est transpartisane et je demande à ce que ma population soit protégée », souligne-t-il.
A ce titre Victoire Jasmin comme Dominique Théophile plaident pour différer la date butoir de l’obligation vaccinale des soignants. En Martinique, une mission de médiation a débouché dimanche sur un report de l’obligation vaccinale pour les soignants au 31 décembre.
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