Hôpital de Nancy : suppressions de lits et de postes « indécentes » pour les élus
Le Directeur de l’Agence régionale de santé (ARS) Grand-Est a estimé samedi qu’il « n’y avait pas de raison » d’interrompre les suppressions de postes et de lits prévues au CHRU de Nancy. Tollé général chez les élus de la région. Édouard Philippe et Olivier Véran ont dû recadrer le directeur de l’ARS.
Par Jonathan Dupriez
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Les propos de Christophe Lannelongue ont provoqué l’ire des élus de la région, l’une des plus touchées par l’épidémie de coronavirus. Dans les colonnes de l’Est-Républicain samedi, le directeur de l’ARS Grand-Est a affirmé qu’il n’y avait « pas de raison » d’interrompre les suppressions de postes et de lits prévues au CHRU de Nancy. « La trajectoire reste la même » a-t-il rappelé, en référence à la décision du Comité interministériel de performance et de modernisation de l’offre de soins (COPERMO) ayant acté en juillet 2019, la suppression de 598 emplois et 174 lits afin de débloquer 515 millions d’euros d’investissements sur dix ans. Le COPERMO, mis en place sous Marisol Touraine, est un outil de régulation budgétaire des hôpitaux publics.
Propos « indécents » et « surréalistes »
Peu après cette sortie, plusieurs élus de la région sont immédiatement montés au créneau. Le sénateur PS de Meurthe-et-Moselle, Olivier Jacquin, avoue s’être étranglé en lisant cette « interview ubuesque. » Une fois la lecture terminée, le sénateur s’est fendu d’un coup de fil à Christophe Lannelongue pour clarifier ses propos qu’il juge « indécents ». « Il a été très agressif avec moi » raconte le sénateur encore remonté contre ce haut-fonctionnaire « bloqué sur la polémique.» Selon le sénateur socialiste, le directeur de l’ARS Grand-Est aurait été particulièrement véhément à son égard, le taxant d’être un élu favorable à « la gabegie » et au « gaspillage d’argent public. »
« Monsieur Lannelongue, c’est la représentation même de la technostructure de la santé » tacle Olivier Jacquin. « Il est obsédé par la baisse de la dépense publique. » Tout aussi choqué, Jean-François Husson, sénateur LR de Meurthe-Et-Moselle dénonce un « manque de respect » envers les soignants. « Ce qu’a dit Monsieur Lannelongue n’est pas entendable de la part d’un responsable de l’ARS, ni de personne d’ailleurs, c’est surréaliste » soupire l’élu.
« Procès politique »
Dans une interview accordée à France 3 Lorraine le 5 avril, Christophe Lannelongue a dénoncé des propos « sortis de leur contexte » sans toutefois revenir sur ses déclarations. Selon lui, il s’agirait « d’un procès politique » orchestré par un journaliste et la CGT du CHRU de Nancy. « Je respecte trop le travail des journalistes pour savoir qu’une information comme celle-là, si elle arrive dans un grand quotidien régional, c’est qu’elle n’a pas été inventée » affirme Jean-François Husson. « Monsieur Lannelongue aura des comptes à rendre à sa hiérarchie » croit savoir le sénateur lorrain, soucieux de ne pas faire davantage de commentaires. Contactée, l’Agence Régionale de Santé Grand-Est nous a fait parvenir ce communiqué, sans toutefois répondre précisément à nos questions.
Communiqué de l'ARS
Le gouvernement alerté par les élus
Ce week-end d’autres élus, comme Mathieu Klein, président du Conseil départemental ou Laurent Hénart, maire (Parti radical) de Nancy, ont directement interpellé le gouvernement sur la situation. Dans sa lettre à l’attention du Premier ministre et du ministre des Solidarités et de la Santé rendue publique sur Twitter, Laurent Hénart, également Président du Conseil de surveillance du CHRU de Nancy, dénonce « la position totalement décalée » du patron de l’ARS. Une prise de position "sidérante" selon lui, qu’il illustre en filant cette métaphore présidentielle : « Le chef de l’État dit que nous sommes en guerre. En Guerre, quand les soldats sont dans la tranchée et que les bombes pleuvent, on ne compte pas les munitions. »
« Cette crise change la place de l’hôpital »
Avant la crise, Laurent Hénart s’était pourtant montré favorable à cette réduction des effectifs et des lits censée accompagner le développement de l’offre ambulatoire de l’Hôpital. Cette restructuration devait permettre à l’établissement de réduire drastiquement sa dette et d’accélérer le déblocage des financements publics de l’État étalés sur dix ans. Ces 515 millions d’euros d’investissements devaient permettre de moderniser et d’agrandir des bâtiments et améliorer des infrastructures de l’Hôpital nancéen. La crise du coronavirus vient changer la donne pour Laurent Hénart. « Cette crise change la place de l’hôpital, et on voit bien que l’on ne peut pas gérer le covid-19 avec des soins ambulatoires » reconnaît aujourd’hui le maire de Nancy, pour qui la « machine diabolique du COPERMO ne survivra pas à la crise ».
« Les plans de réorganisation sont suspendus »
La pression des élus n’a, semble-t-il, pas été vaine. Le 5 avril, Olivier Véran a recadré le haut fonctionnaire de l’ARS dans un tweet. « Tous les plans de réorganisation sont évidemment suspendus à la grande consultation qui suivra » tranche le ministre des Solidarités et de la Santé sur le réseau social. « L’heure viendra de tirer les enseignements de cette crise sans précédent et refonder notre Hôpital » note-t-il. Le même jour, Laurent Hénart a obtenu une réponse écrite du Premier ministre confirmant presque mot pour mot celle d’Olivier Véran. « Les plans de réorganisation des établissements de santé sont bien évidemment suspendus à la grande concertation qui devra être menée dans ce cadre » indique Edouard Philippe par écrit.
Lettre d’Édouard Philippe
« Il faut arrêter de faire des annonces, et le Grand débat, on a bien vu que c’était un coup d’épée dans l’eau » tempête Jean-François Husson, soulignant l’urgence de définir « un cap, une direction et des propositions claires » pour l’après-crise.
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