Emmanuel Macron meets with the research community – Paris

Hanouka à l’Elysée : « Faute morale », « idée stupide », « sujet explosif »… Les sénateurs fustigent l’attitude d’Emmanuel Macron

Après avoir assisté à une célébration de la fête juive de Hanouka à l'Elysée, Emmanuel Macron se voit accuser de remettre en cause la laïcité. De nombreuses critiques s’élèvent des rangs du Sénat contre le chef de l’Etat.
Romain David

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« Et pour l’Aïd, on égorgera un mouton sur les marches de l’Elysée ? », s’étrangle, furieuse, une sénatrice de droite face aux images d’Emmanuel Macron aux côtés du grand rabbin de France, en train d’allumer dans la salle des fêtes de l’Elysée, la première bougie du chandelier à neuf branches pour Hanouka, la fête des lumières dans le Judaïsme. Les vidéos de cette séquence, qui s’est déroulée jeudi soir au 55 Rue du Faubourg Saint-Honoré, alors que le président de la République s’est vu remettre le prix de la Conférence européenne des rabbins (CER) pour la lutte contre l’antisémitisme et la sauvegarde des libertés religieuses, ont largement circulé sur les réseaux sociaux. Elles ont déclenché une tempête de réactions politiques et attiré une pluie de critiques sur le chef de l’Etat, largement accusé d’avoir porté atteinte à la laïcité en laissant se dérouler une cérémonie à caractère religieux dans le plus emblématique des palais de la République. Au Sénat notamment, à droite comme à gauche, la scène a beaucoup de mal à passer.

« Un Président de la République ne devrait pas faire ça. Hier célébration de Hanouka à l’Elysée, demain installation d’une crèche dans la salle du Conseil des Ministres, après-demain organisation de la prière de l’Aïd dans le jardin du Palais ? », a tweeté le sénateur socialiste de l’Hérault Hussein Bourgi. « Une nouvelle bouffée d’antisémitisme débute. Elle aura été allumée à l’Elysée. Monsieur le Président, votre acte est gravement irresponsable. La laïcité ne vous appartient pas, vous en êtes le dépositaire. Respectez-la », a également posté son collègue Bernard Jomier, sénateur de Paris, sur X (anciennement Twitter).

« Ce geste peut aussi devenir un élément de fracturation entre les communautés »

« Je suis extrêmement choqué. Emmanuel Macron considère que les règles les plus élémentaires de la concorde républicaine ne s’appliquent pas à lui. La Laïcité ne se gère pas par morceaux », condamne auprès de Public Sénat Patrick Kanner, le président du groupe socialiste à la Haute assemblée. « Le président de la République a commis une faute morale et politique, car ce geste peut aussi devenir un élément de fracturation entre les communautés », avertit l’ancien ministre de François Hollande.

« J’ai d’abord cru qu’il s’agissait d’une fake news », nous avoue la sénatrice LR des Bouches-du-Rhône Valérie Boyer.  « Comment une idée aussi stupide a pu lui traverser la tête ? C’est bête et inflammable. En faisant cela, il met une cible dans le dos des juifs », alerte l’élue face au risque d’exportation du conflit israélo-palestinien et à la résurgence de la menace terroriste sur le territoire national.

« La plupart des élus font preuve d’une prudence extrême dans leurs paroles et dans leurs actions face à la situation au Proche-Orient. Même s’il y a un contexte particulier, un climat terrible, ce n’était pas forcément très approprié », relève la sénatrice LR de Paris Catherine Dumas. « Et puis faire cela à l’Elysée, le symbole ultime de la République… ». « Lorsque j’étais maire, j’ai toujours fait une crèche dans ma mairie, j’ai également allumé des bougies pour Hanouka dans des écoles juives. Mais jamais je n’ai voulu participer à une cérémonie religieuse de façon publique. Lorsque l’on a été un élu local, on sait bien que ces sujets-là sont explosifs », confie un autre membre de la majorité sénatoriale.

À deux jours du 118e anniversaire de la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat, la séquence a semé l’émoi jusqu’au sein de certaines institutions juives. Le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), Yonathan Arfi, a dénoncé « une erreur » au micro de Sud Radio. « Effectivement, ce n’est pas la place au sein de l’Elysée d’allumer une bougie de Hanouka parce que l’ADN républicain c’est de se tenir loin de tout ce qui est religieux », a-t-il estimé.

