De retour à la Haute assemblée, c’est en tant que ministre de l’Intérieur que Bruno Retailleau a présenté pour la première fois son budget. Pour l’année 2025, le budget du ministère de l’Intérieur « est préservé » malgré les coupes budgétaires. Avec 24,1 milliards d’euros, dont 15,06 milliards au titre des dépenses de personnels et 9,5 milliards au titre des dépenses de fonctionnement et d’investissement, « ce budget respecte la trajectoire financière prévue dans le cadre de la Lopmi (loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur), a-t-il indiqué.
Le budget du ministère est en augmentation de 750 millions d’euros par rapport au dernier exercice, fléchés vers la masse salariale notamment pour respecter les protocoles pris dans la police et la gendarmerie et pour les dépenses de fonctionnement et d’investissement, sans oublier « un amendement budgétaire qui augmentera de 125 millions d’euros en crédits de paiement et de 150 millions les autorisations d’engagement », fléchés en partie vers la mission immigration, asile intégration.
Dans le projet de loi de finances initial, la mission connaît « une diminution de 35 millions d’autorisations d’engagement et une diminution de 110 millions des crédits de paiement », a souligné Olivier Bitz, sénateur centriste et rapporteur de la mission. L’élu rappelle que les dépenses engagées par l’État et la Sécurité sociale pour la protection temporaire des Ukrainiens, soit 300 millions d’euros, sont, contrairement aux années précédentes, intégrées à la mission. Le sénateur note, également, un effort de 71 millions d’euros sur l’hébergement des demandeurs d’asile, « 6 500 places ne seraient plus financées ». « Je m’interroge sur la soutenabilité », a-t-il questionné rappelant qu’il y avait une prévision de 5 % de demandeurs d’asile en plus en 2025.
« C’est moins une question de disponibilité des crédits budgétaire que la lourdeur des procédures »
« L’amendement du gouvernement correspond à 56 millions d’euros en autorisation d’engagement et 34 millions en crédits de paiement », a précisé le ministre qui reconnaît « que c’est un budget difficile ». Bruno Retailleau ajoute qu’il compte miser sur « la décroissance du nombre d’Ukrainiens accueillis ». « Nous accueillions 96 000 Ukrainiens en 2022 et nous estimons que ce nombre tombera en dessous de 40 000 en 2025 ».
Comme il l’avait déjà expliqué le mois dernier, le ministre table sur la simplification des procédures dans les traitements des demandes d’asile, votée dans la dernière loi Immigration, pour faire des économies. Selon lui, le renforcement de l’Ofpra avec 29 postes supplémentaires devrait entraîner une réduction de la durée des procédures et donc une baisse de l’allocation pour demandeurs d’Asile (ADA). Le ministre a indiqué vouloir tenir l’engagement de son prédécesseur, Gérald Darmanin de doubler le nombre de places dans les centres de rétention administrative, les portant à 3 000 en 2027. « C’est moins une question de disponibilité des crédits budgétaire que la lourdeur des procédures […] le problème, ce sont les personnels car ce ne sont pas des postes attractifs », a-t-il estimé.
Le sénateur écologiste, Guy Benarroche a jugé « paradoxale » la baisse des crédits fléchés vers les cours des français alors que la nouvelle loi conditionne la délivrance d’un titre de séjour à un examen de français. La socialiste, Corinne Narassiguin, a, elle, jugé « très optimiste » l’objectif de 3 000 places en comptant « uniquement sur la simplification des procédures ». « Surtout, qu’on a un problème d’exécution des OQTF ». « Il y a une baisse de 11,6 % des frais d’éloignement. Donc, on va avoir plus de gens en CRA et moins de moyens pour les éloigner », a-t-elle mis en avant.
« On va mobiliser Frontex », a répondu le ministre. « Je ne vois pas pourquoi d’autres pays utilisent les moyens européens et que nous, nous ne sommes pas demandeurs. Ça va changer », a-t-il promis avant d’ajouter : « Si on a un objectif de diminution des crédits c’est parce qu’on veut être beaucoup plus volontariste sur la politique migratoire ».
Marie-Pierre de la Gontrie (PS) ne « comprend pas », quant à elle comment concilier l’objectif d’allongement de la durée de rétention pouvant aller jusqu’à 210 jours avec les crédits de la mission immigration, asile, intégration en diminution.
« On ne fera pas 210 jours pour tout le monde » a répondu le ministre, précisant qu’il s’agissait d’appliquer cette durée aux profils le plus dangereux.
« Nous sommes dépassés par le nombre »
« Si on veut correctement intégrer, c’est une question de nombre. Nous sommes dépassés par le nombre », a poursuivi Bruno Retailleau s’appuyant sur le dernier Le Conseil de justice et affaires intérieures (JAI) composé des ministres de la justice et de l’intérieur de tous les États membres. « Je n’ai senti et entendu aucune différence dans l’approche de l’immigration. Que ce soient des gouvernements de droite ou de gauche, la politique européenne sur l’immigration fait consensus », martèle-t-il.
Sur l’intégration, le ministre assure qu’un effort sans précédent sera fait à destination de 25 000 personnes bénéficiaires du programme AGIR (programme d’accompagnement global et individualisé des réfugiés). Interrogé par Marie-Pierre de la Gontrie sur la circulaire Valls, Bruno Retailleau confirme son souhait de la remplacer « car le champ d’application de la loi et les modalités de contrôle sont différents ». La dernière loi prévoit les régularisations par le travail dans les métiers en tension sous réserve de respecter certaines conditions, (casier judiciaire vierge, preuve de la réalité du travail…). La liste des métiers en tension sera révélée dans quelques semaines après la fin des concertations dans les régions.
Enfin, concernant les impayés de loyers de la part de la gendarmerie nationale dénoncés par certaines communes il y a un mois, le ministre a reconnu un « énorme problème » structurel. Il a demandé au nouveau directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN), Hubert Bonneau de mener des concertations « pour trouver des solutions innovantes ». La loi de fin de gestion pour 2024 réglera « les 200 à 300 millions d’euros » de loyers impayés de la gendarmerie en décembre.