Invités à débattre du budget 2025 sur Parlement hebdo, le rapporteur LR de la commission des finances du Sénat, Jean-François Husson, et le député PS Arthur Delaporte, s’opposent sur le sujet. « Il faudra bien faire des efforts », défend le sénateur LR, quand le socialiste dénonce « un effort incommensurable ».
Immigration : faut-il le retour d’un ministère dédié ?
Par Simon Barbarit
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Cela avait été l’un des éléments de « la rupture » promise par Nicolas Sarkozy. Son élection à la présidence de la République avait été accompagnée par la création d’un ministère de l’immigration, plus exactement, d’un « ministère de l’immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du développement solidaire. « Sa création a fusionné des administrations au sein Beauvau qui jusque-là étaient réparties entre différents ministères. Si maintenant le nouveau Premier ministre souhaite sortir l’immigration des compétences du ministère de l’Intérieur et en faire un ministère à part, ce peut être intéressant. Mais le diable est dans les détails. L’intitulé du précédent avait une symbolique terrible. On affirmait par-là que l’immigration était un problème pour l’identité nationale », rappelle Patrick Weil, historien, directeur de recherche au CNRS.
Lundi soir, une information de franceinfo évoquant la piste de la création d’un ministère de l’immigration nous a remémoré les belles heures de la sarkozie. Durant la campagne de 2007, le candidat UMP avait fait de l’immigration « sa priorité » et avait annoncé la création d’un ministère dédié et d’une loi votée au plus vite pour limiter le regroupement familial. Il aura eu une durée de vie de trois ans (2007-2010), sous l’autorité de Brice Hortefeux puis de l’ancien socialiste Éric Besson.
« La création d’un ministère de l’immigration n’aurait pour but que de l’affichage politique »
A peine nommé à Matignon, Michel Barnier, qui défendait un moratoire sur l’immigration et un durcissement des critères du regroupement familial lors de la dernière primaire interne des LR, a lui aussi fait de la « maîtrise des flux migratoires » sa priorité. Rien d’extraordinaire alors à ce qu’il envisage la résurrection du ministère de l’immigration. Son cabinet a néanmoins rapidement démenti. Ses services ont fait valoir à l’AFP que le Premier ministre « se méfiait des effets d’annonce » souhaitant « traiter avec sérieux le sujet de l’immigration « Sur la méthode, comme sur les contours de cette politique très importante pour les Français, il réfléchit aux moyens les plus efficaces pour obtenir des résultats », a-t-on précisé.
« La création d’un ministère de l’immigration n’aurait pour but que de l’affichage politique car en ce qui concerne les structures administratives de prise en charge de l’immigration, ça n’aurait aucun effet », tranche Didier Leschi, le directeur de l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration (OFII).
L’ancien ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux estime pour sa part « qu’il faut adresser un signal clair au trois quart des Français qui considèrent que les flux migratoires ne sont pas maitrisés. La création d’un ministère dédié peut être ce signal. Il peut s’agir également de rattacher l’immigration au ministère de l’Intérieur. J’ai connu les deux.», rappelle l’ancien ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer, des Collectivités territoriales et de l’Immigration.
En France, la question de l’immigration est donc fortement liée aux enjeux sécuritaires »
Alors quel héritage peut-on tirer de cet éphémère ministère ? « Il y a eu un impact, car auparavant, les questions de l’immigration et de l’intégration étaient réparties entre trois ministères. L’Intérieur gérait les mesures d’entrée et d’éloignement. Le ministère des affaires sociales s’occupait de l’accueil, y compris des demandeurs d’asile, et le ministère des affaires étrangères avait la charge des demandes d’asile. Ça pouvait faire sens en termes d’efficacité de regrouper ces sujets au sein d’un même ministère », résume Matthieu Tardis, codirecteur de Synergie Migration (centre de recherche sur les questions d’asile, d’immigration et d’inclusion). Il ajoute. « Mais il y a une vraie question sur l’aspect social de la mission des agents du ministère de l’Intérieur dont ce n’est pas vraiment le cœur de métier. Les cours de français pour les demandeurs d’asile sont par exemple gérés par Beauvau. En France, la question de l’immigration est donc fortement liée aux enjeux sécuritaires ».
Matthieu Tardis souligne, par ailleurs, que la création d’un ministère de l’immigration serait plus aisée qu’il y a 15 ans. « A la différence de 2007 où il avait fallu créer une administration, les politiques d’immigration, d’asile, d’intégration sont actuellement gérées par de ce qu’on pourrait qualifier de sous ministère. C’est la direction générale des étrangers en France (DGEF). Il suffirait d’autonomiser cette direction et de placer un politique à sa tête pour en faire un ministère. Ce ne serait pas le tournant qu’on a connu en 2007 ».
L’héritage du ministère de Nicolas Sarkozy
De ce ministère de l’Intégration, de l’Identité nationale et du développement solidaire, on retient la loi Hortefeux de 2007 qui avait fait polémique car elle autorisait sous certaines conditions la prise d’empreintes génétiques pour les candidats au regroupement familial. Le texte comportait également des dispositions permettant le recours aux statistiques ethniques. Elles avaient été censurées par le Conseil constitutionnel. Eric Besson avait lui lancé un débat controversé sur l’identité nationale dont il avait par la suite lui-même reconnu les limites.Brice Hortefeux défend quant à lui logiquement son bilan. « Des résultats ont été obtenus. A mon époque 192 000 titres de séjour étaient délivrés par an. Nous en sommes aujourd’hui à 323 000. Nous avions réduit les conditions d’accès à la nationalité française, par la connaissance du français notamment ».
« Le bilan de ce ministère est quand même négatif puisque depuis que l’immigration est de la compétence de Beauvau on n’arrive toujours pas à faire exécuter les OQTF (Obligation de quitter le territoire français), ni à réguler les entrées sur le territoire. L’immigration est une question qui requiert un traitement interministériel sous l’autorité de Matignon », plaide Patrick Weil.
« Mais l’interminsitérialité existe sur le plan administratif, c’est la mission des préfets au niveau local. Ce sont par exemple 14 000 logements sociaux préemptés pour la prise en charge des étrangers. Cette distinction est absurde. La question de l’immigration est fantasmée aussi bien par la droite que par la gauche. C’est une pièce de théâtre qui commence toujours pareil. Un gouvernement qui annonce un renforcement de la législation. Des réactions horrifiées dans la presse. Et le tout abouti à des mesures édulcorées. La réforme de l’administration mise en place sous Sarkozy n’a pas été remise en cause par François Hollande », s’agace Didier Leschi.
Le patron de l’OFII invite ses contemporains à sortir des ornières franco-françaises. « La caractéristique de la France est d’avoir une forte immigration légale. Le vrai débat, c’est pourquoi la France a la législation la moins sévère d’Europe. Ce n’est pas l’UE qui nous empêche de durcir les conditions du regroupement familial, nos voisins le font bien. La coalition sociale-démocrate allemande a prolongé la durée de rétention administrative et envoie des charters en Afghanistan ».
Ministère de l’immigration ou pas, la « pièce de théâtre » reprendra cet automne, le Premier ministre ayant fait de cette question sa priorité.
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