Le président invoque un « esprit de concorde »

Ce vendredi, en marge de sa visite sur le chantier de Notre-Dame de Paris, Emmanuel Macron n’a pas manqué d’être interpellé sur cette polémique, qu’il a pris soin de minimiser. « Il faut savoir raison garder », a-t-il déclaré. « Tout cela a été fait en présence de tous les autres cultes qui étaient invités, qui étaient là et dans un esprit qui est celui de la République et de la concorde », a expliqué le chef de l’Etat. Il a par ailleurs assuré n’avoir participé à aucun « geste cultuel », s’étant seulement tenu à côté du grand rabbin de France Haïm Korsia. Il a encore évoqué un moment de « confiance » à l’égard des compatriotes de confession juive, dans un contexte de montée de l’antisémitisme.

« Il s’agissait bien d’une prière religieuse, moi-même je la pratique chaque soir chez moi », s’agace Patrick Kanner qui reproche au chef de l’Etat de jouer avec les mots pour réécrire la scène. « Il y a dans les synagogues des prières pour la République française, ce qui démontre l’adhésion de la communauté juive aux valeurs de la République. Pour autant, il n’y a pas de réciproque à avoir. Ce dont les Juifs de France ont besoin, c’est d’une République forte, pas d’une séance de câlinothérapie avec le président de la République ! », martèle le socialiste.

Absent de la marche contre l’antisémitisme, « il essaye de se rattraper »

De nombreux élus ont fait le parallèle entre cette scène d’hier soir et la marche civique contre l’antisémitisme, organisée à Paris le 12 novembre à l’appel de la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, et du président du Sénat, Gérard Larcher. Marche à laquelle Emmanuel Macron n’a pas souhaité participer.

« Il n’est pas venu en expliquant qu’elle était déconnectée des préoccupations des Françaises et des Français, et que cela pourrait apparaître élitiste. Comme si les classes populaires, dans notre pays, n’avaient pas un avis sur les valeurs de la République et le combat contre l’antisémitisme et le racisme. Et puis il essaye de se rattraper après coup, en faisant de l’Elysée un lieu de célébration politique et religieuse. », a pointé le sénateur écologiste Yannick Jadot sur le plateau de l’émission « Extra local » sur Public Sénat. Si l’ancien candidat à la présidentielle estime que cette séquence ne doit pas tourner au « drame », il fustige néanmoins la propension du président à semer « la confusion ». « Il est toujours à contretemps. Pour se mettre au centre du jeu, il fait une série d’erreurs qui déstabilisent, créent du trouble et du flou. »

« Je fais partie de ceux qui estiment qu’Emmanuel Macron n’avait pas à aller à cette marche. Il s‘agissait d’une initiative parlementaire, or le président de la République n’a pas à se mêler des affaires du Parlement », tente de déminer François Patriat, chef de file des macronistes au Palais du Luxembourg. « Il y a différentes façons d’envoyer un signal à la communauté juive […], et le message du président de la République, dans cette période, c’est qu’on protège, qu’on soutient tous ceux qui veulent pratiquer leur religion et notamment la communauté juive », a déclaré la Première ministre Élisabeth Borne en marge de son déplacement à Mayotte.

Sauver le soldat Macron

Ce vendredi matin, dans les matinales d’information, les membres du gouvernement étaient en ligne pour défendre le « PR ». « Il n’y a pas eu de cérémonie religieuse », a assuré sur franceinfo Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur, dont le portefeuille inclut également les cultes. « J’ai toujours pensé que les religions pouvaient exprimer leurs convictions tant qu’elles ne jettent pas celles des autres et que cela ne se transforme pas en idéologie politique. » Sur Europe 1, le plaidoyer d’Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique, était un peu plus hasardeux : « Il n’y a absolument aucune ambiguïté sur le combat du Président et du gouvernement sur la laïcité, puisque je rappelle que c’est ce gouvernement qui a interdit le port de l’abaya à l’école ».

« Je ne sais pas s’il a eu raison ou pas de laisser faire. C’est à lui d’estimer, en tant que garant des institutions, si le geste est déplacé ou pas », balaye le sénateur François Patriat. « Les professionnels du Macron bashing se saisissent de la moindre occasion pour s’offusquer. Mais je rappelle que le président a reçu des représentants du culte musulman à l’Elysée il y a quelques semaines. Le 29 novembre, il s’est exprimé dans une église à l’occasion des funérailles de Gérard Collomb et il était, aujourd’hui, sur le chantier de reconstruction de Notre-Dame de Paris ».

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