Pour la première fois depuis le début de l’examen du projet de loi immigration, le Sénat a adopté un article d’essence gouvernementale. Jusqu’ici, il s’agissait d’articles ajoutés par la majorité sénatoriale de droite et du centre en commission des lois. L’article 1er prévoit que la délivrance d’une carte de séjour pluriannuelle (4 ans) est conditionnée à la connaissance d’un niveau minimal de langue française. « C’est un article important. Il vise à passer d’une obligation des moyens à une obligation de résultat. Les personnes qui prétendent à un titre de séjour long devront, non seulement prendre des cours de français, mais réussir un examen de français », a exposé Gérald Darmanin en réponse aux amendements de suppression de cet article défendus par les écologistes et les socialistes. Car en commission, la droite sénatoriale a renforcé cette condition en fixant le niveau de langue, au niveau A2.
« Ce projet de loi utilise la langue pour faire le tri entre les étrangers »
« La difficulté, c’est que ce projet de loi ne vise pas l’intégration par la langue. Il utilise la langue pour faire le tri entre les étrangers […] Le niveau A2 est le niveau exigé pour avoir une carte de résident, c’est-à-dire après quatre ans de résidence en France », a objecté le sénateur socialiste, Éric Kerrouche en citant l’étude d’impact sur le texte. « A priori, 15 à 20 000 étrangers pourraient se voir refuser un titre de séjour pluriannuel pour ce motif ».
La co-rapporteure du projet de loi, Muriel Jourda (LR) a souligné « qu’un pays était parfaitement légitime » pour fixer les conditions dans lesquelles il accorde sur son territoire, des titres de séjour. « Est-ce que ça va exclure un certain nombre d’étrangers ? Probablement. Mais c’est ainsi », a-t-elle reconnu avant de rappeler qu’il existait des titres de séjour plus courts, d’une durée d’un an, qui permettait à l’étranger d’acquérir la langue.
Des arguments qui n’ont pas convaincu la sénatrice socialiste, Audrey Linkenheld. « Notre sujet, ce n’est pas de nous opposer à un niveau de langue, c’est de savoir comment pouvoir l’atteindre en 1 an. Ce niveau A2, c’est le niveau que l’on demande aux bacheliers pour leur langue vivante numéro 2 », a-t-elle comparé.
En ce qui concerne les moyens pour obtenir ce niveau de langue, le sénateur communiste, Yan Brossat a défendu un amendement afin que conditionner la réussite de cet examen au bénéfice de cours de français gratuits. Une fois n’est pas coutume, le gouvernement a soutenu la proposition des communistes et a sous-amendé cette disposition afin d’inscrire dans la loi la mention de ces « cours gratuits ». L’amendement communiste et l’amendement du gouvernement ont été adoptés.
« Il y a une responsabilité patronale dans l’intégration de leurs salariés »
L ’article 2 du projet de loi, supprimé en commission des lois, a lui été rétabli. Il vise à permettre à un étranger, signataire d’un contrat d’intégration républicaine, de bénéficier de cours de français pendant ses heures de travail. « Il y a une responsabilité patronale dans l’intégration de ses salariés », a fait valoir Gérald Darmanin. Puis s’adressant à la droite, le ministre a pensé trouver un argument pour la convaincre. « Il est évident qu’un étranger en situation d’intégration ne va pas faire ses 35 heures. Il est moins compétitif qu’un Français qui lui est parfaitement intégré ».
Mais du côté de la commission, la rapporteure, Muriel Jourda a maintenu sa position. « Sur qui pèse l’intégration des étrangers ? Dans certains pays, c’est sur l’étranger lui-même. Nous n’avons pas fait ce choix mais nous aurions pu. Ce que nous dit cet article, c’est que cet effort reposera sur l’employeur (…) L’intégration doit être à la charge de l’Etat », a-t-elle estimé.
L’article 2 a finalement été rétabli avec l’appui des voix de la gauche. Depuis le début de l’examen du texte, c’est le premier revers subi par la majorité sénatoriale.