Immigration : devant les sénateurs, Bruno Retailleau annonce une rallonge budgétaire sans convaincre la gauche

Auditionné par la commission des lois du Sénat sur son budget pour 2025, Bruno Retailleau a annoncé un amendement du gouvernement visant à augmenter notamment la mission immigration, asile et intégration. Le ministre mise néanmoins toujours sur la réduction des procédures d’asile « et sur une politique volontariste » en matière migratoire pour tenir son budget, sans convaincre les élus de gauche.
Simon Barbarit

Temps de lecture :

6 min

Publié le

Mis à jour le

De retour à la Haute assemblée, c’est en tant que ministre de l’Intérieur que Bruno Retailleau a présenté pour la première fois son budget. Pour l’année 2025, le budget du ministère de l’Intérieur « est préservé » malgré les coupes budgétaires. Avec 24,1 milliards d’euros, dont 15,06 milliards au titre des dépenses de personnels et 9,5 milliards au titre des dépenses de fonctionnement et d’investissement, « ce budget respecte la trajectoire financière prévue dans le cadre de la Lopmi (loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur), a-t-il indiqué.

Le budget du ministère est en augmentation de 750 millions d’euros par rapport au dernier exercice, fléchés vers la masse salariale notamment pour respecter les protocoles pris dans la police et la gendarmerie et pour les dépenses de fonctionnement et d’investissement, sans oublier « un amendement budgétaire qui augmentera de 125 millions d’euros en crédits de paiement et de 150 millions les autorisations d’engagement », fléchés en partie vers la mission immigration, asile intégration.

Dans le projet de loi de finances initial, la mission connaît « une diminution de 35 millions d’autorisations d’engagement et une diminution de 110 millions des crédits de paiement », a souligné Olivier Bitz, sénateur centriste et rapporteur de la mission. L’élu rappelle que les dépenses engagées par l’État et la Sécurité sociale pour la protection temporaire des Ukrainiens, soit 300 millions d’euros, sont, contrairement aux années précédentes, intégrées à la mission. Le sénateur note, également, un effort de 71 millions d’euros sur l’hébergement des demandeurs d’asile, « 6 500 places ne seraient plus financées ». « Je m’interroge sur la soutenabilité », a-t-il questionné rappelant qu’il y avait une prévision de 5 % de demandeurs d’asile en plus en 2025.

« C’est moins une question de disponibilité des crédits budgétaire que la lourdeur des procédures »

« L’amendement du gouvernement correspond à 56 millions d’euros en autorisation d’engagement et 34 millions en crédits de paiement », a précisé le ministre qui reconnaît « que c’est un budget difficile ». Bruno Retailleau ajoute qu’il compte miser sur « la décroissance du nombre d’Ukrainiens accueillis ». « Nous accueillions 96 000 Ukrainiens en 2022 et nous estimons que ce nombre tombera en dessous de 40 000 en 2025 ».

Comme il l’avait déjà expliqué le mois dernier, le ministre table sur la simplification des procédures dans les traitements des demandes d’asile, votée dans la dernière loi Immigration, pour faire des économies. Selon lui, le renforcement de l’Ofpra avec 29 postes supplémentaires devrait entraîner une réduction de la durée des procédures et donc une baisse de l’allocation pour demandeurs d’Asile (ADA). Le ministre a indiqué vouloir tenir l’engagement de son prédécesseur, Gérald Darmanin de doubler le nombre de places dans les centres de rétention administrative, les portant à 3 000 en 2027. « C’est moins une question de disponibilité des crédits budgétaire que la lourdeur des procédures […] le problème, ce sont les personnels car ce ne sont pas des postes attractifs », a-t-il estimé.

Le sénateur écologiste, Guy Benarroche a jugé « paradoxale » la baisse des crédits fléchés vers les cours des français alors que la nouvelle loi conditionne la délivrance d’un titre de séjour à un examen de français. La socialiste, Corinne Narassiguin, a, elle, jugé « très optimiste » l’objectif de 3 000 places en comptant « uniquement sur la simplification des procédures ». « Surtout, qu’on a un problème d’exécution des OQTF ». « Il y a une baisse de 11,6 % des frais d’éloignement. Donc, on va avoir plus de gens en CRA et moins de moyens pour les éloigner », a-t-elle mis en avant.

« On va mobiliser Frontex », a répondu le ministre. « Je ne vois pas pourquoi d’autres pays utilisent les moyens européens et que nous, nous ne sommes pas demandeurs. Ça va changer », a-t-il promis avant d’ajouter : « Si on a un objectif de diminution des crédits c’est parce qu’on veut être beaucoup plus volontariste sur la politique migratoire ».

