En début d’après-midi, la commission d’enquête sénatoriale a d’abord entendu Sophie Charles, maire de Saint-Laurent-du-Maroni. L’élue n’a pas mâché ses mots pour dénoncer une gestion de la crise qu’elle considère comme déconnectée des réalités du territoire. Une gestion pilotée depuis Cayenne, à l’Ouest, bien loin de sa commune située à l’Est de la Guyane.
« Les élus se sont sentis abandonnés »
Elle regrette l’absence de communication avec l’ARS. « Dès que nous demandions où étaient les cas, si on pouvait au moins avoir une carte pour savoir où intervenir pour faire de la prévention, on nous répondait que ce n’était pas possible. (…) Jamais nous n’avons pu avoir une information fiable de l’ARS » dénonce Sophie Charles. La maire de Saint-Laurent-Maroni en appelle à tirer les leçons d’une crise dans laquelle « la population et les élus locaux se sont sentis abandonnés », pour décentraliser davantage à l’avenir.
COvid 19 en Guyane :« Les élus se sont sentis abandonnés » affirme Sophie Charles, maire de Saint-Laurent-du-Maroni.
Bâtiment évacué
Dans la foulée, la commission d’enquête sénatoriale poursuit avec l’audition groupée de trois responsables réunis à la préfecture de Cayenne. Dans le même bureau, sont réunis le préfet de région, la directrice de l’ARS et le directeur du Centre Hospitalier de Cayenne. Au même moment, plusieurs centaines de manifestants sont postés devant le bâtiment. Ils protestent contre la gestion de la crise sanitaire en Guyane.
Pendant une heure, les trois responsables donnent leur vision des faits. Rassurantes, et à contre-courant de l’audition précédente de Sophie Charles. Mais quand vient le moment des questions des sénateurs, l’audition doit être suspendue. Le bâtiment est évacué.
La préfecture de Cayenne est évacuée
Les manifestants ont visiblement investi la préfecture, pour la deuxième fois en moins d’une semaine. Vendredi 17 juillet, une première manifestation avait été organisée. Le Préfet leur avait alors promis « qu’il allait recevoir des réponses à leur communiquer mardi », explique Georges Patient, Sénateur (LREM) de la Guyane. « Donc aujourd’hui ils se sont présentés à la préfecture, et ils attendent des réponses, avec un peu plus d’excitation, et il me semble en plus grand nombre ».
Georges Patient explique l'évacuation de la préfecture de Cayenne
Motion commune
Avec plus de 6 700 cas confirmés, la Guyane est actuellement frappée par une vague de contaminations de covid-19 venue du Brésil. Une vague arrivée bien après celle qui a touché l’hexagone en mars dernier. Pour les manifestants, cette crise a été mal gérée, car déconnectée des réalités guyanaises. Un sentiment partagé par une partie de la population et des élus. Le 12 juillet, une motion commune a été remise au Premier ministre, signée par la totalité des parlementaires guyanais. Ils réclament une autre politique de santé, plus adaptée à leur territoire.
Signataire du texte, Georges Patient raconte qu’au moment où l’épidémie est arrivée, les autorités assuraient disposer de 40 lits de réanimation, mais « on s’est rendu compte qu’on avait à peine 11 lits, on a dû faire des évacuations sanitaires vers les Antilles, ça a été un élément qui a incité les Guyanais à considérer qu’on leur mentait ». L’élu, qui soutient pourtant la majorité présidentielle, regrette aussi l’absence de dépistage systématique en Guyane, ou encore la décision d’un confinement prise à contretemps, depuis Paris.
Covid-19 en Guyane: "On a dû faire des évacuations sanitaires vers les Antilles," affirme Georges Patient
Avant que l’audition soit soudainement écourtée, le directeur du centre hospitalier de Cayenne a affirmé que le nombre de lits de réanimation était désormais suffisant, avec 19 personnes en réanimation pour 31 lits disponibles. Mais la situation reste tendue. D’après les chiffres communiqués par la directrice générale de l’ARS, la Guyane compte aujourd’hui 2 356 cas confirmés de covid-19 pour 100 000 habitants, contre 313 cas pour 100 000 habitants dans l’hexagone. Le pic épidémique devrait être atteint le 24 juillet