Eliane Assassi

« Il y a une volonté politique du gouvernement de ne pas encadrer le recours » aux cabinets de conseil, estime Eliane Assassi

L’ancienne rapporteure de la commission d’enquête, Eliane Assassi, évoque une « une situation d’extrême gravité », après les informations de Mediapart faisant état d’une intervention de Richard Ferrand en amont de l’examen de la proposition de loi sur les cabinets de conseil.
Guillaume Jacquot

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La température monte avant la deuxième lecture de la proposition de loi visant à encadrer le recours à des prestations de conseil dans le cadre des politiques publiques. Deux ans après l’affaire dite McKinsey, et les travaux explosifs de la commission d’enquête sénatoriale qui ont mis au jour un « phénomène tentaculaire », le sujet n’a pas fini de bouillonner au Parlement. En fin de semaine dernière, l’Assemblée nationale s’est prononcée à son tour sur le texte né des travaux du Sénat. Ses auteurs, au palais du Luxembourg, ont fait les comptes : le gouvernement et la majorité ont multiplié « les reculs » sur leur proposition de loi, ont-ils affirmé.

Que ce soit sur le renforcement de la transparence ou des obligations déontologiques, ou encore le périmètre du texte, le duo à la manœuvre durant l’enquête sénatoriale, a dénoncé jeudi dernier un « acharnement du gouvernement à dénaturer » la proposition de loi initiale.

Deux visions frontales se sont opposées durant les débats. D’un côté les oppositions, favorables aux dispositions du Sénat afin de mettre un coup d’arrêt à « l’opacité » du recours aux consultants dans les sphères ministérielles. De l’autre, le gouvernement et sa majorité, se sont employés à revoir la copie, allant vers des mesures jugées, selon eux, plus opérationnelles et moins contraignantes à la fois pour l’État mais aussi les cabinets de conseil.

La suppression du pouvoir de sanction par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, en cas de conflit d’intérêts ou d’entorse aux obligations déontologiques, fait partie des assouplissements les plus spectaculaires qui ont provoqué la colère des sénateurs. La nature des prestations encadrées par la loi fera par ailleurs l’objet d’un décret et les prestations de conseil en cours, au moment de la promulgation de la loi seront exclues des nouvelles obligations de transparence.

« Cette information aggrave ce que nous pensions »

Syntec Conseil, qui représente la profession, n’a pas obtenu des aménagements sur tous les points au cours de la réécriture parlementaire. Cette organisation, qui rassemble des syndicats des métiers du conseil en France, s’était opposé au cours de l’année dernière à des dispositions portant atteinte à la vie privée des consultants intervenant pour le compte de l’administration, ou encore au secret des affaires. La présentation d’une déclaration d’intérêts, pour les consultants, a finalement été maintenue in extremis.

La saga ne s’est pas arrêtée là. Ce mardi, Mediapart affirmait que l’ancien président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, était intervenu « pour affaiblir » la proposition de loi, pour le compte du cabinet Accenture. Le site d’information évoque notamment une rencontre à la fin de l’année 2023, entre l’ancien parlementaire Renaissance et un haut dirigeant d’Accenture, au cours de laquelle aurait été abordée la question de la proposition de loi en cours d’examen.

« Cette information aggrave ce que nous pensions. On est là face à une situation d’extrême gravité », lâche ce jeudi Éliane Assassi, ancienne sénatrice communiste, rapporteure de l’ancienne commission d’enquête sénatoriale. Qui poursuit : « Il y a une volonté politique du gouvernement de ne pas encadrer le recours. On peut se poser une question : pourquoi autant d’acharnement à protéger les cabinets de conseil ? »

Si le président de la commission des lois, Sacha Houlié (Renaissance) affirme à Mediapart que le sujet de l’encadrement des cabinets de conseil n’a pu tout été évoqué au cours d’une rencontre avec Richard Ferrand, l’ancienne sénatrice Éliane Assassi s’inquiète néanmoins des activités d’influence autour du texte, accusant même le gouvernement de « collusion » avec le secteur des activités de conseil.

« J’espère que mes anciens collègues auront à cœur de remettre le cœur de cette proposition de loi, qui n’est pas extravagante. Il s’agit d’encadrer le recours aux cabinets privés. On a toujours dit que nous n’étions pas opposés à leur recours », rappelle l’ancienne sénatrice.

La proposition de loi est retournée formellement au Sénat, reste à savoir à quelle date elle pourrait être inscrite à l’ordre du jour de la Haute assemblée. Les deux premiers auteurs de la proposition de loi, qui se sont engagés à « rétablir l’ambition du texte », devraient échanger sur le sujet dans les prochains jours, selon nos informations.

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