Immigration : « On ne sait toujours pas qu’elle est la stratégie du gouvernement », note François-Noël Buffet

Immigration : « On ne sait toujours pas qu’elle est la stratégie du gouvernement », note François-Noël Buffet

Devant les préfets, le chef de l’Etat a dessiné les contours du futur projet de loi asile et immigration. Son examen sera précédé d’un débat au Parlement. A la Haute assemblée, la droite sénatoriale rappelle que dans ce domaine, elle a un coup d’avance sur le gouvernement.
Simon Barbarit

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« Nous avons une politique qui est tout à la fois inefficace et inhumaine, inefficace parce que nous nous retrouvons avec plus d’étrangers en situation irrégulière que nombre de nos voisins, inhumaine parce que cette pression fait qu’on les accueille trop souvent mal ». C’est le constat posé par le chef de l’Etat, jeudi devant les préfets réunis à l’Elysée.

Emmanuel Macron a confirmé le nouveau calendrier de l’examen d’un nouveau projet de loi sur l’asile et l’immigration « dès le début 2023 ». Il faudra d’abord passer par un débat au Parlement en octobre. Fin juillet, suite à un fait divers, le ministre de l’intérieur, annonçait en grande pompe, dès la rentrée parlementaire, un nouveau projet de loi destiné à faciliter l’expulsion du territoire des étrangers délinquants. La primeur de l’examen était même réservée à la Haute Assemblée comme le confirmait le patron du groupe LR à Public Sénat, Bruno Retailleau.

Très actif sur ce sujet depuis 2017, le patron de la droite sénatoriale restait néanmoins prudent. « Ce gouvernement a une facilité pour communiquer plutôt que d’agir », soulignait-il fin juillet sur Public Sénat.

« On a bien compris que le texte était reporté faute d’une position commune au sein de la majorité »

Quelques jours plus tard, Gérald Darmanin confirmait ce qui s’apparente à un arbitrage perdu au profit d’Élisabeth Borne. Dans le Figaro, ministre de l’Intérieur annonce la mise en place d’une méthode de travail qui se déroulera en deux temps. « A la demande de la Première ministre », un « grand débat sur l’immigration » sera mis à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale et du Sénat, en octobre, avant la « présentation d’un projet de loi finalisé ».

« On a bien compris que le texte était reporté faute d’une position commune au sein de la majorité. On ne sait toujours pas qu’elle est la stratégie du gouvernement en matière de politique migratoire. On a toujours l’impression d’un scénario au fil de l’eau. Le gouvernement veut gérer les conséquences et non les causes de la pression migratoire », relève le président LR de la commission des lois, François-Noël Buffet, et auteur du rapport « Services de l’État et immigration : retrouver sens et efficacité ».

Un débat et un texte sur l’immigration. La méthode a déjà été éprouvée lors du précédent quinquennat, mais pas dans cet ordre. En 2018, le projet de loi asile immigration, le dernier texte, avait largement été amendé par la majorité sénatoriale. Les élus de la chambre haute avaient voté, contre l’avis du gouvernement, un système de quotas pour contrôler l’immigration régulière. Le dispositif prévoyait que le Parlement conduise chaque année « un débat approfondi, à partir d’un rapport du gouvernement, intégrant toutes les dimensions de la politique nationale d’immigration et d’intégration ».

« Nous remettrons sur la table la question de l’immigration choisie »

Un an plus tard, lors d’un débat au Sénat sur l’immigration, le Premier ministre, Edouard Philippe s’était montré finalement ouvert aux quotas pour uniquement pour l’immigration professionnelle en fonction de la branche d’activité et défini à partir des besoins des métiers « en tension ».

« Nous remettrons sur la table la question de l’immigration choisie », confirme François-Noël Buffet.

Jeudi, Emmanuel Macron a plaidé pour une meilleure répartition des étrangers accueillis sur le territoire, notamment dans les « espaces ruraux, qui eux sont en train de perdre de la population ».

La présidente du groupe Renaissance à l’Assemblée nationale, Aurore Bergé a estimé, sur Cnews, que « tous les Français étaient favorables à l’immigration choisie ». « Il faut dire qui on souhaite accueillir, qu’on ait une politique souveraine en matière d’immigration, personne ne doit subir sa politique migratoire, et qu’on tienne cet équilibre de ceux qu’on veut accueillir et qu’on doit bien intégrer et ceux qui ne méritent pas de rester et qui donc doivent être reconduits », a-t-elle développé.

Mayotte : le Sénat plaide pour une nouvelle restriction du droit du sol

Le débat et le texte ne feront évidemment pas l’impasse sur le renforcement des politiques de reconduite à la frontière. Le chef de l’Etat a mis l’accent sur la Guyane et Mayotte, « deux territoires où « il faudra sans doute […] changer les règles avec beaucoup de force parce que la réalité géographique et démographique de ces territoires est profondément différente du reste du sol de la république ». L’année dernière, un rapport du Sénat préconisait une nouvelle restriction du droit du sol à Mayotte.

Autre principe affiché par l’exécutif depuis plusieurs mois : conditionner la délivrance de visas à « l’esprit de coopération » des Etats dans le retour de leurs ressortissants en situation irrégulière. « On a déjà voté la délivrance des visas sous condition de l’octroi des laissez-passer consulaires. On ne va pas se dédire », rappelle le président de la commission des lois du Sénat. Il y a quelques mois, le rapport du Sénat alertait sur « un certain sentiment de découragement et de perte de sens » des agents tiraillés entre « l’édiction massive de mesures d’éloignement dont ils savent à l’avance qu’elles ont peu de chances de prospérer, de l’autre le déploiement d’une énergie démesurée pour réaliser une poignée d’éloignements contraints ».

 

 

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