Au premier jour d'une grève SNCF susceptible de durer, Emmanuel Macron et le gouvernement jouent les équilibristes, entre fermeté dans la conduite des réformes et promesse de "concertation", dans l'espoir d'éviter une jonction des mécontentements.
Face à des syndicats tout autant déterminés, le gouvernement assure depuis des semaines qu'il maintiendra le cap dans ce dossier. "Le message est que la réforme est nécessaire" au vu de la dette de la SNCF et de la dégradation de la qualité de service, a encore insisté le rapporteur LREM de la réforme ferroviaire à l'Assemblée, Jean-Baptiste Djebbari, mardi sur LCP.
Le porte-parole de LREM, Gabriel Attal, s'était montré lui aussi très ferme la veille en appelant à "sortir de la gréviculture" et en dénonçant "une opposition de principe, un conservatisme", face à une réforme qui sera "votée, adoptée".
Le gouvernement, qui s'attendait à une grève très suivie, martèle néanmoins sa volonté de "dialogue" avec les représentants syndicaux. Il "tiendra bon, dans l'écoute, dans la concertation, dans le dialogue", a fait valoir la ministre des Transports Elisabeth Borne mardi sur BFMTV et RMC.
Objectif: gagner la bataille de l'opinion, dont le soutien au mouvement progresse (46% de Français le jugent "justifié" selon un sondage Ifop pour le Journal du dimanche, contre 42% mi-mars), même s'il reste minoritaire (51% soutiennent la réforme).
L'ex-ministre des Transports, et ex-Les Républicains (LR), Dominique Bussereau a résumé l'enjeu mardi matin: "une bataille politique" sur laquelle Emmanuel Macron et le gouvernement seront "jugés".
Et donc une bataille de communication. Dans leur édition de mardi, Les Echos racontent qu'"une interview, pourtant prudente", de Mme Borne a été "tellement réécrite" par Matignon que le quotidien a finalement refusé de la publier le 13 mars.
- "Volet social" -
Concrètement, outre les dizaines de réunions programmées, le gouvernement met en avant ses gestes de bonne volonté à l'adresse des syndicats: abandon du recours aux ordonnances sur le volet ouverture à la concurrence, respect des engagements de l'Etat pour rénover une partie des "petites lignes" de chemin de fer et proposition d'un "sac à dos social" avec des droits garantis pour les cheminots en cas de passage dans une entreprise concurrente.
Mardi, le patron du groupe LREM à l'Assemblée nationale Richard Ferrand a même dit son amour pour les cheminots: "Moi je les aime, je vois comment ils se dévouent, comment ils bossent", avec des infrastructures et des trains "qui ne sont pas au niveau", a-t-il déclaré sur LCP, accusant certains, "minoritaires", de vouloir "jouer un troisième tour de l'élection présidentielle" avec cette grève, quand "d'autres en ont un peu marre du cheminot bashing".
A droite, Les Républicains, favorables à la réforme, la jugent toutefois incomplète car elle ne s'attaque pas à la question du régime spécial de retraite des cheminots. Eric Woerth, le président de la commission des Finances de l'Assemblée nationale, a regretté mardi "une réponse a maxima des syndicats" face à "une réforme a minima", et que ce soit les usagers qui "paient la note".
Au-delà du dossier SNCF, c'est le spectre des grèves de 1995 que le gouvernement veut à tout prix éviter, alors qu'après les personnels des Ehpad et la mobilisation contre la réforme de la fonction publique, incidents et blocages se multiplient dans les universités avec le début de l'application de la délicate réforme de l'enseignement supérieur.
D'autres mouvements font aussi la une depuis ce week-end de Pâques, dans la gestion des déchets, chez Air France ou encore Carrefour.
A la gauche de la gauche, qui mise sur une "coagulation" de ces mouvements, Jean-Baptiste Djebbari a répondu mardi que "faire la confusion des sujets, c'est ne résoudre aucun sujet individuellement".
Mais certains membres de l'aile gauche de la majorité, comme la députée LREM Brigitte Bourguignon, regrettent que "le volet social du projet d'Emmanuel Macron n'a pas été assez affirmé jusqu'à présent". Dans L'Opinion mardi, elle se félicite donc que le gouvernement prévoie de faire dans "les prochaines semaines des annonces fortes", notamment en matière de lutte contre la pauvreté des enfants ou d'aide aux banlieues.