« Il ne peut y avoir l’Etat, face aux élus » : Emmanuel Macron veut se poser en partenaire des maires

« Il ne peut y avoir l’Etat, face aux élus » : Emmanuel Macron veut se poser en partenaire des maires

Après quatre années et demie de relations en dents de scie avec les élus locaux, le président de la République est venu devant le 103e congrès des maires vanter son bilan et tracer des perspectives pour l’avenir. Il a notamment ouvert la voie à un approfondissement de la décentralisation et à continuer le mouvement de « contractualisation » avec les maires.
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C’était le dernier discours du président de la République du quinquennat devant le 103e congrès des maires. La présidence de l’incontournable Association des maires de France (AMF) a changé, en la personne de David Lisnard, pas les discours. David Lisnard (LR) et André Laignel (PS), premier vice-président de l’association ont déploré des décisions trop centralisées, notamment dans la gestion de la crise sanitaire, un manque d’autonomie fiscale des communes ou encore une décentralisation encore trop timide. Après des remerciements attendus sur l’action des maires durant la crise sanitaire, Emmanuel Macron a fait part de son envie d’une pacification des relations entre le pouvoir central et les maires. « Il ne peut y avoir l’Etat face aux élus. Il ne peut pas y avoir ce face-à-face sous prétexte qu’il y aurait d’autres émergences politiques. L’Etat, c’est vous aussi », a-t-il mis en garde aux élus locaux. En clair, l’AMF doit certes être « indépendante » mais les frictions ne doivent « pas entraver la bonne marche de nos communes et de l’action publique », a-t-il demandé.

Quand est venue sa réponse aux interpellations qui ont précédé son discours, Emmanuel Macron a répondu avec ironie à André Laignel. « Merci d’avoir expliqué que j’ai modestement tâché de faire ce que j’avais dit. » Nouvelles formes de contractualisation entre l’Etat et les communes, préservation des enveloppes de dotations, stabilité dans le cadre institutionnel : le président de la République a assumé ses chantiers, y compris l’impopulaire (chez les maires) suppression de la taxe d’habitation. « Le premier contribuable c’était l’Etat, c’est ça la réalité », s’est défendu le chef de l’Etat.

Finances locales : « on a besoin de visibilité », admet Emmanuel Macron

Une grande partie de l’intervention d’Emmanuel Macron s’est concentrée sur « l’avenir ». Il est d’abord question des moyens. Il a appelé à « sanctuariser » la stabilité des dotations, avant d’ouvrir la voie à un nouveau cadre. « Sur ces sujets, on a besoin de pluralité, de visibilité, de clarté des règles. C’est cela que nous devons bâtir. » Une grande loi de finances pluriannuelle pour les collectivités locales : la proposition résonne régulièrement dans l’hémicycle du Sénat.

Sur le volet de la décentralisation, Emmanuel Macron affirme qu’il faut « avancer sur ce chemin avec toute l’exigence qu’il convient ». Sa vision s’avère toutefois plus ambitieuse que l’action entreprise à partir de 2017. « Il faut que ce soit un vrai transfert des responsabilités qui va avec, clairement et totalement, c’est-à-dire d’une capacité à décider les règles, à en bouger les normes et à en décider les financements, c’est tout cela ensemble. » À « court terme », le président de la République a davantage insisté sur la « déconcentration » au niveau local, avec le retour de fonctionnaires dans les sous-préfectures ou les trésoreries. « Ce mouvement doit être amplifié », a-t-il appelé.

Sur le volet simplification, l’un des plus difficile à tenir de son avis, il a plaidé pour un « décideur unique » au niveau départemental, sur « l’accompagnement des projets ». La « contractualisation » est une méthode « utile » qu’il voit prospérer pour l’avenir. De l’argent contre des projets, après un diagnostic partagé. Les programmes « Actions cœur de ville » sont beaucoup revenus dans son discours.

C’est notamment sur les politiques du logement et de la transition écologique que le président de la République a décliné l’intérêt de la décentralisation. « Ce n’est pas la loi qui doit tout prévoir. Il faut aller vers une décentralisation bien plus massive, parce que c’est cohérent avec la réalité de nos territoires. » Autre sujet, qui suscite l’inquiétude chez les maires : la désertification médicale. « Il est clair que nous devons faire évoluer l’organisation de notre système de santé », a concédé le président de la République, malgré plusieurs tentatives dans ce sens au cours du quinquennat.

« Face au retour de la violence, nous serons intraitables »

Le ton s’est fait ferme, lorsqu’il a abordé le sujet des agressions d’élus. Il a réservé un mot pour le maire de Signes (Var), Jean-Mathieu Michel, décédé alors qu’il intervenait contre un dépôt sauvage. « Face au retour de la violence, nous serons intraitables […] Nous ne devons rien céder. » Il a rappelé que sa majorité avait mis fin au numerus clausus pour les médecins, mais que cette décision mettrait une dizaine d’années avant de provoquer ses effets. Alors que la loi 3DS (décentralisation, déconcentration, différenciation) doit encore passer entre les murs de l’Assemblée nationale, Emmanuel Macron a également souligné l’importance de « remettre des élus et des soignants » au cœur de la gouvernance du système de santé.

Entre les débuts difficiles avec les élus locaux, et les récentes tensions sur les décisions sanitaires pour lutter contre le covid-19, Emmanuel Macron a convoqué le souvenir du grand débat, qui a suivi la crise des Gilets Jaunes. Un épisode qui l’a conduit à ne pas négliger les maires. « Il y a peu de prédécesseurs qui ont passé autant de temps à débattre avec les maires », a-t-il affirmé. L’une de ses faiblesses, il l’a reconnue et l’a même « assumée », est de jamais avoir exercé de mandat municipal, contrairement à ses deux Premiers ministres, Édouard Philippe et Jean Castex. Il a trouvé un parallèle d’actualité. « Je ne suis pas le seul président de la Ve République à ne pas avoir été maire. J’ai compris qu’on honorait beaucoup le général de Gaulle, il se peut qu’il ait eu le même défaut. » En somme, il se demande : « Il se peut qu’il y ait des malentendus au début, il se peut d’ailleurs qu’il y ait eu des préjugés. »

Son face-à-face avec les maires se finit sur cette formule. « Il y a dans le mot maire l’anagramme du verbe aimer. » L’amour n’est pas toujours partagé, loin s’en faut. A-t-il réussi à se faire aimer des maires ?

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