« Le covid a été l’amplificateur des dysfonctionnements de notre système de santé », témoigne le président de la commission médicale de l’AP-HP. Devant la commission d’enquête du Sénat sur la situation de l’hôpital et du système de santé, mardi 4 janvier, Rémi Salomon a dépeint un système à bout de souffle après deux ans de crise sanitaire.
« On vit actuellement une double vague avec Delta et Omicron », a-t-il exposé. Un peu plus tôt, à l’Assemblée nationale, le ministre de la Santé affirmait que Santé publique France risquait « d’annoncer pas loin de 300 000 contaminations durant les dernières 24 heures ».
« Le gouvernement tempère un peu en disant que le variant Omicron n’est pas si grave. C’est vrai, la maladie covid est moins grave mais il n’en demeure pas moins que le nombre de patients risque d’être extrêmement important », anticipe le président de la commission médicale de l’AP-HP. Cette nouvelle vague est différente et les hôpitaux vont recevoir « des patients avec des cas moins graves, mais plus nombreux ». Pas de quoi rassurer les personnels hospitaliers.
La crise sanitaire a eu pour effet d’aggraver les problématiques existantes mais a aussi mis en lumière la situation de l’hôpital public. Très engagé dans le mouvement hospitalier pour obtenir plus d’effectifs et de moyens, Rémi Salomon le rappelle. « Au mois de novembre 2019, à Paris, on était obligé de transférer les nourrissons qui avaient la bronchiolite à plus de 200 km de Paris parce qu’on ne pouvait pas tous les prendre en charge », cite-t-il pour illustrer son propos.
Une crise qui vient de loin et qui ne semble pas être à l’agenda des candidats à la présidentielle, juge-t-il. « A 3 mois de l’élection présidentielle, je dois dire l’étonnement que j’ai de voir que le sujet de l’hôpital n’est pas si présent que ça. Les propositions faites par les différents candidats ne sont pas à la hauteur », lance le chef du service de néphrologie pédiatrique à l’hôpital Necker.
« On a besoin d’une réforme en profondeur du système de santé »
« On a des patients qui ont une tumeur qui devrait être opérée mais qui devra attendre »
Le Ségur de la Santé lui apparaît aussi insuffisant. « C’est vrai qu’il y a beaucoup de milliards mais à l’évidence ça ne suffit pas […] On a besoin d’une réforme en profondeur du système de santé », insiste-t-il.
Les données sont de son côté pour illustrer la crise que vivent l’hôpital et ses personnels. Rémi Salomon est ainsi revenu sur la désaffection que connaît la profession et sur le mal-être des personnels. Devant la même commission, Les représentants des personnels soignants alertaient comme lui sur les départs massifs, en décembre dernier.
« Aujourd’hui, on est obligés de déprogrammer, on ne fait pas le soin qu’on devrait et on sait qu’il y a une perte de chance. Il y a aussi cette dimension éthique », souligne Rémi Salomon. Une problématique qui prend là encore de l’ampleur avec la crise sanitaire.
« On a des patients qui ont une tumeur qui devrait être opérée mais qui devra attendre »
« On prend en charge les patients qui ont le covid et qui ne sont pas vaccinés, on le fait sans rechigner. Mais on sait que derrière on déprogramme. On a des patients qui n’ont pas le dépistage du cancer au moment où ils devraient l’avoir, qui ont une tumeur qui devrait être opérée mais qui devra attendre avec de vraies pertes chances », déplore-t-il.
Questionné par la rapporteure de la commission d’enquête, Catherine Deroche, le président de la commission médicale de l’AP-HP a aussi détaillé les pistes à suivre pour sortir l’hôpital de la crise. Au-delà de la question financière, il évoque des problèmes de gouvernance avec des gestionnaires trop éloignés des réalités du terrain. Il invite sur ce point à développer une gouvernance de co-construction entre les administratifs et le personnel hospitalier.
Ondam : « Il faut un débat démocratique »
La question de l’Ondam a aussi été mise sur la table par le président de la commission d’enquête, Bernard Jomier. Voté tous les ans à l’occasion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (Ondam) est de plus en plus décrié. Il avait été rejeté d’un bloc au Sénat l’année dernière avec un large consensus parmi les différents partis politiques sur le caractère insuffisant de cette enveloppe.
Rémi Salomon plaide pour un débat démocratique autour de ce budget : « Il faudrait que les soignants et les usagers soient associés au débat ». Et Bernard Jomier de préciser que les parlementaires censés voter l’Ondam ne le reçoivent que quelques jours avant le jour du vote.
Un point qui devra sans surprise figurer parmi les préconisations des rapporteurs de la commission d’enquête et, peut-être, dans le programme de certains candidats à la présidentielle.