Immigration : le Sénat rejette le budget dans une ambiance électrique
Le Sénat n’a pas adopté les crédits de la mission Asile, Immigration asile et intégration du budget 2023. Lors d’une séance tendue, le rapporteur spécial pour la commission des finances, Sébastien Meurant (Reconquête) n’a pas hésité à faire le lien entre immigration et insécurité, choquant la gauche de l’hémicycle.

Immigration : le Sénat rejette le budget dans une ambiance électrique

Le Sénat n’a pas adopté les crédits de la mission Asile, Immigration asile et intégration du budget 2023. Lors d’une séance tendue, le rapporteur spécial pour la commission des finances, Sébastien Meurant (Reconquête) n’a pas hésité à faire le lien entre immigration et insécurité, choquant la gauche de l’hémicycle.
Simon Barbarit

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Sébastien Meurant est le rapporteur spécial des crédits de la mission Asile, Immigration asile et intégration du budget 2023, mais chose inhabituelle lors de l’examen du budget, il n’a pas vraiment parlé de son rapport à la tribune. S’il est toujours rattaché administrativement au groupe LR, il a rejoint Éric Zemmour, lors de la campagne présidentielle. « Vous pouvez dire que je suis sénateur Reconquête, j’assume », nous avait-il précisé le mois dernier pour un article sur son rapport justement.

« Y a-t-il encore des personnes honnêtes pour contester le lien entre insécurité et immigration ? »

Sébastien Meurant assume tellement que ses propos ont pris des accents de tribune politique lors de la discussion générale. « Ce budget n’est que le symbole de l’impuissance publique et l’absence de volonté. Il apparaîtra comme le traité de Versailles, trop dur pour ce qu’il a de doux et trop doux pour ce qu’il a de dur », a-t-il d’abord commenté sans rentrer dans les chiffres.

Il passe ensuite à la vitesse supérieure. « On apprend cette semaine par le ministère de l'Intérieur que 93 % des vols dans les transports en Ile-de-France sont le fait d’étrangers. Y a-t-il encore des personnes honnêtes pour contester le lien entre insécurité et immigration ? », lance-t-il.

Sébastien Meurant dénonce ensuite « la politique des petites phrases » du gouvernement. « En 2019, le président de la République disait vouloir exécuter 100 % des OQTF (obligation de quitter le territoire français), en 2021, ce chiffre s’élevait à 6 %. Sur les 6 premiers mois de l’année 2022, nous sommes à 6,9 %. J’ai une pensée pour la petite Lola et sa famille et tous ceux qui ont été meurtris par la faillite de l’Etat en la matière », poursuit-il.

Le sénateur cite aussi « Georges Marchais qui voulait mettre fin à l’immigration illégale et légale » avant d’inviter les sénateurs à voter contre les crédits. Ce qu’ils feront une heure plus tard mais pas tous pour les mêmes raisons.

Cette intervention a provoqué un rappel au règlement de la présidente du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, Éliane Assassi. « Nous sommes ici pour une séance sur la mission budgétaire, immigration, asile et intégration et pas pour entendre une diatribe contre les musulmans […] Je ne suis pas sûre que ce soit tout à fait le débat qui a eu lieu en commission des finances sur cette mission ».

Les échanges entre les deux élus ont continué sur ce ton tout au long de la séance. (voir la vidéo ci-dessous)

« Il y a un temps pour le discours et il y a un temps pour être rapporteur de la commission des finances »

« Nous attendons toujours un rapport sérieux de la commission des finances sur le sujet. Pour les diatribes, nous pouvons attendre le 13 décembre », pointe à son tour le sénateur socialiste, Jean-Yves Leconte, en référence au débat sur l’immigration qui se tiendra dans l’hémicycle dans 15 jours.

Un peu plus tard, la sénatrice centriste, Nathalie Goulet s’interroge également. « Je regrette que nous n’ayons pas eu le rapport de la commission des finances. Il y a un temps pour tout. Il y a un temps pour le discours et il y a un temps pour être rapporteur de la commission des finances. L’éclairage de la commission des finances nous manque. Heureusement que nous avons lu le rapport ».

Public Sénat avait aussi lu le rapport. On y apprenait que le coût global de la politique française de l’immigration s’élève à 7,1 milliards, en hausse par rapport à 2021 (6,7 milliards) et 2020 (6,4 milliards). A noter que l’ensemble de ces crédits ne figurent pas tous dans la mission. La mission comprend 2,7 milliards en autorisations d’engagement et 2 milliards en crédits de paiement, en hausse de 6 % par rapport à l’année dernière. « Il n’est pas suffisant d’augmenter un budget. Il faut examiner les résultats de l’action publique suite à cette augmentation. Sur l’immigration légale et l’intégration qui représente 27 % du budget, nous avons des délais de traitement qui sont en augmentation notoire. Ils devraient être de 90 jours, ils sont à 117 jours », a pointé la sénatrice LR, Muriel Jourda qui reconnaît que l’allongement des délais est dû à l’accueil des réfugiés ukrainiens.

L’asile représente la part la plus importante des crédits, 63 %. « 10 000 dossiers par mois, 53 % des demandeurs qui sont hébergés. Les délais de traitement sont extrêmement importants, 336 jours », déplore Muriel Jourda.

Remplaçant Gérald Darmanin en déplacement en Nouvelle Calédonie, Jean-François Carenco, ministre délégué chargé des outre-mer a logiquement défendu l’action du gouvernement rappelant le recrutement de 200 personnes à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) afin de réduire les délais d’instruction. « 170 000 décisions prononcées en 2020 et 2021 dans le délai d’instruction de 2 mois qui avait été fixé par le gouvernement. Promesse tenue ! », a-t-il assuré. Il souligne que ce sont les recours devant la justice administrative qui allonge les délais.

A gauche, le Sénat n’a pas non plus adopté le budget. Éliane Assassi ou encore le sénateur écologiste Guy Benarroche ont dénoncé la baisse de 176 millions d’euros alloués au budget de l’allocation pour demandeurs d’asile, 314 millions d’euros contre un demi-milliard en 2022.

« Oui, ça baisse d’un tiers. Mais c’est une allocation obligatoire. Chacun qui y a le droit l’a obtenu », a assuré le ministre.

Le gouvernement justifie cette baisse en s’appuyant sur la simplification des délais d’instruction et le renforcement de la lutte contre les fraudes pour l’année prochaine. « Nul ne conteste les paroles du ministre de l’intérieur en ce qui concerne l’immigration. Le problème ce sont les actes. Je suis d’accord avec mon collègue Benarroche, l’optimisme du gouvernement semble trop optimiste », a estimé Sébastien Meurant, indiquant attendre « les actes » du gouvernement dans le cadre du prochain projet de loi immigration dont l’examen est prévu en mars au Sénat.

Sébastien Meurant et Guy Benarroche ne seront à ce moment-là pas d’accord sur grand-chose.

 

 

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