En déplacement au Salon de l’élevage à Cournon d’Auvergne (Puy-de-Dôme), Michel Barnier a annoncé une aide de 75 millions d’euros pour les éleveurs de brebis victimes de la fièvre catarrhale ovine et des prêts garantis par l’Etat pour les exploitations en difficulté. Des mesures bienvenues pour les agriculteurs qui ne calment pas pour autant leur colère.
L’hypothèse d’un groupe réunissant les soutiens d’Edouard Philippe agite le Sénat
Par Public Sénat
Publié le
Derrière les murs épais du Palais du Luxembourg, le calme actuel est trompeur. Pour cause de campagne, le Parlement est en pause. Mais pas les esprits, qui échafaudent divers scenarios, avant même les résultats du premier tour. Dans l’éventualité d’une victoire d’Emmanuel Macron, la recomposition pourrait reprendre. A gauche, mais aussi, et surtout, à droite.
« La poutre travaille aussi au Sénat »
Du côté du groupe LR, on observe avec attention l’activisme d’Edouard Philippe. L’ancien premier ministre, qui soutient le Président sortant, a lancé son écurie, avec Horizons. Et le maire du Havre se structure et prépare la suite. « Edouard Philippe veut un groupe au Sénat », confie un sénateur LR, qui entend rester lui dans sa famille. Il avance qu’« il y aura de la recomposition au Sénat. La poutre y travaille aussi, comme disait Edouard Philippe ». Un peu plus tard on croise un sénateur socialiste, qui évoque de lui-même l’hypothèse. Il « ne doute pas qu’il y aura un groupe philippiste au Sénat ».
La rumeur circule vite apparemment, puisqu’un autre sénateur LR a « entendu la même chose dans les couloirs du Sénat. Il paraît qu’il y a des contacts ». Un élu de droite soutient même qu’« Edouard Philippe lui-même s’en charge ». « Tous les bruits vont courir. C’est l’heure des grandes manœuvres et des grandes rumeurs », s’amuse une sénatrice centriste. « Au Sénat, ça va vite. Tout le monde est en train de causer de la recomposition », confirme un membre de la Haute assemblée. Bref, ça grenouille.
« Edouard Philippe voit des sénateurs et des députés »
Alors info ou intox ? Un membre d’Horizons assure ne « pas être au courant. Ça peut être de l’intox », dit ce parlementaire, qui « suppose que des tas de gens LR ou de l’Union centriste se posent des questions ». Notre interlocuteur reconnaît qu’« Edouard Philippe voit des sénateurs et des députés. Mais pour le moment, il leur vend Horizons. Ce n’est pas la même chose que faire un groupe », nuance ce membre du parti philippiste, selon qui l’ancien premier ministre ne démarche pas les sénateurs. « Ce n’est pas Edouard Philippe, mais ce sont des sénateurs qui demandent à le voir. Il y en a un ou deux qui l’ont rencontré. Ils ont discuté ». Mais promis, « pour le moment, il n’y a pas de manœuvre enclenchée ». Un sénateur centriste tempère aussi l’idée, mais sans pour autant l’écarter :
Qu’il y ait autour d’Edouard Philippe des députés Horizons, et qu’à un moment, ça vienne questionner aussi au Sénat, ce n’est pas un truc irréaliste. Ce n’est pas baroque que l’idée soit évoquée.
Dans cette « tectonique » des plaques, « chacun y va de son scénario », ajoute le même parlementaire, d’autant que « chez LR, comme à gauche, il va y avoir des choses qui vont se reconfigurer autrement ».
« Qu’il cherche, c’est peut-être une chose. Qu’il ait du mal à trouver, ça me semble une évidence »
Mais selon un élu de droite, ça ne prendrait pas. « Qu’il cherche, c’est peut-être une chose. Qu’il ait du mal à trouver, ça me semble une évidence », raille une sénatrice LR, qui interroge : « Etre fondu dans un groupe qui ne représentera pas grand-chose, quel est l’intérêt plutôt que de rester dans un groupe fort avec des moyens ? »
Le président du groupe Union centriste, Hervé Marseille, dont le groupe compte plusieurs sénateurs pro Macron, comme Olivier Cadic, Yves Detraigne et maintenant Françoise Gatel, tout en étant avant tout une composante de la majorité sénatoriale avec les LR, reste prudent. « Ce n’est pas la première fois que j’entends parler de ça », admet le sénateur des Hauts-de-Seine. Mais il ne semble pas trop y croire. « On sait qu’il y a des gens qui se sont manifestés en faveur de l’élection du Président sortant. Ce n’est pas pour autant qu’ils changent de groupe. A l’Union centriste, il y a déjà des Modem qui par définition soutiennent le Président », rappelle Hervé Marseille, qui insiste sur « la diversité d’opinion dans (son) groupe. Chez nous, c’est plutôt une seconde nature ! » « C’est un groupe œcuménique », résume l’un de ses membres, qui compte voter Macron sans pour autant en effet changer de groupe.
