Ils quittent le Sénat : Pierre Laurent, le discret militant communiste

Pierre Laurent est du genre réservé. Aussi bien au Sénat qu’au Parti communiste, ce Parisien de naissance a pourtant occupé les plus hautes fonctions : vice-président du Sénat, secrétaire national du PCF.. Après onze ans à la Chambre haute, il s’apprête à rendre les clés, côté parti en revanche, il ne rendra jamais sa carte.
Matias Arraez

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Mais qui est Pierre Laurent ? À 53 ans, et malgré une ascension progressive au siège de la Place Colonel Fabien, il n’est pas simple de passer derrière Marie-Georges Buffet à la tête du Parti Communiste. Le soir de son élection en juin 2010, face à la presse, le nouveau secrétaire national s’excuse presque.

« Je viens d’être élu, j’ai mené une campagne électorale dans la région Île-de-France et bien on va apprendre à me connaître, voilà ! C’est aussi simple que ça. Avant d’être connu, on ne l’est pas. Donc ça va se faire progressivement et puis tout ça va se faire, ne vous inquiétez pas ! »

A posteriori, Pierre Laurent analyse cette déclaration : « Je savais que la communication serait un sujet délicat au cours de mon mandat, que la question de la notoriété resterait », explique-t-il. « J’ai cherché à mettre au contraire en avant, une autre manière de faire de la politique. Je pense que cela s’est vu. »

 

Communiste de père en fils

Et si à l’époque, le natif de Paris doit encore se présenter face aux journalistes, c’est que quelques mois plus tôt, il n’était encore « que » directeur du journal L’Humanité. Un quotidien intimement lié au communisme et dans lequel il arrive un peu par hasard. « Je suis entré au journal sans savoir si j’allais en faire mon métier. J’étudiais l’économie, et à ce moment l’Humanité cherchait quelqu’un pour traiter de ces questions. Peu à peu, le journalisme est devenu mon métier et une passion. J’ai passé 25 années formidables à l’Huma. »

Il faut dire que chez les Laurent, le communisme est une histoire de famille. Paul, le père, adhère au PCF en 1945 et a occupé toute sa vie des fonctions au sein de l’appareil, jusqu’à devenir le numéro 2, derrière Georges Marchais. Après avoir été biberonné aux théories marxistes, le jeune Pierre s’engage dès l’âge de 15 ans aux jeunesses communistes. Une carrière au sein des arcanes du parti, où il franchit les étapes les unes après les autres. « Je n’ai jamais eu la crainte de prendre des responsabilités, assure celui qui reste sénateur jusqu’au 1er octobre. A l’époque, on vous proposait de prendre une responsabilité mais vous ne leviez pas le doigt, ça n’existait pas ça. »

Le passage au XXIème siècle marque un accélérateur dans l’ascension du Parisien. Membre du conseil national du PCF en 2000, coordinateur chargé de la direction collégiale en 2009, puis accession à la plus haute marche l’année suivante finiront de ponctuer un parcours sans faute.

 

« Ne pas avoir de mandat était problématique »

À la tête du plus vieux parti de France, Pierre Laurent soutient des décisions fortes, comme celle de se rallier à la candidature de Jean-Luc Mélenchon à l’élection présidentielle de 2012. Une prise de position qui, selon l’intéressé, permet aujourd’hui au chef de file des Insoumis d’avoir son aura : « C’est certain que le jour où on a décidé de soutenir Jean-Luc, nous avons contribué à son émergence dans la vie politique nationale. A l’époque, on le faisait dans une logique de création d’une nouvelle coalition qui s’appelait le Front de Gauche. Pour moi, cette construction devait être par définition, une coalition pluraliste. Il n’a jamais été question de faire une seule formation politique dirigée par Jean-Luc Mélenchon ou qui que ce soit d’autre d’ailleurs. »

Cette année-là, François Hollande, tenant d’une autre gauche, l’emporte sur la ligne d’arrivée. Pour autant l’union ne se fait pas. « Il y a eu à l’époque une discussion mais elle a été très courte en vérité, admet Pierre Laurent. Nous avions trop de désaccords sur le cap politique à suivre pour qu’on réussisse à gouverner ensemble. »

En septembre de la même année, à 55 ans, celui qui n’avait eu jusque-là qu’un mandat de conseiller régional, devient sénateur de Paris en lieu et place de Nicole Borvo Cohen-Seat. Plus qu’une envie, une nécessité pour le secrétaire national du PCF : « Avec mes responsabilités politiques, je considérais que ne pas avoir de mandat d’élu, était problématique. Je suis arrivé au Sénat, avec mon expérience à la Région, c’était la poursuite de mon mandat local.

Au Palais du Luxembourg, Pierre Laurent mène beaucoup de combats pour la mémoire. Comme par exemple plusieurs propositions de loi visant à réhabiliter la Commune et les Communards : « En tant que communiste parisien, j’ai une sensibilité particulière pour ces événements. Je vis très près du cimetière du Père Lachaise et du Mur des Fédérés où plusieurs dizaines de Communards ont été fusillées. »

La question internationale préoccupe également le sénateur parisien. Reconnaissance d’un État palestinien, positionnement de la France vis-à-vis de l’embargo américain à Cuba ou encore agir pour la réconciliation en Irlande du Nord, autant d’engagements pour des causes qui lui sont chères. « Le communisme, c’est le projet de réaliser l’humanité pleine et entière », explique Pierre Laurent avec les yeux qui brillent. « C’est-à-dire une planète, où les humains à égalité, peuvent vivre leur émancipation. Quand on est communiste, pour moi, on est internationaliste par nature. »

 

Remettre le Parlement au cœur d’une coalition de gauche

Des luttes pour lesquelles les élus communistes n’obtiennent que trop peu souvent des avancées. Pas de quoi décourager l’ancien secrétaire national : « La qualité de notre groupe est de savoir se faire respecter. Nous sommes certes peu nombreux, mais nous menons un travail de qualité et nous sommes présents sur tous les sujets. Puis parfois, nous arrivons à force de convictions à remporter de belles batailles. »

À la suite du quinquennat Hollande marqué par les divisions à gauche, et l’élection d’Emmanuel Macron, Pierre Laurent perd la confiance des siens au parti et doit céder sa place à Fabien Roussel fin 2018. Les militants lui reprochent notamment de s’être de nouveau rangé derrière Jean-Luc Mélenchon.

En 2022, c’est pourtant bien dans le sillage du leader de la France Insoumise que naît la NUPES, et que les sympathisants de gauche voient l’espoir de l’union. Une union qui devrait de fait, se faire au Parlement pour le futur ex-sénateur : « Une coalition de gauche doit mettre au cœur de son projet, les élections parlementaires, estime Pierre Laurent. C’est ici qu’on construit des majorités. L’élection présidentielle pervertit cette construction. »

Mais 2027 lui paraît si loin. Son prochain rendez-vous au Sénat sera pour rendre son dernier mandat. Après ? Le communiste parisien prendra le large pour retrouver sa Bourgogne familiale – même s’il est assuré qu’une TGV ne passe pas bien loin. Là-bas, il trouvera à s’occuper, sans aucun doute. Mais sa certitude, c’est qu’il s’engagera dans la section communiste locale.

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