Une première manifestation anti-blocage devait se tenir mardi en Guyane, après bientôt trois semaines de mouvement social et alors que la fermeture des barrages aux voitures, en vigueur depuis lundi, suscite un mécontentement grandissant au sein de la population.
La protestation doit commencer à 09H00 (14H00 à Paris) à Kourou, où se situe le centre spatial. "Le gouvernement actuel ne peut plus rien faire, et le prochain ne sera mis en place dans cinq semaines! (...) Donc à quoi servent les barrages?", demandent ses organisateurs dans un SMS lu par l'AFP et signé de "la majorité silencieuse".
Cette initiative illustre un retournement de tendance. Le mouvement social, extrêmement populaire à ses débuts, a peut-être mené "le week-end de blocage de trop", selon l'expression employée par un Guyanais sur les réseaux sociaux.
"J'ai dit à un barrage que je devais chercher une bouteille de gaz pour nourrir mon enfant. On m'a répondu que je pouvais lui donner des crackers!", s'est indignée une auditrice qui s'exprimait sur Péyi, une radio très populaire depuis le début du conflit.
L'annonce initiale du blocage total des barrages, jusqu'alors organisés avec une certaine souplesse, a provoqué la colère d'un grand nombre de Guyanais. Beaucoup continuent toutefois à soutenir le mouvement.
Le président François Hollande a appelé lundi à la fin du blocage, au motif que "l'économie guyanaise ne doit pas être fragilisée plus longtemps", dans un courrier adressé aux parlementaires guyanais, qu'il se dit prêt à "recevoir à tout moment à Paris". Les parlementaires l'avaient interpellé sur le plan d'urgence du gouvernement, à hauteur de plus d'un milliard d'euros, qu'ils estiment "insuffisant".
"Nous devons aller vers un pacte pour La Guyane. C'est ce que j'avais pris comme engagement (...) en 2013. Il faut maintenant faire en sorte que ce pacte puisse être conclu. Mais chacun comprend bien qu'on ne peut pas multiplier les annonces, les promesses", a-t-il insisté à l’issue du sommet des pays du sud de l'Europe à Madrid.
- 'Sérieux' -
"Je rappelle que les élections présidentielles (...) sont dans à peine deux semaines et qu’ensuite il y aura des difficultés pour l'actuel gouvernement de traiter avec sérieux les propositions qui seront faites", a poursuivi le président.
Le collectif réclame 2,1 milliards d'euros supplémentaires. Il a finalement décidé d'alléger le blocage qu'il promettait "total" pour ce lundi, face aux critiques de la population.
Si tous les véhicules, à l'exception des engins d'urgence, étaient empêchés de franchir les barrages, les piétons, les vélos et les scooters pouvaient passer, comme l'avait promis dimanche soir Olivier Goudet, un porte-parole des "500 frères contre la délinquance".
"Il n'est pas tolérable de se voir refuser le droit de circuler librement sur le territoire", disent les signataires d'une pétition en ligne qui avait recueilli lundi après-midi plus de 2.400 paraphes. Plus de 3.200 internautes font aussi partie d'un groupe Facebook "Stop aux barrages en Guyane".
Le président de la Collectivité territoriale, Rodolphe Alexandre, a appelé lundi à la fin des blocages, à l'instar selon lui "d'une majorité assez importante de la population". Le "temps mort institutionnel" jusqu'à la nomination d'un prochain gouvernement doit être "mis à profit" pour permettre à la Guyane, sa population et son économie de "reprendre leur souffle", a-t-il dit.
"Les enfants ont besoin de retourner à l'école, les entreprises doivent reprendre leurs activités, les salariés eux aussi ne peuvent continuer à perdre leur rémunération", écrit François Hollande dans son courrier.
Une "grève générale illimitée" a été décrétée le 25 mars en Guyane, paralysant l'activité économique. Le blocage du port de Cayenne provoque des pénuries, notamment de produits frais.
Les ordures ne seront plus ramassées à partir de mardi "compte tenu du durcissement des barrages" dans Cayenne et ses environs, a annoncé la communauté d'agglomération.
Air France a annoncé lundi que le vol aller-retour entre Paris et Cayenne, sera maintenu mardi, avec une escale technique à Fort-de-France (Martinique). Les liaisons aériennes entre Paris et la Guyane sont fortement perturbées depuis deux semaines.