« Une réorganisation des groupes au Sénat devient incontournable »
Ce qui est certain, c’est que « beaucoup de parlementaires réfléchissent à la situation, aussi bien au groupe LR qu’ailleurs, à une réorganisation des groupes au Sénat. Ça devient incontournable », estime un sénateur qui s’est rapproché d’Emmanuel Macron. Plutôt qu’un groupe proche d’Edouard Philippe, lui imagine davantage la création d’un grand groupe macroniste, qui rassemble toutes les chapelles et sénateurs plus ou moins favorables à Emmanuel Macron. « Ce serait une réorganisation de la majorité présidentielle. Un certain nombre de parlementaires vont réfléchir à créer un groupe, ou un intergroupe, ce n’est pas exclu », pense ce sénateur.
En cas de second tour Macron/Le Pen, les consignes – ou l’absence de consigne – des dirigeants LR, à commencer par Bruno Retailleau, à la tête des sénateurs LR, seront regardées de près par les sénateurs de droite et pourraient les influencer. « À titre personnel, je ne voterai pas Marine Le Pen, je prendrai mes responsabilités, mais je m’en tiendrai là », avait affirmé en 2017 à Ouest France le sénateur LR de Vendée. On verra bientôt s’il reste sur la même ligne. Le score de la candidate LR jouera aussi. « Si Valérie Pécresse est entre la 4e et la 5e place, ça va être sauve qui peut », prédit une sénatrice centriste.
« Je ne cherche pas de ralliements à tout prix. Il faut que ce soit une démarche personnelle », explique François Patriat
Qu’en pense le président du groupe RDPI, François Patriat, qui rassemble les sénateurs LREM ? Il assure ne pas avoir entendu parler d’une initiative d’un groupe pro-Philippe, même si elle ne lui semble « pas illogique ». Le sénateur de la Côte-d’Or verrait plutôt, lui aussi, un grand groupe macroniste au Sénat. « S’il est réélu, et si le Président le souhaite, on pourrait faire un grand parti unique, dans lequel tout le monde pourrait se retrouver », explique François Patriat. L’idée d’un grand parti démocrate est en effet dans les cartons. Mais tout dépend de la tournure du scrutin. « Si Emmanuel Macron est réélu, des sénateurs souhaiteront se rapprocher de la majorité », croit ce fidèle du chef de l’Etat. Mais François Patriat lève aussi le pied sur l’idée. « Il est trop tôt pour envisager un scénario. Je ne cherche pas de ralliements de sénateurs à tout prix ou à faire des débauchages. Il faut que ce soit une démarche personnelle, volontaire », explique le président du groupe RDPI. D’autant qu’en 2017, sa tentative de rassembler tous les sénateurs macronistes sous la même bannière a échoué. « On avait essayé, après l’élection, de regrouper le RDSE, les Indépendants et nous. Ça n’a pas marché », se souvient François Patriat. Chat échaudé…
L’idée avait de nouveau été évoquée, en vain, après les municipales, en 2020. On prêtait alors au ministre Sébastien Lecornu, qui a été élu sénateur LREM, l’ambition de créer ce grand groupe. Le socialiste Patrick Kanner avait raillé « l’opération Mangouste Lecornu », en référence à la tentative d’invasion de Cuba par les Etats-Unis dans la Baie des Cochons, en 1961, qui aboutit à un échec. Il faudra voir si Sébastien Lecornu vient au Sénat, et surtout ses intentions, s’il ne conserve pas sa place au gouvernement, en cas de réélection.
Influence des sénatoriales de septembre 2023
L’implantation locale, avec des grands électeurs de droite ou du centre qui n’ont parfois pas connu le même rapprochement vers Emmanuel Macron, va aussi freiner les mouvements, d’autant que les sénatoriales de septembre 2023 se profilent déjà. Pour l’heure, les sénateurs centristes pro Macron pourraient finalement préférer se maintenir au sein de leur groupe et, en même temps, rester au sein de la majorité sénatoriale de Gérard Larcher. Le genre de solution baroque rendue possible au Sénat.