Hervé Brusini : « ce qui est très grave, c’est la perte de la valeur vérité »
Bobards, fausses nouvelles, désinformation… à l’heure où les fakes news se développent sur internet et les réseaux sociaux, l’info dans le rétro revient cette semaine sur ce phénomène qui ne date pas d’hier. Du mensonge comme moyen de désinformation pour affaiblir l’ennemi en temps de guerre, à la mise en scène de faux témoignages, retour sur ces fausses nouvelles qui prennent de plus en plus de place dans notre société.

Hervé Brusini : « ce qui est très grave, c’est la perte de la valeur vérité »

Bobards, fausses nouvelles, désinformation… à l’heure où les fakes news se développent sur internet et les réseaux sociaux, l’info dans le rétro revient cette semaine sur ce phénomène qui ne date pas d’hier. Du mensonge comme moyen de désinformation pour affaiblir l’ennemi en temps de guerre, à la mise en scène de faux témoignages, retour sur ces fausses nouvelles qui prennent de plus en plus de place dans notre société.
Public Sénat

Par Adrien BAGET

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« Il faut que les Français se méfient des fausses nouvelles aussi bien quand il s'agit de minimiser les résultats ou d'accroître les inquiétudes ». Déjà en 1956 en pleine crise du canal de Suez, le président du Conseil de l’époque Guy Mollet met en garde les Français contre les fausses nouvelles diffusées par les Égyptiens : "le Georges Leygues" un croiseur français aurait été coulé. Cette désinformation oblige le plus haut représentant de l’État à intervenir. « Quelque chose déjà de remarquable à l’époque », note Hervé Brusini, journaliste et directeur de la stratégie à France télévision, « il le fait car il y a un état d’urgence, il y a une nécessité d’intervenir car les Français se précipitent aux pompes à essence (…) pour autant il n’est pas exempté de fausses actions non plus car ce discours politique a été savamment organisé ». Un climat de mensonge et de manipulation exacerbé par la guerre froide qui pour Alexis Lévrier, historien des médias, est aussi une guerre de l’information. « L’essor de la télévision permet aussi de fabriquer des fausses informations relayées par des images en mouvement et qui ont la force de l’évidence ». Malgré un contexte différent note-il, notre époque actuelle connaît toujours ces fausses nouvelles, « la guerre froide est terminée mais les guerres d’informations continuent, tant qu’il y aura de la géopolitique et des camps adverses, il y aura des manipulations ».

Guy Mollet met en garde contre les fausses nouvelles
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La longue existence des Fake news

En 1953 en pleine guerre de Corée, un faux film de propagande des Nord-Coréens fait état d’une prétendue guerre bactériologique organisée par les Américains et relayée par des prisonniers torturés et conditionnés. Pour Alexis Lévrier, en temps de guerre les fausses nouvelles sont courantes et relayées par la presse avec une certaine complaisance comme lors de la première et deuxième guerre mondiale (…) dans le cas de la Corée, il s’agit d’une campagne orchestrée par les communistes qui a connu une très grande ampleur ». Même si ces témoignages obtenus sous la torture sont infirmés ensuite cette fake news continue de faire parler d’elle, que ce soit en 1999 par un article du Monde diplomatique ou par le site d’Alain Soral « Égalité et Réconciliation » qui accuse le camp américain d’avoir réellement voulu mener une guerre bactériologique en Corée. 50 ans après elle poursuit son objectif de désinformation.

L’apparition des chaînes d’info en continu au tournant des années 1980, change la donne. Si la diffusion en direct donne l'apparence de la vérité, elles permettent une plus large diffusion de la vérité comme des fausses nouvelles, rajoute Hervé Brusini, car « il y a un effet loupe et de répétition qui change les choses. Les exigences du direct et du temps réel, notamment sur le web, montre que l’info en continu joue un rôle très puissant car la fausse nouvelle se diffuse et est perçue plus rapidement que la vraie ».

Le journalisme face aux fausses nouvelles

En 1989, en pleine crise roumaine face au pouvoir de Nicolae Ceausescu, la découverte du charnier de Timisoara révulse l'opinion. On le découvrira plus tard les victimes du prétendu massacre orchestré par le pouvoir, viennent en fait de la médecine légale. Hervé Brusini, reporter à l’époque est victime lui aussi de cette manipulation, « il s’agissait d’un moyen pour les Soviétiques de retrouver leur hégémonie sur ce qui se passait en Roumanie et de justifier une intervention pour garder la main (...) nous étions nous journalistes à l’époque dans une grande mise en scène, nous ne savions pas ce qui était en train de se passer ». Pour Alexis Lévrier qui se rappelle avoir vu enfant ces images à la télévision, « La mise en scène et la force de l’image jouent aussi pour beaucoup» sur l'incapacité à démêler le vrai du faux « nous spectateurs de l’époque n’avions pas la distance nécessaire vis-à-vis des images ».

La vérité alternative

Alors que les réseaux sociaux permettent la diffusion de fausses nouvelles, les chefs d'États se mettent à leur tour à fabriquer des fausses informations. C’est le cas du Président Donald Trump qui invente un faux attentat en Suède. Pour Hervé Brusini, « c'est la consécration que la vérité alternative est possible, ce qui est très grave, c’est la perte de la valeur vérité et qu’elle ne peut exister que par ma voix, moi Thierry Meyssan, fondateur du réseau Voltaire et principal diffuseur des théories du complot ou moi Trump, même combat quant à l’invention de la vérité alternative (…) d’où la nécessité pour tous de réagir ».

La vérité alternative
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