Gérard Longuet, trois fois ministre, ancien président de la région Lorraine et parlementaire pendant 45 ans, ne se représente pas aux élections sénatoriales de 2023. Retour sur son parcours politique, marqué par des idées libérales, le goût de la provocation et des affaires judiciaires, dont il est sorti blanchi, mais qui ont laissé des traces.
45 ans de vie politique
Gérard Longuet, c’est 45 ans de vie politique : député, sénateur, président de groupe, mais aussi président de région et trois fois ministre. « Assurément, le ministère le plus passionnant pour quelqu’un qui aime son pays et l’histoire, c’est le ministère de la Défense » assure celui qui a été nommé en 2011 par Nicolas Sarkozy à ce poste. « Pour un homme public, la liberté, c’est la présidence de la région. On a une équipe, des projets, par exemple, j’ai fait aboutir le TGV Est que je prends plusieurs fois par semaine », raconte aussi Gérard Longuet, qui a été élu en 1992 et a occupé ce poste pendant 12 ans. Son parcours est enfin marqué par de grandes amitiés politiques : avec Alain Madelin et François Léotard, libéraux convaincus tout comme lui, mais aussi Edouard Balladur, dont il a été ministre dans les années 1990 ou encore Nicolas Sarkozy, pour qui il éprouve respect et reconnaissance.
Elu depuis les années 1970, Gérard Longuet est aussi un observateur éclairé de la vie politique. Il constate aujourd’hui un recul de la liberté et de l’autorité des élus. Cela s’explique pour lui par deux raisons : « L’absolue présidentialisation de la vie politique en France qui a d’ailleurs été consolidée par le vote du quinquennat » et « l’exposition médiatique » qui est aujourd’hui celle de tout homme public.
« J’ai dérégulé les télécoms et François Léotard a dérégulé l’audiovisuel et on se prend le bâton en pleine figure. »
Face au jugement permanent des réseaux sociaux, Gérard Longuet s’est d’ailleurs fait plusieurs fois remarquer et l’assume. « Dans la vie publique, le pire, c’est d’être inconnu. Vous pouvez être connu pour vos défauts, pour vos excès, vous pouvez être connu pour vos maladresses, et j’ai eu des défauts, des excès et des maladresses tout au long de ma carrière. Heureusement, je n’ai pas eu que cela. Et les gens, au fond, sont reconnaissants : ils disent au moins, vous êtes carré. On sait ce que vous pensez. Et c’est vrai en général, je sais affirmer mes convictions… »
Algérie : un bras d’honneur contre la « repentance »
Sur Public Sénat, Gérard Longuet a ainsi eu un geste très commenté et très polémique. Un bras d’honneur à la fin d’une émission, en plein générique, micro fermé. Un geste en réponse à une demande de l’Algérie qui réclamait alors, le 20 octobre 2013, la reconnaissance par la France des crimes du colonialisme. Un geste que Gérard Longuet explique et assume : « Parce que je suis contre la repentance. Je suis contre la repentance, parce qu’elle consiste à réécrire l’Histoire en méconnaissant les raisons pour laquelle nos prédécesseurs ont commis telle ou telle orientation. La colonisation, c’est une aventure républicaine, pour l’essentiel, à partir de la IIIe République, pourrie de bons sentiments. Pourrie tout court. Les deux à la fois. Mais la repentance, c’est mettre tout le monde dans le sac des coupables. Et tout le monde n’a pas à être dans le sac des coupables. »
Ce rapport à la colonisation, à l’Algérie, explique d’ailleurs les premières années de militantisme de Gérard Longuet, dans le mouvement Occident. Comme d’autres à droite, Alain Madelin, Hervé Novelli, Claude Goasguen ou Patrick Devedjian, l’ancien ministre a d’abord commencé à l’extrême droite. L’anti-communisme est la deuxième raison de cet engagement, qui n’a finalement pas duré. Car ce qui résume le mieux son engagement politique tout au long de sa vie, c’est surtout le libéralisme. « Je suis devenu libéral en général sur tous les aspects de la société, parce que je veux une France forte. Je suis très attaché à mon pays et je pense qu’elle n’est pas forte, parce qu’elle est dirigée par une main de fer, mais parce qu’on fait confiance aux Français. »
Le goût de la provocation
Gérard Longuet a aussi le goût de la provocation verbale. Ainsi, lorsqu’il dit des Français « qu’ils ont un poil dans la main » ou encore lorsqu’il défend ceux qui fuient le fisc alors qu’il était interrogé sur les « Paradise Papers ». Des exagérations ? Pas toujours : l’ancien président du groupe UMP constate, par exemple, qu’il a été rejoint par Emmanuel Macron qui avait déclaré que l’on pouvait trouver du travail « en traversant la rue ». Il rappelle aussi qu’aujourd’hui « 10% des Français payent 60% de l’impôt sur le revenu ». Si ses expressions ont pu choquer, là encore, Gérard Longuet assume : « La langue de bois tue ce pays. A force de parler de techniciens de surface plutôt que de balayeurs, d’incivilités plutôt que de délinquance… Moi je suis pour la vérité du langage. »
15 ans sous l’ombre des affaires judiciaires
Financement du Parti républicain, travaux de sa villa à St Tropez… La vie politique de Gérard Longuet a aussi été marquée par plusieurs affaires judiciaires. Au final, 5 relaxes, un non-lieu et un souvenir douloureux. En 1994, Gérard Longuet démissionne du ministère de l’Industrie pour assurer sa défense. Il ne retrouvera pas de maroquin avant de longues années. « Il y a eu 15 ans où j’ai eu l’obligation d’être modeste et discret parce que j’avais besoin que toutes les affaires soient réglées. Les plus importantes ont mis 5 ans et le non-lieu, qui était légitime dès le départ a mis 15 ans. Et j’ai été modeste car j’estime en effet que quand on a des comptes à rendre, il faut d’abord que ces comptes soient apurés. » Et l’élu de déplorer la lenteur de la justice française : « J’ai eu un non-lieu en 2010 pour des affaires qui remontaient à 1984. C’est-à-dire 26 ans avant. La France est assez systématiquement condamnée à la Cour européenne des droits de l’homme pour la durée de ses procédures. Parce que les procédures longues vous excluent de la vie publique. »
Gérard Longuet décide aujourd’hui de raccrocher les gants. Sa vie politique est longue et assumée, avec des hauts et des bas, des montagnes russes qui le rendent aujourd’hui très philosophe. « Quand on vieillit et qu’on n’est pas philosophe, ça devient pénible » confie finalement dans un sourire celui qui n’a qu’un seul regret : « Je regrette surtout d’avoir 77 ans. Le sablier est largement renversé. Je ne suis pas à plaindre. J’ai à peu près la capacité à lire, à écrire, à penser à marcher. Je ne verrai pas la fin de l’histoire, mais personne ne voit la fin de l’histoire”.