Tandis que Danielle et François Mitterrand accueillaient Fidel Castro en 1995 à Paris, François Hollande a lui décidé de ne pas se rendre aux funérailles nationales de l'emblématique leader de la révolution cubaine. Faut-il y voir une rupture idéologique ? La gauche française a-t-elle définitivement pris ses distances avec l’héritage politique très controversé de Fidel Castro ? « Je n’ai pas l’impression d’un véritable divorce, j’ai l’impression d’une passion qui se calme très progressivement » préfère nuancer Pierre Rigoulot. « Il y a encore beaucoup de gens qui ont du mal à parler de Fidel Castro comme un dictateur », poursuit l’historien en pointant notamment du doigt la fascination de Jack Lang pour le « Líder Máximo ». En 1982, en visite à Cuba, le ministre de la Culture de François Mitterrand ne cachait pas son profond respect pour le leader révolutionnaire.
1982 : une délégation spéciale emmenée par Jack Lang se retrouve à Cuba pour discuter avec Fidel Castro
« Les aveugles professionnels » de la gauche
Pour Pierre Rigoulot, la passion pour le révolutionnaire cubain s’est nourrie de la croyance à gauche qu’un socialisme à visage humain était possible à Cuba : « Pour les socialistes français, Cuba a proposé en quelque sorte la quadrature du cercle, un socialisme solidaire de l’Union soviétique et en même temps les libertés ». La gauche française a-t-elle volontairement fermé les yeux sur les atteintes aux droits de l’homme ? Fasciné par la révolution française, Fidel Castro était un inconditionnel de Robespierre. Dès 1959, les purges politiques débutaient à Cuba.
« À l’époque on ne savait pas », tranche l’historien qui en profite pour rendre hommage à Jacobo Machover : « C’est notamment grâce à des gens comme lui qu’on sait aujourd’hui qu’il y avait des camps ». L’exilé cubain devenu écrivain dénonce les compromissions de la gauche : « Les exécutions étaient étalées dans la presse cubaine. Celui qui ne voyait pas ne voulait pas voir. Bernard Kouchner et Régis Debray, tous ces gens-là, étaient des aveugles professionnels ».