Durcissement nécessaire pour les uns ; signaux inquiétants pour les autres : ces dernières semaines, plusieurs initiatives ont remis au premier plan le débat migratoire en Europe. Première d’entre elles, et la plus commentée, la lettre de 9 pays européens appelant à réviser la Convention de protection des Droits de l’Homme de 1950. Une charge menée par l’Italie de la première ministre Giorgia Meloni, mais aussi, plus étonnant, le Danemark social-démocrate de Mette Frederiksen, ainsi que l’Autriche, les pays baltes et la Pologne.
Remise en cause de la CEDH
« La CEDH [Cour européenne des Droits de l’Homme] est peut-être allée trop loin dans l’interprétation et a [préempté] la souveraineté des gouvernements pour gérer la politique migratoire », justifie l’eurodéputé italien Paolo Borchia, membre du groupe des Patriotes au Parlement européen. Une remise en cause dangereuse, juge, face à lui, la socialiste Emma Rafowicz. « Quand on attaque la CEDH, c’est la justice et l’État de droit qu’on attaque », prévient l’eurodéputé française. « Il ne faut pas tomber dans les paniques morales » d’une « extrême droite extrêmement agressive sur le sujet de l’immigration », met-elle en garde.
« Vous êtes en train de chercher un coupable… mais les chiffres sont là », rétorque Paolo Borchia, qui estime qu’en Italie « il y a en moyenne 90% des demandes d’asiles qui sont refusées ». « Il faut réfléchir à faciliter les expulsions », « trouver des solutions » et « éviter de s’exprimer avec des positions idéologiques » estime l’eurodéputé italien, membre de la Ligue, alliée de Meloni, dans son pays. Et de rappeler que « dans la lettre il y a le gouvernement socialiste du Danemark » : « beaucoup de pays sont préoccupés par la gestion des questions migratoires », conclut-il.
Liste de pays « sûrs »
Autre initiative ayant fait couler beaucoup d’encre ces dernières semaines, celle venue de la Commission européenne, qui a publié une liste des pays dits « sûrs » où renvoyer les déboutés du droit d’asile. Elle comprend les six pays candidats des Balkans occidentaux et des pays inattendus comme le Bangladesh ou la Colombie. Surtout, l’exécutif européen souhaite rayer d’un trait de plume la notion de lien du migrant expulsé avec le pays de renvoi, qui faisait jusqu’ici office de garde-fou.
Une initiative saluée par Paolo Borchia : « Il y a encore beaucoup d’immigrés illégaux qui arrivent en Europe. Il faut pouvoir sélectionner les citoyens des pays tiers qui ont le droit d’arriver [et ne pas] avoir l’illusion qu’il y a des opportunités de travail pour tout le monde », prévient-il.
Appréciation bien différente chez Emma Rafowicz : « Tout cela n’a aucun sens ! On crée des solutions qui n’en sont pas », estime l’eurodéputé du groupe des Socialistes et Démocrates. « Si une femme afghane demande le statut de réfugié (…) l’UE pourrait la renvoyer vers un pays ‘sûr’ n’importe lequel, même si elle n’y est jamais passée ». Elle juge la mesure « absurde et inefficace » et appelle au contraire à « ouvrir des voies légales d’immigration ».
Après son annonce, la proposition de la Commission relative à la liste des pays sûrs doit maintenant suivre la procédure législative ordinaire. Elle sera examinée par le Conseil et le Parlement européen, avant de faire l’objet de négociations entre les institutions.
Parallèlement le Pacte sur l’asile et la migration, adopté en mai 2024, doit entrer en application en juin 2026. Il semble déjà produire un effet dissuasif : au cours des cinq premiers mois de 2025, le nombre de passages de migrants irréguliers vers l’Union européenne a diminué de 25 % par rapport à l’année précédente.
Rédigé par Thibault Henocque.
Une émission à revoir en intégralité sur notre espace replay.