Guerre en Ukraine : la sûreté des centrales nucléaires est-elle garantie ?

Guerre en Ukraine : la sûreté des centrales nucléaires est-elle garantie ?

L’armée russe s’est emparée dans la nuit du 3 au 4 mars de la centrale nucléaire de Zaporijia, au cours des combats un incendie a été provoqué par une frappe russe. D’après l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA), aucun équipement essentiel n’a été touché. Cet incident inquiète sur la sûreté des installations nucléaires.
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Par Louis Dubar

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L’agence d’Etat de régulation ukrainienne (SNRIU) a rapporté dans un communiqué un incendie dans un bâtiment consacré aux formations et dans un laboratoire provoqué par un projectile russe non identifié. Le feu a été maîtrisé en début de matinée par les pompiers locaux aux alentours de 6h00 (GMT). Dans une conférence de presse organisée à Vienne, Rafael Grossi a indiqué que l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) n’a pas relevé de hausse de la radioactivité dans la région. Cette frappe russe en plein cœur d’une installation nucléaire civile est pour le chercheur Benjamin Hautecouverture, de la Fondation pour la recherche stratégie, « un signe d’irresponsabilité », 36 ans après la catastrophe nucléaire de Tchernobyl. L’intentionnalité de la frappe est toutefois débattue : « on a du mal à comprendre l’intérêt tactique pour l’agresseur. Il serait la première victime en cas d’explosion. »

« Aucun réacteur n’a été affecté par l’incendie »

L’entreprise d’Etat ukrainienne, EnergoAtom, qui exploite la centrale avait indiqué le 25 février que deux des six réacteurs ont été déconnectés du réseau, des opérations de refroidissement sont toujours en cours sur ces installations. Le réacteur 1 est à l’arrêt depuis le 27 février pour des opérations de maintenance. Le président de l’AIEA a également précisé au cours d’une conférence de presse le 4 mars que les réacteurs 5 et 6 sont maintenus « en réserve et fonctionnent à puissance réduite. » Le réacteur 4 est opérationnel à une puissance de 60 %. Même si la centrale tourne à un rythme ralenti, le risque d’accident demeure. Pour Michaël Mangeon, chercheur associé du laboratoire Environnement, ville et société (EVS) de l’Université de Lyon, « une centrale à l’arrêt a besoin de son personnel pour fonctionner et notamment assurer le refroidissement des combustibles contenus dans les réacteurs. Le risque d’accident, notamment une fusion de combustibles, s’il est un peu diminué, est toujours là, même avec une centrale à l’arrêt. »

Cette occupation militaire pose de nombreuses questions sur le fonctionnement de la centrale dans les jours et les semaines à venir. D’après Michaël Mangeon, « les équipes en salle d’opération ont besoin d’être relayées. Il y a aussi la question de la maintenance des équipements et systèmes. En cas de problème, il faut pouvoir intervenir rapidement avec des équipements qui proviennent de l’extérieur du site. » La porte-parole de la Maison-Blanche, Jen Psaki, avait accusé Moscou le 25 février de retenir en otage le personnel des installations du site de Tchernobyl. De son côté, le porte-parole du ministère de la défense russe, Igor Konachenkov, avait déclaré qu’un accord avait été trouvé « avec un bataillon de la force de sécurité de l’énergie atomique d’Ukraine en vue d’une sécurisation en commun des blocs énergétique et du sarcophage » qui recouvre le réacteur à l’origine de la catastrophe.

A la suite de ce bombardement russe, le président Zelensky n’a pas hésité à qualifier la Russie « d’Etat terroriste. » Dans une vidéo publiée par la présidence ukrainienne le 4 mars, l’ancien comédien accuse son homologue russe d’avoir recours à la « terreur nucléaire. » Pour Benjamin Hautecouverture, « cette déclaration de Zelensky est particulièrement ‘ironique’au regard de la Convention internationale pour la répression des actes du terrorisme nucléaire, un texte présenté à l’initiative de la fédération de Russie et adopté en 2005 par l’Assemblée générale des Nations Unies. » Selon le chercheur, cette convention présentée et défendue par Moscou pourrait condamner aujourd’hui l’armée russe. Volodymyr Zelensky a également rappelé le caractère apocalyptique d’un accident atomique : « S’il y a une explosion, c’est la fin de tout, la fin de l’Europe. C’est l’évacuation de l’Europe. »

 

Protéger l’intégrité des centrales

Le directeur général de l’AIEA, Rafaël Grossi, a indiqué ce vendredi 4 mars être en contact avec Kiev et Moscou pour tenter de trouver une solution diplomatique et éviter un incident grave sur l’un des quinze réacteurs du parc nucléaire. « L’Ukraine nous a envoyé une demande d’aide immédiate » a précisé le diplomate qui souhaite se rendre à Tchernobyl pour jouer le médiateur. Cette mission sous les auspices de l’AIEA aurait pour objectif de garantir la sûreté des installations et le respect « des sept grands principes de l’AIEA. » Pour le directeur général, il est urgent de « préserver ces piliers : l’intégrité physique des installations, permettre au personnel d’assurer ses fonctions, maintenir un système de sécurité opérationnel, l’alimentation électrique, la chaîne d’approvisionnement logistique, le suivi de la radioactivité et la communication. »

Pour Benjamin Hautecouverture, cette tentative de dialogue « est une excellente initiative », un bon moyen pour « rappeler aux belligérants, qui sont tous les deux des Etats membres de l’AIEA, que les sites nucléaires civils doivent rester neutres en temps de paix comme en temps de guerre. La sanctuarisation de ces centrales est nécessaire. On peut imaginer sur le modèle des ‘couloirs humanitaires’, la mise en place de corridors logistiques’assurant l’approvisionnement des sites atomiques en pièces vitales. »

 

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