Patrick Stefanini, représentant spécial du ministre de l’Intérieur, avait assuré à publicsenat.fr que le Comité Interministériel de contrôle de l’immigration ne porterait pas spécifiquement sur l’Algérie. On ne pouvait pas tomber plus à côté, puisque la grande majorité de la conférence de presse qui a suivi la réunion du Comité a porté sur la politique migratoire entre la France et l’Algérie. Deux pays qui entretiennent des relations exécrables depuis maintenant plusieurs mois.
« Au bout du chemin ce sont ces accords qui seront remis en cause »
L’accord franco-algérien de 1968 est dans le collimateur du ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau. Un récent rapport du Sénat proposait de le renégocier, à défaut de le dénoncer. Une voie que le Premier ministre a décidé de suivre. « La France va demander au gouvernement algérien que soit réexaminé la totalité des accords et la manière dont ils sont exécutés », a annoncé François Bayrou évoquant une période de 4 à 6 mois. « Pendant ce temps va être présenté au gouvernement algérien une liste d’urgence de personnes qui doivent retourner dans leur pays », a-t-il poursuivi. En cas de refus de l’Algérie, « le gouvernement français considérerait que les avantages particuliers qui sont consentis au terme de ces accords devraient être remis en cause ». S’il n’y avait pas de réponse, au bout du chemin, ça serait la dénonciation des accords qui serait la seule issue possible; ce n’est pas celle que nous souhaitons », a-t-il mis en garde.
« Ne pas faire de l’escalade et de la surenchère »
Il précise, toutefois, ne pas souhaiter « faire de l’escalade et de la surenchère ». « Mais il est de la responsabilité du gouvernement français de dire que les refus de réadmission sont une atteinte directe aux accords que nous avons avec les autorités algériennes ». François Bayrou a rappelé que le « drame de Mulhouse » aurait pu être évité si l’Algérie avait accepté la réadmission d’un de ses ressortissants. L’auteur de l’attaque au couteau qui a coûté la vie à une personne, est un Algérien sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Mais l’Algérie a « refusé 14 fois » de le reprendre sur son territoire, a répété plusieurs fois, le Premier ministre.
Les avantages de cet accord pour les Algériens font débat
Par cette annonce, le Premier ministre suit les recommandations d’une mission d’information du Sénat, pilotée par la majorité de droite et du centre. Le rapport de Muriel Jourda (LR et Olivier Bitz (centriste) avait conclu que l’accord de 1968 constituait « un régime très favorable de circulation et de séjour » aux Algériens. « Il ne connaît plus de justification évidente tandis qu’il ne s’accompagne aucunement d’un surcroît de coopération en matière de lutte contre l’immigration irrégulière », relevaient les auteurs. C’est pourquoi ils préconisaient une renégociation « afin d’aboutir à des mesures équilibrées pour les deux parties ». A défaut « sa dénonciation devra être mise en œuvre ».
Toutefois, l’avantage supposé que cet accord conférerait aux ressortissants algériens fait débat. Au Sénat, la sénatrice PS Corinne Narassiguin avait fait le choix de quitter la mission d’information rappelant « que les auditions d’experts menées durant de nombreux mois n’ont pas mis en évidence de façon claire et unanime la nécessité de dénoncer cet accord ».
Interrogé par publicsenat.fr sur ce point lundi, Serge Slama, professeur de droit public à l’Université Grenoble-Alpes, indiquait que « mis à part des conditions plus avantageuses d’installation au titre du regroupement familial », l’accord franco-algérien « n’avait aucune incidence sur les entrées et l’exécution des mesures d’éloignement ».
Un débat au Sénat prévu le 4 mars prochain sur cet accord franco-algérien mettra une fois de plus en lumière ces antagonismes.
Enfin, François Bayrou a également annoncé avoir demandé un « audit interministériel » sur la « politique de délivrance des visas » par la France aux inspections générales de la police et des Affaires étrangères.