Ils quittent le Sénat : David Assouline, de la marche des beurs au Palais du Luxembourg

Des pavés parisiens de la Marche des beurs, en passant par les manifestations contre la loi Devaquet… jusqu’au Sénat, David Assouline n’aura, au fil de sa carrière politique, suivi que deux boussoles : l’antiracisme et la liberté de la presse. Des combats qu’il poursuivra de mener même après avoir rendu son dernier mandat de sénateur à la fin du mois.
Matias Arraez

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Pour retrouver les premiers pas de David Assouline en politique, il faut remonter dans sa tendre jeunesse. Au lycée, c’est par le syndicalisme que le jeune de 17 ans se lance dans la bataille. Étudiant, le natif du Maroc, déraciné enfant et arrivé dans un HLM à Creil (Oise), prend à bras le corps des sujets tels que l’antiracisme et la lutte contre l’extrême droite. Dans le milieu des années 80, il participe à la Marche des beurs et devient même porte-parole des manifestations contre le projet de loi Devaquet, pour réformer l’université, qui mènera à la mort de Malik Oussekine.

“C’est un évènement qui m’a marqué, parce que la responsabilité d’un mouvement si massif, qui a fait chanceler le gouvernement et qui a probablement fait trébucher Jacques Chirac qui était promis à être président de la République en 1988, a provoqué de la violence », reconnaît David Assouline. « Et c’était des violences policières très fortes qui ont abouti à cette mort. C’est quelque chose qui m’a tout de suite fait conjuguer engagement, détermination mais aussi responsabilité. »

 

Du rouge au rose

 

Longtemps adhérent à la Ligue communiste révolutionnaire, David Assouline fait le pari de suivre Pierre Juquin, alors au Parti Communiste Français, pour sa première campagne présidentielle en 1988. Puis du rouge, le Parisien vire au rose à l’approche des élections municipales de 1995.

“On est venu me chercher dans le XXème. A l’époque, c’était le 20 sur 20 de la droite. Vingt arrondissements sur vingt étaient avec Jacques Chirac. Mais chez moi, comme dans d’autres quartiers populaires, on sentait que ce n’était plus tellement accepté et qu’il y avait un mouvement associatif et une gauche qui était prête à comprendre les attentes des Parisiens.”

Une arrivée dans l’engagement réel de l’ancien militant étudiant qui contribue à la bonne percée des socialistes dans la capitale. Cette année-là, si la ville reste à droite, la gauche arrache six mairies d’arrondissement, les prémices d’un long règne à venir. En 2001, c’est l’alternance à l’Hôtel de Ville. Dans le sillage de Bertrand Delanoë, David Assouline devient adjoint au maire chargé de la vie étudiante et est très investi sur la question des hébergements. “On me disait qu’on ne pouvait pas construire à Paris, que c’était trop dense, qu’il y avait le privé, constate l’élu avant de dérouler une méthode de travail un peu rock’n’roll. Du coup je prenais ma bagnole, et à chaque fois que je voyais une dent creuse, j’appelais les services ! On en a construit beaucoup… environ 4000 en trois ans, de mémoire.”

 

“Une chambre vieille et vieillie”

Des attributions qu’il gardera jusqu’en 2004 et son entrée au Sénat. A l’époque, ses camarades lui prédisent qu’il “s’encroûtera” au Palais du Luxembourg. “J’avais une image d’une chambre vieille et vieillie et je m’interrogeais sur son utilité réelle”, admet le Parisien. Mais au fil des années passées sous la coupole de l’hémicycle, David Assouline change son fusil d’épaule. “J’ai compris que cette chambre était utile car si elle le voulait, elle pouvait être la vraie garante de la séparation des pouvoirs et d’une délibération parlementaire libre et non-dictée par l’exécutif.”

