Hausse des prix de l’énergie : le Sénat élargit et simplifie le filet de sécurité des collectivités locales
Les sénateurs ont adopté dans la nuit du 23 au 24 novembre l’un des dispositifs saillants du budget 2023 qui allégera la facture énergétique des collectivités territoriales. Contre l’avis du gouvernement, ils ont fortement desserré les conditions d’éligibilité.
C’est peut-être un soulagement de courte durée pour les collectivités locales. Le Sénat, à majorité de droite et du centre, a donné son feu vert dans la nuit du 23 au 24 novembre au filet de sécurité inscrit dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2023, l’un des mécanismes introduits pour répondre à la hausse des dépenses d’énergie des collectivités locales. La chambre parlementaire qui représente ces dernières a substantiellement modifié le dispositif, en l’ouvrant à davantage de collectivités et en améliorant le montant de la prise en charge par l’État des surcoûts. Le gouvernement n’a cependant pas cautionné ces modifications.
La principale modification des sénateurs consiste à élargir le filet de sécurité, en supprimant les critères d’éligibilité jugés « trop restrictifs » du gouvernement. Pour y prétendre, il ne sera plus nécessaire pour une commune de démonter qu’elle a perdu 25 % de son épargne brute au cours d’une année, ni qu’elle dispose de recettes fiscales sous la moyenne.
« Toutes les collectivités, seules ou groupées, ont accès au dispositif »
Selon le rapporteur général de la commission des finances du Sénat, Jean-François Husson (LR), les conditions fixées par le gouvernement excluaient « d’emblée plus de 40 % des collectivités territoriales ». Désormais, « il n’y a plus aucun effet de seuil. Toutes les collectivités, seules ou groupées, ont accès au dispositif. Le principe est simple, clair et juste ». Plus tôt, Cécile Cukierman (communiste) affirmait que le filet de sécurité de l’été 2022 avait « manqué sa cible » et qu’il fallait désormais une « réponse forte et lisible ». Selon les données du gouvernement communiquées cette nuit, 3 833 acomptes ont été validés à ce jour, au titre du filet de sécurité 2022 (sur 11 000 collectivités bénéficiaires). Mais certaines communes attendent la clôture de leur exercice avant de se manifester, pour éviter de rendre de l’argent, selon Gabriel Attal, ministre des Comptes publics.
À la différence du filet de sécurité voté cet été, la nouvelle dotation ne couvre qu'une partie des surcoûts en énergie (et non plus ceux des dépenses d’alimentation). Et elle prend en compte désormais l’évolution des recettes dans le mode de calcul. Sous l’effet de l’inflation et de révisions de bases fiscales, certaines rentrées sont en effet orientées à la hausse. La majorité du Sénat a considéré qu’il était « légitime » que ces recettes absorbent en partie les surcoûts énergétiques, mais au vu du choc inflationniste, elle a abaissé le seuil de prise en charge par l’État. En séance, les sénateurs ont également ramené la date de référence pour le calcul de 2022 à 2021, plus favorable. Il faut dire que la question énergétique préoccupe sérieusement les maires. Au congrès de leur association à Paris, ce problème est dans toutes les conversations.
Gabriel Attal veut limiter le filet de sécurité aux collectivités les plus en difficulté
Gabriel Attal s’est montré défavorable à cette ouverture large du filet de sécurité, et à la suppression des critères d’éligibilité. « À mon sens, il est important que soient accompagnées les communes dont il est attesté qu’elles ont eu une dégradation de leur situation financière ». En clair, « trop ouvrir » le filet serait un « risque d’exposition des finances publiques ». « J’aimerais pouvoir dire que l’État peut compenser l’essentiel de l’augmentation de la facture des collectivités, des entreprises. Je mentirais en le disant. » Face au choc énergétique, « il impose que tout le monde fasse des efforts », a-t-il admis.
