Hausse du carburant : « Matraquage fiscal » du gouvernement ou nécessité écologique ?

Hausse du carburant : « Matraquage fiscal » du gouvernement ou nécessité écologique ?

Gauche comme droite accusent le gouvernement d’augmenter les taxes sur le diesel et l’essence. Alors qu’une mobilisation se prépare pour le 17 novembre contre la hausse des prix à la pompe, l’exécutif assume et défend la nécessité de la transition écologique.
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Ça les pompe. Les Français sont de plus en plus nombreux à dénoncer la hausse des prix des carburants. La faute, principalement, à l’augmentation du baril de pétrole. Mais aussi à la hausse des taxes. Le gouvernement a notamment décidé un rattrapage du niveau des taxes du diesel sur celles de l’essence. La contribution climat énergie (ou taxe carbone) participe pour partie à cette hausse. Le prix à payer pour changer les comportements et aller vers des pratiques plus écologiques ?

Nombre d’automobilistes ne l’entendent pas ainsi. Dans les territoires, la fronde monte et s’organise. Les appels au blocage des routes et autoroutes se multiplient pour le 17 novembre prochain. Grogne relayée évidemment par les politiques, à commencer par l’opposition qui saute sur l’occasion pour viser le gouvernement. Mardi, lors des questions d’actualité au gouvernement du Sénat, le sujet a fait l’objet d’une attaque en règle du sénateur PS Martial Bourquin contre le « matraquage fiscal » repeint « en vert » (voir notre article). Jacques Genest, sénateur LR de l’Ardèche, a mis aussi en garde l’exécutif quelques minutes après : « N’oubliez jamais qu’en 1789, la révolte est venue des campagnes »… (voir le sujet de Samia Dechir) L’épisode montre combien la question est sensible.

Le sénateur PS Roland Courteau propose le retour de la TTIP flottante

Ségolène Royal, ancienne ministre de l’Environnement, y va aussi de son attaque contre une « fiscalité écologique qui est ici punitive » car elle « piège le consommateur » a-t-elle affirmé sur France Inter ce matin, dénonçant des taxes « pour faire rentrer des impôts dans les baisses de l’Etat ».

Pour compenser la hausse, le sénateur socialiste de l’Aude, Roland Courteau, propose d’instaurer un mécanisme de taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques (TICPE) flottante. Soit le retour de la TTIP flottante, pratiquée entre 2001 et 2006 pour moduler les taxes afin de lisser les prix. Le sénateur PS compte bien défendre son idée en déposant un amendement lors de l’examen prochain du projet de loi de finances au Sénat.

« Sur 3 milliards d’euros, il n’y aura que 600.000 millions qui iront réellement à la transition écologique »

Les attaques viennent aussi évidemment de la droite. « Le gouvernement nous raconte des carabistouilles. En réalité, les automobilistes sont des vaches à lait » lance Bruno Retailleau sur Twitter.

Laurent Duplomb, sénateur LR de la Haute-Loire, dénonce aussi « une vraie supercherie ». « La taxe, c’est près de 3 milliards d’euros qui seront pris dans la poche des Français. Et il n’y aura sur le budget que 600.000 millions d’euros qui iront réellement dans la transition écologique. On est sur un mensonge d’Etat (…) qui cache un vrai matraquage fiscal, qui va être catastrophique pour une partie de nos concitoyens » alerte le sénateur sur Public Sénat. Regardez :

Hausse des carburants : « Sur 3 milliards d’euros, il n’y aura que 600.000 millions qui iront réellement à la transition écologique » selon Laurent Duplomb, sénateur LR
00:26

Dans son département, le sénateur LR, Alain Joyandet, ressent ce mécontentement. « C’est sûr qu’en Haute-Saône, département rural par excellence, il y a un très fort mécontentement. C’est assez spontané et inédit de la part des gens. On voit bien que l’appel à manifester du 17 novembre n’est pas du tout structuré. Ce sont des initiatives personnelles, de terrain » selon le sénateur. « Dans la ville de Vesoul, j’ai 3500 ouvriers Peugeot. Tous les jours ils prennent leur voiture » ajoute Alain Joyandet. Son chef de parti, Laurent Wauquiez a lui dénoncé le « mépris » du porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, pour l’avoir taxé – si l’on peut dire – de « candidat des gars qui fument des clopes et qui roulent au diesel ».

En face, le gouvernement assume. Mercredi matin, sur Radio Classique, Benjamin Griveaux répond qu’il veut « pouvoir (se) regarder dans la glace dans 30 ans et dire à (ses) enfants : on a fait des choix difficiles, mais on les a faits pour votre génération ».

Doublement de la prime à la casse en 2019

En parallèle, François de Rugy entend mettre les constructeurs à contribution. Le ministre a affirmé aujourd’hui que le gouvernement souhaitait doubler, à partir de 2019, la prime à la conversion versée pour l'achat d'une voiture plus propre, grâce à l’aide des constructeurs automobiles. Ils « sont d'accord pour travailler sur un doublement à partir de l'an prochain de l'effort que l'État fait déjà » assure le ministre. La prime à la casse de l’Etat pouvant aller jusqu’à 2500 euros, c’est au total une aide de 5000 euros dont pourront bénéficier les consommateurs.

Après la démission fracassante de Nicolas Hulot, et avant les européennes, le gouvernement a besoin de montrer des signes en matière d’écologie. Du moins d’envoyer des messages et de communiquer sur ce thème.

« Le gouvernement assume franchement la dimension écologique »

Le sénateur écologiste du groupe LREM, André Gattolin, défend la nécessité des mesures prises et le rattrapage du diesel. « C’est un processus initié sous Hollande » rappelle le sénateur des Hauts-de-Seine, « la difficulté c’est que pendant des décennies, on a favorisé le diesel, les constructeurs y sont allés à fond et évidemment, ça pose des problèmes de pouvoir d’achat. C’est difficile à vivre, notamment en zone rurale » reconnaît-il. Il ajoute : « La mesure est visible car le prix du baril augmente. Mais si on tient compte de ça, on ne le fera jamais ». Aujourd’hui, il se réjouit : « Cette fois, le gouvernement assume franchement la dimension écologique. On ne peut pas dire qu’Emmanuel Macron fait des grands discours sur le climat et ne prend pas de mesures et lui reprocher d’agir. Mais nécessairement, ce sera impopulaire un moment ».

« Après, il faut voir ce qui sera versé à la transition énergétique » reconnaît André Gattolin. Mais il faut penser plus globalement, selon le sénateur LREM : « Il est clair que si on arrête les deux tranches de la centrale nucléaire de Fessenheim, il y a un coût de reconversion élevé. Ça vient du budget de l’Etat. Ou les conséquences sociales du diesel, cela a un coût en termes de santé publique », que les taxes, dans leur ensemble, financent.

La polémique n’est certainement pas close. La pétition lancée en ligne en faveur d’« une baisse des prix du carburant à la pompe » avait atteint mercredi après-midi 645 000 signatures. François de Rugy pourra, à n’en pas douter, défendre à nouveau sa politique et répondre aux attaques la semaine prochaine. Le ministre de la Transition écologique est invité au Sénat mercredi 7 novembre pour une table ronde sur le financement de la transition énergétique.

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