Ce n’était pas au programme annoncé de « l’itinérance mémorielle » d’Emmanuel Macron. En rendant hommage mercredi à l’action du maréchal Pétain, durant la première guerre mondiale, le chef de l’Etat a déclenché une polémique, en plein milieu de sa semaine de commémoration pour le centenaire de la Grande guerre.
« Le maréchal Pétain a été pendant la Première guerre mondiale aussi un grand soldat » a rappelé Emmanuel Macron, tout en faisant ensuite « des choix funestes pendant la deuxième », en engageant le pays dans la collaboration avec l’Allemagne nazie.
« Il est légitime que nous rendions hommage (samedi) aux maréchaux (dont le maréchal Pétain, ndlr) qui ont conduit l'armée à la victoire, comme chaque année. Mon chef d'état-major sera présent à cette cérémonie » a souligné Emmanuel Macron, avant un Conseil des ministres délocalisé à Charleville-Mézières. « Vous ne pouvez pas me reprocher à moi d’avoir été ambigüe sur ce point, mais je reconnais aussi la part que les maréchaux ont joué dans l’armée française » a ajouté Emmanuel Macron.
Les propos du chef de l’Etat ont vite déclenché la polémique, principalement venue de la gauche, mais aussi chez le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), qui s'est dit « choqué ». « La seule chose que nous retiendrons de Pétain, c'est qu'il a été, au nom du Peuple français, frappé d'indignité nationale lors de son procès en juillet 1945 », a déclaré dans un communiqué son président, Francis Kalifat.
« Le maréchal Joffre est le vainqueur militaire de la guerre de 14-18. Pétain est un traître et un antisémite. Ses crimes et sa trahison sont imprescriptibles. Macron, cette fois-ci, c'est trop ! L'Histoire de France n'est pas votre jouet », a tweeté le chef de file de la France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon.
« Emmanuel Macron entend-il honorer tous ceux qui ont servi la patrie avant de la trahir? Tous les criminels ont commencé par être innocents » a souligné le premier secrétaire du PS, Olivier Faure. « Pétain ne peut pas avoir été accusé de haute trahison, condamné à l'indignité nationale et à mort en 1945 et "en même temps" bénéficier d'un hommage national en 2018. Cette confusion est une blessure à la mémoire nationale » a ajouté le porte-parole du PS, Boris Vallaud.
« Honorer Simone Veil au Panthéon ET EN MÊME TEMPS le traitre antisémite Pétain aux Invalides. Rien ne justifie une telle honte » s’est indigné pour sa part Benoît Hamon, qui dirige Génération-s.
Le président du parti Les patriotes, ancien numéro 2 du FN, Florian Philippot, a estimé de son côté que « réhabiliter Pétain est une impossibilité morale et historique. Une faute majeure de Macron. La victoire de Verdun a été effacée par la trahison et l’immonde collaboration de Vichy ».
Le sénateur LR Roger Karoutchi s’étonne aussi des déclarations du président de la République : « Pétain fut un grand chef pendant la Première Guerre Mondiale. Mais rendre hommage à l’homme de la collaboration avec les nazis,de la lutte contre la résistance, du Statut des juifs en 1940 ? »
Interrogé sur Public Sénat, le président LR de la commission des affaires étrangères et de la défense de la Haute assemblée, Christian Cambon, n’a en revanche pas été choqué par les propos d’Emmanuel Macron. « Il ne faut pas se servir de ces commémorations pour réécrire l’histoire. Aucun historien n’a jamais contesté le rôle du maréchal Pétain dans la victoire de Verdun. Je rappelle le mot du général de Gaulle, qui ne peut pas être suspect de sympathie vis-à-vis du maréchal Pétain : « La victoire de Pétain à Verdun ne peut être ni contestée, ni méconnue de la Patrie » ».
Polémique sur Pétain : « Le rôle du maréchal Pétain ne peut pas être contesté sur Verdun » estime Christian Cambon
Face aux critiques, le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux a dénoncé une « mauvaise polémique ».
Lors des questions d’actualité au gouvernement, le premier ministre Edouard Philippe a estimé qu’« il ne faut rien omettre. Ce qui est glorieux. Et ce qui est sombre », « il ne faut pas tout mettre sur même plan, mais il ne faut rien ignorer du passé ». Il estime qu’il est possible « de penser en même temps à ceux qui étaient glorieux et ceux qui ensuite ne se sont pas montrés à la hauteur des enjeux de l’histoire ».