Immigration : malgré des crédits en hausse, le Sénat rejette le budget

Comme l’année dernière, le Sénat a rejeté les crédits de la mission Asile, Immigration et intégration du budget 2024. La majorité sénatoriale de droite déplore la part belle faite aux dépenses d’asile au détriment de l’intégration.
Simon Barbarit

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

C’est désormais une habitude, comme les années précédentes, le Sénat n’a pas adopté les crédits de la mission Asile, Immigration et intégration du budget 2024. Des crédits qui ne prennent pas en compte les apports du projet de loi immigration, actuellement en examen au Parlement. Avec 2,16 milliards de crédits de paiement (limite supérieure des dépenses pouvant être payées pendant l’année), le budget est en hausse de 147 millions d’euros par rapport à l’année dernière, mais comporte de nombreux écueils pour la majorité sénatoriale de droite et du centre. Précisons ici que le coût global de la politique française de l’immigration, ne figure pas uniquement dans cette mission, et s’élève à 7,9 milliards en 2024 (contre 7,1 en 2023).

La secrétaire d’Etat, chargée de la Citoyenneté et de la Ville, Sabrina Agresti-Roubache a vanté « une nouvelle étape pour consolider notre capacité à maîtriser les flux migratoires et lutter contre l’immigration irrégulière, garantir l’exercice du droit d’asile, renforcer l’intégration des étrangers en situation régulière ».

 

 

 

Les crédits fléchés vers la lutte contre l’immigration irrégulière ne représentent que 12 %

La rapporteure LR, Marie-Carole Ciuntu a d’abord objecté que la mission ne prenait pas en compte les dépenses liées à l’accueil des personnes déplacées d’Ukraine. « Par ailleurs, quasiment la moitié des dépenses de la mission transitent par des associations dans des conditions qui échappent trop largement au Parlement », a-t-elle pointé. Pour mémoire, début octobre, le président de LR, Éric Ciotti, avait proposé de réduire de moitié les subventions accordées à certaines associations d’aide aux migrants.

La rapporteure spéciale a jugé la réduction de la dotation pour l’allocation pour demandeur d’asile (ADA) de 6,6 % (- 21 millions d’euros) par rapport à 2023, « trop optimiste » alors que la France s’attend en 2024 à accueillir 160 000 demandeurs d’asile, un chiffre record depuis les 133 000 demandes de 2019.

Mais surtout, pour la droite, les crédits de la mission sont déséquilibrés structurellement. « Alors que les dépenses liées à l’asile représentent deux tiers des crédits, les crédits d’intégration n’en représentent qu’environ 1/5e et la lutte contre l’immigration irrégulière, 1/10e. Or, une politique d’immigration réussie doit garantir, à la fois, le renvoi des étrangers en situation irrégulière et l’intégration effective des personnes autoriser à rester en France », a pointé la rapporteure.

Son collègue LR, Philippe Tabarot, a lui déploré que les crédits fléchés vers la lutte contre l’immigration irrégulière ne représentent que 12 %, soit 260 millions d’euros, de la mission.

Budget « cauchemardesque » pour la gauche

A gauche, la mission n’a pas, non plus, fait des émules. Le sénateur écologiste, Guy Benarroche a qualifié le budget de « cauchemardesque ». « La priorité du gouvernement reste la lutte contre l’immigration irrégulière. Mais cette politique ne repose que sur une jambe, l’augmentation des places en centres de rétention administrative », a-t-il relevé. La loi LOPMI adoptée l’année dernière, prévoit, en effet, d’atteindre 3 000 places (contre 1 800 actuellement) en centre de rétention administrative, d’ici 2027.

La sénatrice socialiste, Corinne Narassiguin a dénoncé « le montant dérisoire » de l’allocation pour demandeur d’asile (6,80 euros par jour par personne). Elle en a profité pour rappeler que l’article 4 du projet de loi immigration, supprimé par le Sénat et réintégré en commission des lois de l’Assemblée nationale, permet à certains demandeurs d’asile de travailler dès le dépôt de leur demande. « Je ne comprends pas que la droite de cet hémicycle, si soucieuse des dépenses publiques, soit contre ».

Malgré l’actualité lourde, les échanges étaient plus apaisés que l’année dernière. Même si le sénateur RN, Aymeric Durox s’est farouchement opposé aux amendements de la gauche visant à augmenter l’allocation pour demandeur d’asile. « Une prime à l’immigration clandestine, dans un contexte d’inflation pour les Français qui souffrent, ces amendements sont indécents », a-t-il pointé. « Les étrangers contribuent à l’état de nos finances publiques nationales. OK ? Donc, ces discours-là je ne veux pas les entendre car ils n’ont pas leur place ici », a tancé le sénateur communiste, Pascal Savoldelli.

Partager cet article

Pour aller plus loin

Dans la même thématique

Immigration : malgré des crédits en hausse, le Sénat rejette le budget
3min

Politique

Opposition au Mercosur : « Emmanuel Macron a voulu surfer sur le mécontentement des agriculteurs », assure Jean-Louis Bourlanges

Invité de la matinale de Public Sénat, l’ancien président de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale, Jean-Louis Bourlanges est revenu sur l’accord de libre échange entre l’UE et les pays du Mercosur dont la ratification doit être signée vendredi par les États membres. Sur fond de crise agricole, Sébastien Lecornu et Emmanuel Macron, opposés au traité, ont réclamé le report du vote. Jean-Louis Bourlanges lui l’assure : le traité du Mercosur « permettra de conquérir de nouveaux marchés ».

Le

Capture
5min

Politique

Accord du Mercosur : aubaine ou menace ?

Le 18 décembre, lors du Conseil européen à Bruxelles, les 27 devraient donner leur feu vert à l’accord commercial avec les pays du Mercosur. Prise en étau entre les droits de douanes américains et la Chine, l’Union européenne cherche de nouveaux débouchés pour son industrie et son agriculture. Mais certains pays, comme la France, craignent un dumping sur les prix et les normes environnementales. Alors l’accord avec le Mercosur est-il un bon deal pour l’UE ? « Ici l’Europe » ouvre le débat, avec les eurodéputés Saskia Bricmont (Les Verts/ALE, Belgique) et Charles Goerens (Renew, Luxembourg).

Le

Immigration : malgré des crédits en hausse, le Sénat rejette le budget
4min

Politique

« Il faut qu’autour des écoles, on n’ait pas de MacDo et de kebabs », déclare la sénatrice des Bouches-du-Rhône Brigitte Devésa

Le surpoids semble être la nouvelle épidémie du XXIè siècle. En France, près de la moitié de la population est concernée, constituant un véritable enjeu de santé publique. De quoi alerter le législateur qui entend renforcer les mesures de prévention et d’accompagnement sur le sujet. Axel De Tarlé reçoit la sénatrice Brigitte Devésa et le nutritionniste créateur du nutri-score Serge Hercberg pour en débattre dans l’émission Et la santé ça va ?.

Le