Le nom de l’industriel breton arrive dès qu’il s’agit d’illustrer le phénomène de concentration des médias. « Il y a la question de Vincent Bolloré », convoque ainsi Alexandre Buisine, membre du bureau national du syndicat national du journalisme (SNJ). Il évoque le cas d’Europe 1, passé sous la coupe de Vincent Bolloré quand ce dernier est devenu premier actionnaire du groupe Lagardère au printemps. Résultat : « Une soixantaine de départs de journalistes, une cannibalisation d’une partie de l’antenne… Voilà un exemple concret de ce qu’une concentration et une mutualisation éditoriale donnent ».
Alexandre Buisine et le premier secrétaire général du SNJ, Emmanuel Poupard, étaient auditionnés par la commission d’enquête sur la concentration des médias, vendredi 10 décembre. Le tableau dressé par les deux membres du SNJ a de quoi faire frémir : précarisation du métier de journaliste, insuffisance de la protection de l’indépendance éditoriale, failles dans le contrôle de certains médias…
« Rééquilibrer le pouvoir entre l’actionnaire et la rédaction »
Ces derniers sont toutefois venus avec des propositions concrètes. « Il y a des moyens majeurs de lutter contre la concentration des médias », avance Alexandre Buisine. « Par le bas, avec la reconnaissance juridique de l’équipe rédactionnelle. Il s’agit de rééquilibrer le pouvoir entre l’actionnaire et la rédaction ». Et par le haut « avec la réforme de la loi de 86 sur la concentration des médias ».
Dans le panel des solutions figure également la réforme des aides à la presse qui profitent aujourd’hui aux médias déjà installés. Les membres du SNJ plaident ici pour « une révision des critères d’attribution des aides à la presse ».
Certaines instances ont été pointées du doigt, telles que la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP). Alexandre Buisine soulève une absence de transparence et de visibilité qui, dont certain cas, s’avère très inquiétante. Il en va ainsi pour le journal France Soir, devenu un site propageant une multitude de contenus complotistes. Malgré cela, l’agrément du site a été renouvelé par la CPPAP.
« On a vu avec la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP) les problèmes qu’il y a eus avec France Soir. Le site internet n’a plus rien à voir avec le journal. Comment un site qui propage autant de Fake news peut avoir un adoubement de l’Etat ? », interroge Alexandre Buisine.
Précarité des journalistes : « Il y a une volonté très nette de diminuer les coûts »
Concernant la précarité croissante du métier de journaliste, les membres du SNJ ont alerté les sénateurs sur un nouveau phénomène. « On voit fleurir un certain nombre d’agences de presse qui n’en ont que le nom », indique Emmanuel Poupard. Ces agences ont pour seul client un groupe de presse et leurs employés ne bénéficient donc pas des mêmes avantages que les journalistes dudit groupe de presse. « Il y a une volonté très nette de diminuer les coûts », observe le premier secrétaire général du SNJ.
« Un quart de la profession a un mode de rémunération estimé comme précaire. Il y a des gens qui ne peuvent même plus obtenir la carte de presse », pointe aussi Alexandre Buisine.
Leurs propositions vont être observées par les sénateurs de la commission d’enquête. Les auditions quant à elles se poursuivent, ce vendredi 10 décembre, avec les directeurs des rédactions de LCI et de BFMTV, ainsi que le directeur de l’information de Cnews.