C’est une suppression qui ouvre la voie à l’adoption du projet de loi immigration par le Sénat. Après des mois de négociations, Les Républicains, majoritaires au Sénat, sont parvenus à leurs fins. Le fameux article 3 qui prévoit la régularisation de « plein droit » des sans-papiers dans les métiers en tension a été supprimé par un amendement défendu par la commission des lois par 191 voix contre 138. La suppression de cet article était une exigence du président du groupe LR et de son chef de file Bruno Retailleau, qui avait menacé dans le cas contraire, de ne pas adopter le texte, pourtant sensiblement durcie par la droite sénatoriale.
Les centristes avec qui les Républicains forment la majorité au Sénat étaient, eux, attachés à la conservation d’un volet régularisation dans la loi. Mardi soir, les deux groupes ont trouvé un accord et ont déposé un amendement qui crée un nouvel article 4 bis. Cet article prévoit une régularisation « exceptionnelle » à la main des préfets, une « prise en compte » de la « réalité » du travail du demandeur, mais aussi de « son insertion sociale », de son « respect de l’ordre public » et de son « adhésion aux principes de la République ». (voir notre article)
« Vous ne manquez pas d’air Monsieur le ministre »
« L’important, c’est l’esprit de compromis que veut le gouvernement pour avoir l’essentiel de ce qu’il demande : une mesure de régularisation de personnes qui travaillent dans notre pays depuis très longtemps et dont les patrons ne veulent pas les régulariser », s’est félicité le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin qui a néanmoins donné un avis défavorable à la suppression de l’article 3. Rappelons ici que la circulaire Valls sur l’admission exceptionnelle au séjour, en vigueur depuis 2012, autorise la demande de titre de séjour aux étrangers en situation irrégulière qui vivent en France depuis au moins cinq ans, qui ont travaillé au moins huit mois dans les deux dernières années et disposent d’un contrat de travail ou d’une promesse d’embauche. Mais la demande doit être conjointe de la part de l’employeur et du salarié. « La première volonté du gouvernement était de mettre fin à ce servage moderne », a rappelé le ministre.
« Vous ne manquez pas d’air Monsieur le ministre. Vous voulez faire croire que le dispositif trouvé par la majorité sénatoriale, c’est l’équivalent du dispositif que vous proposiez […] parce que l’article 3 créait un droit automatique à la régularisation. Et bien nous, on n’en voulait pas », s’est agacé Bruno Retailleau, président du groupe LR du Sénat.
« On va sortir de l’hypocrisie », a recadré à son tour le président LR de la commission des lois, François-Noël Buffet. « Il y a une différence entre l’article 3 et l’amendement que nous avons déposé. La différence porte sur le caractère automatique des titres de séjour accordés dans l’article 3. Il suffisait simplement d’expliquer qu’on avait un travail sans vérification de la réalité de celui-ci auprès de l’employeur. Il est clair que nous n’étions pas d’accord sur ce point ».
« Ce qui va sortir du Sénat, c’est le cabinet des horreurs »
Lors de nombreuses prises de paroles, les sénateurs des groupes de gauche se sont indignés de la suppression de l’article 3. « Ce qui va sortir du Sénat, c’est le cabinet des horreurs. Cet accord scellé n’est pas entre LR, les centristes et le gouvernement, mais c’est l’accord scellé entre LR et le Rassemblement national puisqu’on trouve dans ce texte le programme du RN voire le programme du Front National des années 90. Les digues ont sauté. Les centristes se sont fait engloutir dans cette calamité », a fustigé le sénateur écologiste, Thomas Dossus.
A noter que la majorité sénatoriale a également supprimé l’article 4 qui permet aux demandeurs d’asile, originaires d’un pays dont le taux de protection accordé par la France est supérieur à 50%, d’avoir immédiatement accès au marché du travail, contre un délai d’au moins six mois après introduction de leur demande dans la législation actuelle. 4 « En bénéficieraient des Afghans, des Soudanais ou des Erythréens. C’est-à-dire des personnes qui n’ont pas de pratique de français et qui sont très éloignées des conditions d’employabilité. Une infirme partie de personnes seraient concernées », a justifié Philippe Bonnecarère, co-rapporteur centriste du texte