Était-ce une réplique aux grands électeurs qui ont boudé les candidats Renaissance aux sénatoriales ? Emmanuel Macron a en tout cas ciblé les élus locaux dans son interview au 20h de TF1 et France 2. Interrogé sur la baisse du pouvoir d’achat des Français pour cause d’inflation, le président a rappelé que son gouvernement n’allait pas augmenter les impôts et en a profité pour glisser un tacle aux maires de France. « Quand vous avez votre taxe foncière qui augmente ce n’est pas le gouvernement, c’est votre commune. Et c’est un scandale quand j’entends des élus qui osent dire que c’est la faute du gouvernement », a-t-il tancé en citant spécifiquement la ville de Paris.
A deux mois du Congrès des maires de France, on peut dire qu’Emmanuel Macron a chauffé la salle. Sur X, le président LR de l’association des maires de France (AMF), David Lisnard a immédiatement réagi. « L’Etat a nationalisé des impôts locaux (dont la taxe d’habitation) faisant reposer la fiscalité des communes sur un seul impôt. Ces nationalisations n’ont pas été compensées comme elles devaient. Les collectivités y perdent alors qu’elles assurent des services essentiels » […] Les comptes des collectivités sont à l’équilibre, contrairement à l’Etat. Elles n’empruntent que pour investir. Elles ne représentent que 19 % de la dépense publique, et 9 % de la dette publique. Elles n’ont pas de leçon de gestion à recevoir de l’Etat sur-dépensier et sur-préleveur », a-t-il répondu.
La maire écologiste de Besançon, Anne Vignot y va aussi de son tweet. « Nous n’avons pas augmenté la taxe foncière, vous l’avez augmentée de 7,1 % dans toutes les communes : Vous, pas nous ». L’édile fait ici référence à la revalorisation forfaitaire de 7,1 % des valeurs locatives cadastrales, la base du calcul de la taxe foncière, adopté dans le cadre du projet de loi de finances.
Quant au choix de certaines communes, comme Paris, d’augmenter en surplus leur taxe d’habitation, une étude de la Direction générale des Finances publiques indiquait en août dernier que 85 % à 90 % des communes avaient reconduit leurs taux de fiscalité directe locale entre 2022 et 2023.
« Que le président rappelle que certaines communes ont augmenté leur taxe foncière, c’est une réalité mais il ne parle pas des difficultés auxquelles elles font face. Entre 2017 et 2021, la surenchère normative représente une perte de 2,5 milliards pour les collectivités. Les maires sont déjà perçues par nos concitoyens comme responsables de tout. Le chef de l’Etat doit faire attention à la manière dont il s’exprime et inviter à un dialogue responsable. Et là, je pense qu’il a blessé des élus », regrette la sénatrice centriste, Françoise Gatel, présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales.
« C’était assez méprisant »
Le vice-président de l’AMF, et maire (UDI) de Sceaux, Philippe Laurent abonde. « Les propos du Président n’étaient pas très agréables. On a l’impression qu’il parle de l’argent de poche des maires alors que nous gérons les services publics. C’était assez méprisant ». Philippe Laurent rappelle aussi que la part de la taxe foncière dans les recettes locales varie d’une commune à l’autre. La taxe foncière représente moins de 30 % des recettes pour plus de la moitié des 35 000 communes. Les communes ayant peu de propriétaires bénéficient à la marge de la revalorisation forfaitaire des valeurs locatives. « C’est la raison pour laquelle nous demandons l’indexation de la DGF (dotation globale de fonctionnement sur l’inflation »., rappelle Philippe Laurent. Une piste également envisagée l’année dernière par Françoise Gatel dans son rapport d’information intitulé « Les collectivités territoriales face à la hausse du coût des énergies ».
« On ne peut pas demander à l’Etat de compenser entièrement l’inflation », leur a répondu, ce lundi, Dominique Faure, la ministre déléguée aux Collectivités territoriales dans un entretien à La Gazette des communes. Son entourage rappelle que « l’Etat lui-même subit » la hausse des prix et « l’inflation fait également augmenter certaines recettes des collectivités ».
Une augmentation de la DGF insuffisante pour les élus locaux
Dominique Faure a également annoncé une augmentation de 220 millions d’euros » de la dotation globale de fonctionnement.
Au 20h, Emmanuel Macron n’avait pas manqué de souligner que son gouvernement « n’avait pas baissé les dotations des collectivités territoriales ». En 2023, la DGF avait même été rehaussée de 320 millions d’euros. Mais, pour les élus locaux le compte n’y est pas.
Dans une interview aux Echos publiée lundi, la présidente d’Occitanie et de l’association Régions de France, Carole Delga, a réclamé une « dotation exceptionnelle d’investissement » de 350 millions d’euros.
« 220 millions d’euros, ça représente 1 % du montant de la DGF. On est quand même loin du compte », compare Philippe Laurent, après la prévision du gouverneur de la banque de France d’une inflation autour de 2,5 % en 2024.
Mise à jour le 26 septembre
Dans un communiqué publié mardi, l’AMF dénonce « une polémique, créée de toutes pièces » par le chef de l’Etat. « Aucun élu local ne pense, ni ne dit, que la taxe foncière est un impôt d’Etat. Tous savent que la taxe foncière est composée d’une partie qui évolue avec l’inflation et d’une autre partie qui résulte du taux appliqué par la commune ou l’intercommunalité. En revanche, tous les élus constatent que la suppression de la taxe d’habitation a profondément déstabilisé la fiscalité locale en la concentrant sur la seule taxe foncière. A aucun moment depuis 2017 l’Exécutif n’a proposé de construire un cadre renouvelé », écrivent-ils.