Le Senat, Paris.
Le Senat qui compte 348 senateurs, Paris.//URMAN_17080006/2201061714/Credit:LIONEL URMAN/SIPA/2201061725

Immigration : Emmanuel Macron confirme qu’il n’y aura qu’un seul texte, mais la majorité sénatoriale reste divisée

Emmanuel Macron a confirmé qu’un texte immigration serait bien examiné au Parlement d’un seul bloc. Reste à savoir si la loi sera celle qui a déjà été examinée en commission au Sénat, dont le parcours législatif était jusqu’à présent resté en suspens. Dans tous les cas, le passage au Parlement s’annonce mouvementé pour un texte critiqué à droite comme à gauche, et qui divise jusque dans la majorité sénatoriale.
Louis Mollier-Sabet

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

Le déclenchement du 49-3 sur la réforme des retraites le 16 mars dernier a eu de nombreuses conséquences dans l’opinion et sur la vie parlementaire, dont on n’a probablement pas encore mesuré toute l’ampleur. Le texte sur l’immigration, qui avait déjà été voté en commission le 15 mars au Sénat, avait d’abord semblé être l’une des victimes collatérales de la déflagration politique à l’Assemblée. Le 22 mars dernier, Emmanuel Macron avait en effet confirmé le report du projet de loi qui devait démarrer fin mars au Sénat, et annoncé à la place « plusieurs textes immigration », provoquant une levée de boucliers de l’ensemble des groupes politiques du Sénat.

Gérard Larcher avait réagi la semaine dernière en confiant à l’Opinion que s’il aimait le saucisson, c’était « la pièce entière », et qu’il en allait de même pour le projet de loi immigration. Rebelotte dans Le Parisien samedi : « Il y a deux semaines, j’étais opposé à ce que nous engagions ce nécessaire débat dans la foulée de la loi sur les retraites. Il fallait une période d’apaisement. J’ai dit au président et à la Première ministre qu’il n’était pas question d’avoir une loi à la découpe. »

  Je veux une loi efficace et juste, en un seul texte tenant cet équilibre  

Emmanuel Macron aux lecteurs du Parisien, le 23 avril

« Je veux une loi efficace et juste, en un seul texte tenant cet équilibre », répond le Président de la République dans Le Parisien ce dimanche. Sur la forme et le  véhicule législatif, la droite sénatoriale semble avoir été entendue. Un prérequis sur ce texte, examiné d’abord au Sénat avant d’aller à l’Assemblée, et qui était censé être un signal positif pour la droite dans un contexte parlementaire complexe. Pour le moment, l’opération semble loin d’être une franche réussite. Sur le fond, « l’équilibre » prôné par Emmanuel Macron fait craindre « un appel d’air » à la droite sénatoriale,  tandis que la gauche dénonce, comme le sénateur écologiste Guy Benarroche, « un texte de répression des personnes en situation irrégulière […] pour des motifs électoraux », porté par le gouvernement et la droite sénatoriale.

Centristes et LR sont divisés au Sénat

Même au sein de la majorité sénatoriale, le texte divise LR et centristes. Lors des débats en commission, les différentes composantes de la majorité sénatoriale n’ont pas réussi à se mettre définitivement d’accord, sur les « titres de séjour métiers en tension », notamment. Les LR avaient prévu de défendre des amendements de suppression de l’article 3 qui porte sur la création d’un titre de séjour pour les travailleurs sans-papiers dans les « métiers en tension » et de l’article 4 qui vise à permettre aux demandeurs d’asile de travailler dès le dépôt de leur demande de régularisation auprès de l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides). Les centristes estiment, quant à eux, que le dispositif proposé par le gouvernement tient compte d’une réalité économique difficilement contestable. Et qu’il faut donc amender cette mesure pour qu’elle n’alimente pas une trappe à bas salaires, qui perpétuerait une situation où les métiers mal payés sont exercés quasi exclusivement par des étrangers.

