Immigration : les sénateurs ne veulent pas d’« une loi à la découpe »

Immigration : les sénateurs ne veulent pas d’« une loi à la découpe »

Si l’annonce du report de l’examen de la loi immigration a été saluée par les sénateurs de tous bords son découpage en plusieurs textes a braqué la Haute assemblée. Les présidents des différents groupes politiques l’ont fait savoir au ministre des Relations avec le Parlement, lors d’une Conférence des présidents, mercredi soir.
Simon Barbarit

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La demande exprimée par Gérard Larcher lundi soir au chef de l’Etat a été entendue. Le climat social explosif, post examen de la réforme des retraites, n’est pas favorable à l’examen du projet de loi immigration qui devait démarrer le 28 mars à la Haute assemblée. Annoncé par Public Sénat mardi soir et confirmé par Emmanuel Macron mercredi à 13h, le retrait du texte de l’agenda du Sénat a été officialisé quelques heures plus tard, lors de la Conférence des présidents organisée dans l’urgence. Résultat, le programme de travail en séance publique se limitera à une heure de questions au gouvernement le mercredi prochain.

« On ne pouvait pas sortir des retraites et aller sur un texte aussi clivant tout de suite après »

Mais le flou s’est institué. Moins sur le nouveau calendrier, que sur la forme esquissée par Emmanuel Macron pour traiter ce dossier à haut risque. Expliquant vouloir « des textes plus courts » dans une « coconstruction de l’agenda parlementaire avec les forces des deux chambres », le Président a annoncé pour les prochaines semaines « plusieurs textes immigration ».

« Il y avait un problème de temporalité. L’immigration n’est pas un dossier mineur. Mais la préoccupation exprimée par Gérard Larcher, c’était qu’on ne pouvait pas sortir des retraites et aller sur un texte aussi clivant tout de suite après », rappelle Hervé Marseille, le président du groupe centriste du Sénat.

Quant à la nouvelle forme législative annoncée, la réponse a été claire. « Il n’est pas question pour la conférence des présidents d’un texte qui soit saucissonné comme cela a été évoqué par le président de la République », a prévenu Gérard Larcher sur LCI, ce jeudi.

« Le dossier de l’immigration est un dossier global. C’est la position qui a été largement exprimée en conférence des présidents. Nous ne voulons pas de texte à la découpe », souligne Hervé Marseille.

« Un texte à la découpe, c’est du bricolage. Il faut un texte avec de la cohérence. Ce retrait en catastrophe est un désaveu pour Gérald Darmanin qui n’aura pas son grand texte », note Patrick Kanner, le président du groupe socialiste.

Un sénateur qui s’est entretenu avec le ministre de l’Intérieur mercredi confie. « Le ministre essaye de sauver son texte ».

En attendant, Gérald Darmanin est resté le plus vague possible sur la suite. « Madame la Première ministre va proposer une méthode de travail au Parlement pour adopter des mesures législatives nécessaires pour améliorer l’intégration et lutter contre l’immigration irrégulière », s’est-il borné à répondre au sénateur socialiste, Jean-Yves Leconte, aux questions d’actualité au gouvernement.

François-Noël Buffet, le président de la commission des lois du Sénat apporte un éclairage. « D’après ce que j’ai compris, il y aura trois textes. Un projet de loi sur la base de mon rapport parlementaire (Services de l’État et immigration : retrouver sens et efficacité NDLR) qui porterait sur la simplification des procédures. Une proposition de loi sur l’intégration par le travail. Et une autre proposition de loi qui porterait plutôt sur des mesures coercitives, grosso modo, le rapport de la commission de lois sur le précédent projet de loi ».

« Maladresse politique »

« De toute façon, un texte à la découpe ça ne change rien. Le texte immigration a été retiré car il n’aurait pas trouvé de majorité à l’Assemblée. Parler maintenant d’une proposition de loi qui comporterait des mesures coercitives. Ça veut dire quoi ? Coercitives sur les demandeurs d’Asile ? Les migrants économiques ? Ça relève de la maladresse politique car ça montre surtout que le gouvernement est en train de négocier avec les LR », note la sénatrice communiste, Éliane Assassi.

En effet, à l’origine, le gouvernement avait misé sur un texte dit « équilibré » en alliant des mesures permettant les levées de protection pour faciliter les expulsions et des mesures permettant une meilleure intégration comme les fameux titres de séjour pour les métiers en tension. Olivier Dussopt, le ministre du travail et le ministre de l’Intérieur avaient d’ailleurs pris soin de consulter plusieurs élus de gauche pour optimiser les chances d’adoption de ce texte.

Un élu proche du dossier explicite. « Le volet intégration par le travail n’a pas besoin de figurer dans une loi puisqu’un préfet a le pouvoir de régulariser des personnes qui travaillent sur le territoire national. Les métiers en tension peuvent être définis avec le patronat au niveau local. Cette partie du texte servait simplement à obtenir le vote de l’aile gauche de Renaissance. C’était du pur affichage ».

« Que l’on régularise des sans-papiers qui travaillent sur notre territoire, c’est une bonne chose. Le débat porte sur la durée de ce titre de séjour. Mais la droite n’en voulait pas, car ça s’apparente pour eux à un appel d’air », rappelle Éliane Assassi.

Pour le patron de la droite sénatoriale, Bruno Retailleau le « en même temps » du gouvernement sur l’immigration s’apparente à de « l’impuissance ». Et l’élu de Vendée n’en veut pas, que ce soit dans un texte unique ou dans plusieurs. « Le gouvernement n’aura pas notre soutien », a-t-il prévenu, mercredi.

Vers une proposition de loi de droite : « Il aurait été sympathique qu’on en parle »

Et si l’on a pu observer de la friture sur la ligne entre députés et sénateurs de droite lors de la réforme des retraites, la loi immigration pourrait fragiliser l’unité de la droite, une nouvelle fois sur l’un de ses sujets de prédilection. Prenant de court les sénateurs Les Républicains, patron des députés LR, Olivier Marleix a annoncé ce jeudi sur Public Sénat le dépôt « très rapidement » « avec Éric Ciotti » d’une proposition de loi sur les questions migratoires.

« Il aurait été sympathique qu’on en parle. Je n’étais pas au courant » commente sobrement François-Noël Buffet qui rappelle le travail conséquent de la droite sénatoriale en la matière.

Le patron des centristes, Hervé Marseille rappelle quant à lui que le projet de loi initial tel que remodelé par ses alliés Républicains n’avait pas son assentiment. « Il y avait un vrai risque que le texte ne soit pas adopté au Sénat. Au stade où nous en étions, il n’y avait pas de compromis de trouvé entre LR et centristes. Je n’étais pas au courant qu’une proposition de loi allait être déposée par les députés LR. Et je ne vais pas signer un contrat sans le lire », souligne-t-il.

Si la droite veut avoir la paternité d’un texte sur l’immigration, il lui faudra trouver des alliés. Et la réforme des retraites a montré que ça pouvait s’apparenter à un véritable chemin de croix.

 

 

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