Cet avertissement a été assez remarqué dans l’hémicycle, Claude Raynal (PS), à la tête de la commission des finances parlant de « moment de sincérité particulier ». « Je suis assez sensible au discours de vérité du ministre. On ne l’entend dans pas beaucoup de bouches ministérielles ces derniers temps », a souligné le sénateur Fabien Genet (rattaché au groupe LR). L’intervention illustre en filigrane la gravité de la situation. « Il va y avoir de la casse », a averti le parlementaire (voir la vidéo en tête), précisant que les simulations sur les tableurs Excel allaient bon train. « Fin 2023, les conséquences vont être très importantes pour les collectivités. »
Son collègue Jérôme Bascher (LR) a, quant à lui, alerté sur les conséquences dévastatrices pour les maires sur le terrain, en cas de hausse « subie » des prix des services communaux. Des conséquences politiques où les extrêmes pourraient se nourrir de la colère des administrés « Je crains que, s’il n’y a pas un énorme effort fait pour les collectivités, ce soit d’autres qui en profitent. Je crois que, sur tous ces bancs, ce n’est pas notre volonté. »
Création d’un fonds de sauvegarde
La question « d’incidents » budgétaires, avec des dossiers déposés dans les préfectures, n’est désormais plus une question mais une « certitude », selon le président de la commission des finances, Claude Raynal (PS). « Il y en a qui ne vont pas pouvoir boucler leur budget ». D’où la nécessité de prévoir une « procédure exceptionnelle », à « situation exceptionnelle ». Après avoir adopté ce filet de sécurité remanié, les sénateurs ont également créé un « fonds de sauvegarde énergie ». Ce fonds de 150 millions d’euros permettra à l’État « d’apporter une aide exceptionnelle d’urgence aux communes ou à leurs groupements qui n’arriveraient pas à faire face à l’augmentation du coût de l’énergie en 2023 ». L’avis du gouvernement a été défavorable.
Ce filet de sécurité n’est pas le seul dispositif prévu dans le budget 2023 pour atténuer le choc énergétique. Au cours de l’examen des missions budgétaires, dans la partie « dépenses » du projet de loi, les sénateurs devront notamment se prononcer sur « l’amortisseur » sur les prix de l’électricité. Il s’agit d’une prise en charge par l’État d’une partie des dépenses en électricité des collectivités, entreprises et associations. Trois milliards d’euros sont ouverts pour cette aide sur la mission « Écologie », dont un milliard pour les collectivités.
Le vote de la motion de censure n’a pas seulement fait tomber le gouvernement Barnier. Il empêche l’adoption de nombreux dispositifs, notamment toutes les mesures d’aides. Les agriculteurs et la Nouvelle Calédonie en font les frais, comme l’indexation de l’impôt sur le revenu. Il faudra attendre un nouveau budget, en début d’année, pour y remédier.
Dans le contexte du procès des assistants parlementaires du FN, Jordan Bardella se voit refuser la reconduction de François Paradol, son directeur de cabinet, comme assistant parlementaire local. « Le Parlement européen est devenu plus regardant sur les activités du RN », indique Olivier Costa, spécialiste de l’Union européenne.
Invité de la matinale de Public Sénat, Mathieu Darnaud, président du groupe Les Républicains au Sénat, a répété ce jeudi que son parti ne participerait pas à « un gouvernement dont le Premier ministre serait de gauche et porterait le programme du Nouveau Front populaire ». Le responsable pointe « l’irresponsabilité » des forces politiques qui ont voté la censure.
Après avoir été présenté en conseil des ministres ce mercredi 11 décembre, le projet de loi spéciale sera examiné à l’Assemblée nationale à partir du 16 décembre et au Sénat en milieu de semaine prochaine. Cet après-midi, les ministres démissionnaires de l’Economie et du budget ont été entendus à ce sujet par les sénateurs. « La Constitution prévoit des formules pour enjamber la fin d’année », s’est réjoui le président de la commission des Finances du Palais du Luxembourg à la sortie de l’audition.