  Avoir des débats apaisés dans un contexte aussi clivant me semble délicat. Au Sénat, il va falloir trouver des solutions internes à la majorité sénatoriale et ne pas aller sur des amendements qui sont clairement inconstitutionnels  

Philippe Bonnecarrère, rapporteur centriste du projet de loi à publicsenat.fr

« Avoir des débats apaisés dans un contexte aussi clivant me semble délicat. Au Sénat, il y aura deux obstacles à surmonter : trouver des solutions internes à la majorité sénatoriale sur les articles 3 et 4, et ne pas aller sur des amendements qui sont clairement inconstitutionnels », expliquait la semaine dernière le co-rapporteur centriste du texte, Philippe Bonnecarrère à publicsenat.fr. Une référence aux exigences formulées par le président de LR, Éric Ciotti à l’AFP, sur « la révision du code de la nationalité, droit d’asile uniquement à la frontière, ou encore la mise en place de quotas « y compris pour les demandeurs d’asile ». Cette dernière mesure a été clairement écartée par la commission des lois du Sénat. « Les quotas pour les demandeurs d’asile, c’est inconstitutionnel », rappelait François-Noël Buffet, président LR de la commission des Lois au Sénat.

Le passage du texte au Sénat sera donc ardu, et tout laisse à penser que ce sera pire à l’Assemblée nationale, où la majorité présidentielle se retrouvera encore plus isolée entre une droite plus dure et le Rassemblement national d’un côté, et une gauche « Nupes » encore plus difficile à convaincre sur les problématiques d’immigration. En passant par une loi de finances pour mener sa réforme des retraites, l’exécutif a « économisé » un 49-3, et le gouvernement dispose donc encore d’un « joker » avant la fin de la session parlementaire ordinaire le 30 juin prochain. « C’est un choix du Premier ministre, et le président l’accepte ou pas », a sobrement répondu Emmanuel Macron aux lecteurs du Parisien ce dimanche.

Partager cet article

Pour aller plus loin

Dans la même thématique

Capture 2
3min

Politique

Cancers : l’Union européenne n’a pas « d’excuse pour ne rien faire »

Un sommet européen sur le Cancer doit se tenir à Bruxelles du 19 au 20 novembre. Il s’agit de la deuxième cause de mortalité sur le Vieux Continent. Chaque année, 2,6 millions de nouveaux cas sont diagnostiqués. Tabac, alcool, pesticides, polluants divers, nos modes de vie et conditions de travail sont en cause. Alors, comment endiguer le fléau du cancer dans l’Union européenne ? Pourquoi sommes-nous aussi touchés ? Ici l’Europe ouvre le débat avec les eurodéputés Laurent Castillo (PPE, France) et Tilly Metz (Verts, Luxembourg). L'UE n'a pas "d'excuse pour ne rien faire", estime cette dernière.

Le

Paris : session of questions to the government at the Senate
9min

Politique

Face à un « budget cryptosocialiste », la majorité sénatoriale veut « éradiquer tous les impôts » votés par les députés

Ils vont « nettoyer » le texte, le « décaper ». Les sénateurs de droite et du centre attendent de pied ferme le budget 2026 et le budget de la Sécu. Après avoir eu le sentiment d’être mis à l’écart des discussions, ils entendent prendre leur revanche, ou du moins défendre leur version du budget : plus d’économies et faire table rase des impôts votés par les députés.

Le

Marseille: Amine Kessaci candidate
4min

Politique

Assassinat du frère d’Amine Kessaci : le militant écologiste engagé contre le narcotrafic était « sous protection policière et exfiltré de Marseille depuis un mois »

Le petit frère d’Amine Kessaci, jeune militant écologiste marseillais, connu pour son combat contre le narcotrafic, a été tué par balles jeudi soir à Marseille. L’hypothèse d’un assassinat d’avertissement est privilégiée et pourrait faire basculer la France un peu plus vers ce qui définit les narco Etats. C’est ce que craignaient les sénateurs de la commission d’enquête sur le narcotrafic. Le sénateur écologiste de Marseille Guy Benarroche, proche d’Amine Kessaci a pu s’entretenir avec lui, ce matin.

Le