 

En parallèle de sa nouvelle vie de parlementaire au début des années 2000, au sein de son parti, il choisit son camp et fonde avec Vincent Peillon, Benoît Hamon et Arnaud Montebourg, le Nouveau Parti Socialiste. L’idée étant de faire émerger un nouveau souffle et des inspirations nouvelles à la suite de la débâcle de 2002. Alors en 2007, c’est aux côtés de Ségolène Royal qu’il s’engage pour représenter le PS à l’élection présidentielle.

“Quand on arrivait avec elle dans un quartier populaire, c’était presque l’émeute d’enthousiasme. Il y avait des dizaines de milliers de personnes qui n’étaient pas dans les partis qui venaient avec enthousiasme”, se remémore David Assouline.

 

L’indépendance de la presse en fil rouge

Dans le même temps, au Palais du Luxembourg, l’élu parisien se prend de passion pour les sujets qui touchent à l’audiovisuel. L’indépendance des médias, il en fera son cheval de bataille, dès 2009 avec une proposition de loi conjointe avec le député socialiste Patrick Bloche contre la concentration des médias.

“Certains disent ‘vous avez des milliardaires qui ne s’ingèrent pas’, oui, parce qu’ils sont gentils. Mais s’ils étaient méchants ? ironise celui qui a porté avant l’été une proposition de loi visant à protéger l’indépendance des rédactions, suite à la grève au JDD.

Un domaine qu’il défendra bec et ongle à l’occasion d’une commission d’enquête en 2022 sur la concentration des médias et durant laquelle il se confrontera frontalement à celui que certains présentent comme le tout-puissant, Vincent Bolloré. Un personnage pas tout à fait du goût du sénateur : “Démocrate-chrétien il y a moins de dix ans, passé à l’extrême-droite, qui pense avoir une mission civilisatrice, qui pense que ce grand remplacement menace la vieille France chrétienne qui est devenue sa cause. Et voilà qu’il met tout ça (ndlr : le groupe Vivendi détient des dizaines de titres de presse, de chaînes de télé, de radios et de maisons d’édition) au service de cette idéologie.” Un combat contre lequel se dresse David Assouline : “On se rend compte qu’on peut se réveiller avec la gueule de bois parce que c’est la bataille culturelle. C’est comme ça que l’extrême-droite peut arriver au pouvoir.”

 

La gauche ou l’extrême-droite

 

Sur les bancs de l’hémicycle, David Assouline mène début 2023 sa dernière bataille parlementaire contre la réforme des retraites d’Emmanuel Macron. Un combat coordonné pendant une dizaine de jours entre les différentes composantes de gauche mais avec à la clé un constat amer sur la considération portée aux parlementaires : “Être opposant je l’ai pratiquement tout le temps été dans cet hémicycle, car la majorité est de droite…à part trois ans que j’ai vécu (rires). (De 2011 à 2014, le Sénat est passé à gauche pour la 1ère fois sous la Vème République).Mais je l’ai aussi été vis-à-vis du pouvoir, sauf pendant le quinquennat de François Hollande. Mais finalement, le fonctionnement de la Vème république a toujours été, même pour la gauche, de très peu tenir compte du Parlement.”

Après 19 ans au Palais du Luxembourg et près de cinquante ans d’engagement, le socialiste parisien s’apprête à rendre l’écharpe, mais garde un œil avisé sur cette vie politique qui l’anime encore.

“C’est clair qu’après l’expérience Macron, s’il n’y a pas la gauche en capacité de gagner, c’est l’extrême-droite qui sera au pouvoir”, pour autant pas fataliste, David Assouline croit en l’avenir : “Les jeunes sont prêts, mais il faut que l’offre politique vienne répondre à leur audace et à leurs aspirations. Je pense qu’il y a beaucoup de talent et de force dans la nouvelle génération. Et de liberté ! Plus de liberté dans leurs têtes que dans celles des générations d’avant.”

S’il rend les clés de son casier et de son bureau rue de Vaugirard, l’ancien élu du XXème ne sera jamais bien loin… Il continuera d’arpenter les rues de la capitale, qui un jour lui ont donné la fièvre de la politique.

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