Marie-Pierre de la Gontrie (PS) ne « comprend pas », quant à elle comment concilier l’objectif d’allongement de la durée de rétention pouvant aller jusqu’à 210 jours avec les crédits de la mission immigration, asile, intégration en diminution.

« On ne fera pas 210 jours pour tout le monde » a répondu le ministre, précisant qu’il s’agissait d’appliquer cette durée aux profils le plus dangereux.

« Nous sommes dépassés par le nombre »

« Si on veut correctement intégrer, c’est une question de nombre. Nous sommes dépassés par le nombre », a poursuivi Bruno Retailleau s’appuyant sur le dernier Le Conseil de justice et affaires intérieures (JAI) composé des ministres de la justice et de l’intérieur de tous les États membres. « Je n’ai senti et entendu aucune différence dans l’approche de l’immigration. Que ce soient des gouvernements de droite ou de gauche, la politique européenne sur l’immigration fait consensus », martèle-t-il.

Sur l’intégration, le ministre assure qu’un effort sans précédent sera fait à destination de 25 000 personnes bénéficiaires du programme AGIR (programme d’accompagnement global et individualisé des réfugiés). Interrogé par Marie-Pierre de la Gontrie sur la circulaire Valls, Bruno Retailleau confirme son souhait de la remplacer « car le champ d’application de la loi et les modalités de contrôle sont différents ». La dernière loi prévoit les régularisations par le travail dans les métiers en tension sous réserve de respecter certaines conditions, (casier judiciaire vierge, preuve de la réalité du travail…). La liste des métiers en tension sera révélée dans quelques semaines après la fin des concertations dans les régions.

Enfin, concernant les impayés de loyers de la part de la gendarmerie nationale dénoncés par certaines communes il y a un mois, le ministre a reconnu un « énorme problème » structurel. Il a demandé au nouveau directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN), Hubert Bonneau de mener des concertations « pour trouver des solutions innovantes ». La loi de fin de gestion pour 2024 réglera « les 200 à 300 millions d’euros » de loyers impayés de la gendarmerie en décembre.

 

 

Pour aller plus loin

Dans la même thématique

Immigration : devant les sénateurs, Bruno Retailleau annonce une rallonge budgétaire sans convaincre la gauche
5min

Politique

Projet de loi de refondation pour Mayotte : « Pas d’obsession particulière » sur l’immigration assure Manuel Valls

Après une loi d’urgence pour adoptée en février, le Sénat s’apprête à examiner le projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte qui prévoit 3,2 milliards d’euros pour des investissements jugés « prioritaires », et ce, sur la période 2025-2031. Un texte qui comporte plusieurs mesures sur l’immigration, mais pas la levée des titres de séjour territorialisés, comme le demandent les élus locaux. Une proposition de loi en ce sens a été déposée au Sénat.

Le

Paris: French President Emmanuel Macron during an interview on TV chanel TF1
14min

Politique

Emmanuel Macron sur TF1 : référendum, Gaza, fin de vie… On vous résume les trois heures d’émission

Dans le cadre de l’émission spéciale « Emmanuel Macron - Les défis de la France », le président de la République a répondu, pendant trois heures, à plusieurs personnalités sur l’actualité nationale et internationale, sur TF1. Il s’est prononcé pour la tenue d’« une consultation multiple, c’est-à-dire plusieurs référendums, dans les mois qui viennent », sur des sujets qui restent à déterminer. Sur la situation à Gaza, il a estimé que « ce que fait aujourd’hui le gouvernement de Benyamin Netanyahou est inacceptable ».

Le

NMR
8min

Politique

Nicolas Mayer-Rossignol et ses amis promettent de « changer radicalement le PS »

A deux semaines du vote des militants, le maire de Rouen, Nicolas Mayer-Rossignol, qui ambitionne de détrôner Olivier Faure de la tête du PS, a présenté avec sa « dream team » les « 100 premier jours » de son action, s’il remporte le congrès du parti. Avec une ambition : ne pas être « une gauche fantasmée », explique François Kalfon, mais plutôt « une gauche qui veut traiter les problèmes du réel ».

Le

Ukraine Kiev Western Leaders summit
4min

Politique

Emmanuel Macron sur TF1 : 83% des Français souhaitent entendre le chef de l'Etat sur la dette et les finances publiques

Ce mardi, TF1 Info publie un sondage réalisé par l’Ifop, sur les attentes des Français avant le grand rendez-vous donné par Emmanuel Macron ce soir. Si tous les regards sont tournés vers un potentiel référendum, les sondés s’intéressent en particulier à l’état des finances publiques, de l’insécurité en France, ou encore de la situation des services publics.

Le