Politique
Emmanuel Macron veut « élargir » le socle commun et parler aux socialistes. Un message entendu par le parti à la rose, qui pose ses conditions. Cette hypothèse soulève plus de questions qu’elle n’apporte de réponses.
Le
Par François Vignal
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Une heure, désaccord compris. La rencontre entre les socialistes et François Bayrou n’a, comme prévu, strictement rien donné. Le PS a répondu à l’invitation du premier ministre, qui fait mine de pouvoir encore trouver une issue, avant le vote de confiance du 8 septembre, qui se transforme en vote couperet pour lui.
« On était venus par courtoisie républicaine. Car le premier ministre nous avait invités. Nous sommes venus rappeler que nous proposions un chemin différent que celui qu’il propose. Et il nous a rappelé qu’il est en désaccord avec nous. Il y avait deux projets qui se confrontaient », a expliqué à la sortie le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, entouré des présidents des groupes PS de l’Assemblée nationale et du Sénat, Boris Vallaud et Patrick Kanner, et de l’eurodéputée PS, Nora Mebarek.
Comme ils l’ont redit le week-end dernier, à Blois, pour leur université d’été, les socialistes n’ont pas changé d’avis : ils voteront contre la confiance à François Bayrou, alors que le locataire de Matignon aurait pu espérer une abstention de leur part. Mais le PS, comme toutes les autres formations d’opposition, est déjà dans l’après Bayrou.
« C’est la confirmation qu’on n’a pas la même vision pour le pays. Sur nos principales mesures, comme le lissage dans le temps de l’effort, il y est opposé. Sur la taxe Zucman, pour lui, c’est inconstitutionnel. Il reconnaît qu’il y a un petit effort fiscal à demander aux plus riches mais pas à notre hauteur. Et sur la relance, dans une démarche keynésienne, il n’y croit pas », résume pour sa part Patrick Kanner, qui ne peut que constater : « Il ne veut pas de nos axes prioritaires présentés à Blois ».
Seule ouverture donc, sur la taxation des plus riches. « La justice fiscale, pour lui, c’est peut-être retrouver le rendement de l’ISF, qui a été supprimé, soit environ 3 milliards d’euros. Ça ne va pas plus loin. Et entre aujourd’hui et 2017, les riches sont devenus beaucoup plus riches », pointe l’ancien ministre de François Hollande, quand le PS vise des recettes de 15 milliards d’euros avec la taxe Zucman. Le compte n’y est définitivement pas pour les socialistes.
S’il croit « au diagnostic posé, que nous ne contestons pas, avec une dette publique devenue insupportable », souligne Olivier Faure, le PS diffère donc sur les solutions. A Blois, il a mis sur la table ses propositions budgétaires. Il étale l’effort et au lieu des 44 milliards d’économies, il vise 21,7 milliards (voir notre article pour plus de détails).
« On réduit la dette, on cherche des recettes nouvelles, dans la poche des plus riches. On ne touche pas à l’entreprise, on ne cherche pas à la démolir, on dit que ceux qui font des profits pour eux-mêmes peuvent en rendre une partie au pays qui les a tellement nourris. Et enfin, plus de pouvoir d’achat pour les Français, c’est 6 milliards d’euros. 3 milliards d’euros pour suspendre la réforme des retraites, le temps d’une discussion entre partenaires sociaux, pour arriver à remplacer la réforme Borne. Et 10 milliards pour réinvestir dans la transition écologique. Ça fera de l’argent aux entreprises », résume le député de Seine-et Marne. Il rappelle au passage que la mesure proposée par le PS d’une baisse de la CSG pour les salaires de 1 à 1,4 Smic est synonyme d’un gain de pouvoir d’achat de 900 euros par an pour, par exemple, « une maman qui élève son enfant seul », ou « environ 1500 euros » pour un couple.
Quant à cette réunion, « il n’y avait pas de suspense pour vous, pour personne, ni même pour le premier ministre, qui savait très bien qu’on ne changerait pas d’avis. Désormais, la question posée, c’est comment, à partir du 8, la France peut rebondir », cadre Olivier Faure.
Et le numéro 1 socialiste rappelle que le PS a « le mérite de présenter une offre », tout comme « les écologistes, les communistes, les ex-insoumis aussi ». A charge maintenant, à Emmanuel Macron, « dans ce périmètre de la gauche qui veut gouverner, de choisir quel sera le ou la première ministre qui aura son agrément, qui permettra ensuite, sur la base que nous avons définie, de gouverner ». Pas sûr que ce soit la solution privilégiée par le chef de l’Etat.
Pas sûr que ce soit la solution privilégiée par le chef de l’Etat, ni par les membres du bloc central. Reçu après par François Bayrou, le président de l’UDI, le sénateur Hervé Marseille, a prévenu : il ne croit pas à un premier ministre de gauche.
« C’est difficile. J’ai du mal à imaginer ce que peut être un gouvernement dirigé par la gauche », réagit le président du groupe centriste du Sénat sur le perron de Matignon. « Je ne suis pas sûr que le mélange des genres, dans un même gouvernement, soit de nature à faciliter la compréhension pour les électeurs et les Français. Comment envisager de travailler avec ceux qui votent contre vous et mettent le gouvernement à bas lundi ? Comment fait-on pour se présenter aux prochaines municipales et éventuelles législatives, s’il devait y en avoir ? Le compromis oui, la compromission, non. On ne peut pas mélanger l’eau et le feu », lance Hervé Marseille. Au risque de donner un gouvernement fumeux.
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