Immigration : rappel à l’ordre et à l’« unité » chez LREM face au risque de « division »
Les députés et sénateurs LREM ont tenu leur journée parlementaire, alors que la majorité traverse des dissensions sur l’immigration. « La fronde, c’est le poison des mouvements qui entraîne l’émiettement et leur chute. D’autres partis l’ont payée avant nous » met en garde François Patriat, président du groupe au Sénat.

Immigration : rappel à l’ordre et à l’« unité » chez LREM face au risque de « division »

Les députés et sénateurs LREM ont tenu leur journée parlementaire, alors que la majorité traverse des dissensions sur l’immigration. « La fronde, c’est le poison des mouvements qui entraîne l’émiettement et leur chute. D’autres partis l’ont payée avant nous » met en garde François Patriat, président du groupe au Sénat.
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Une ville, mais pas d’adresse. La journée parlementaire de LREM a pris des allures de rave party. Vingt-quatre heures avant, l’adresse n’était pas connue. Il ne s’agissait pas ici d’éviter la police. Mais les éventuels manifestants. Le nom de la rue a quand même été révélé la veille au soir. Le lieu n’a pas été choisi au hasard : Saint-Denis, au bord de l’autoroute A1, le Stand de France caché derrière. Normal, pour le parti qui ne veut pas depuis lundi – c’est Emmanuel Macron qui le dit – être celui des « bourgeois ».

Une fois l’adresse connue, pas de teufeurs déglingos sur place, ni soundsystem. Mais un contrebassiste et un guitariste qui passent discrètement et joueront un peu de jazz, lors du dîner avec les ministres et le premier ministre. Dans ces locaux du groupe SOS de Jean-Marc Borello, un proche d’Emmanuel Macron, on trouve plutôt des députés et quelques sénateurs. Du moins ceux auxquels les journalistes ont eu accès, l’événement étant à huis clos.

Edouard Philippe défend « l’alchimie de la majorité »

La rentrée parlementaire aurait pu être marquée par la réforme des retraites ou la bioéthique. Mais ce qui anime le parti présidentiel depuis quelques jours, c’est l’immigration. Le chef de l’Etat a choisi de durcir le ton, lundi dernier, devant les mêmes parlementaires (voir notre article). S’en est suivi un texte de quinze députés sur leur vision de l’immigration, puis une tribune d’une trentaine sur l’aide médicale d’Etat. Une députée a même comparé les propos du Président à ceux « d’un responsable du RN ». Autrement dit, Emmanuel Macron a ses frondeurs. Il voulait pourtant ne rien faire comme Hollande. Pour le coup, c’est raté.

Devant environ 200 parlementaires, Edouard Philippe a tenu en fin de journée un discours plutôt court, histoire de rappeler la cohésion d’équipe nécessaire. « L’alchimie de la majorité marche bien » a affirmé le premier ministre, selon des propos rapportés par un participant, qui résume : « On rentre dans le lourd avec les réformes sur la bioéthique, la fiscalité locale, les retraites. On doit les gérer avec responsabilité ». Autrement dit, ce n’est pas le moment de voir des têtes dépasser.

« C’est groupir, groupir »

Les responsables de la majorité ont tenu devant les caméras le même message : en substance, la division est mortifère, il faut rester uni. « C’est groupir, groupir » résume le député Florian Bachelier, premier questeur de l’Assemblée. « Ils (les frondeurs, ndlr) vont s’en remettre. L’idée, c’est de faire atterrir tout ça » ajoute une députée.

Le linge sale, il faut le laver en famille, explique François Patriat, patron des sénateurs LREM. « En famille, on peut se dire toutes les choses. Mais ce n’est pas utile d’aller les porter à l’extérieur. Ce n’est pas en se divisant qu’on va assurer la cohésion de la majorité, mais en s’unissant » explique le sénateur de Côte-d’Or, qui ajoute qu’« il s’agit d’une infime minorité » (voir la première vidéo). Cet ancien socialiste met en garde : « La fronde, c’est le poison des mouvements qui entraîne l’émiettement et la chute des mouvements. D’autres partis l’ont payée avant nous. Et le paient encore aujourd’hui. Ne tombons pas dans ces travers ». Florian Bachelier vient porter le même message. Il parle de « trauma de la fronde », « c’est ce qui a tué la majorité précédente ».

Gilles Le Gendre (LREM) : « Désunis, nous perdrons notre âme et nous perdrons les élections »
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« Désunis, nous perdrons notre âme et nous perdrons les élections »

Gilles Le Gendre, président du groupe LREM à l’Assemblée nationale, là d’où est venue la fronde au sein de ce groupe pléthorique, prend le relais, lors d’un point presse. Insistant sur « la nécessité de nous rassembler », il lance : « L’unité, ce n’est pas un sujet d’inquiétude. C’est une obsession ». « Unis, tout est possible. Désunis, nous perdrons notre âme et nous perdrons les élections. Et il n’en est pas question » avertit Gilles Le Gendre (voir la vidéo ci-dessous). Mais il entend « respecter la diversité » et « une forme d’équité » entre les tendances. Pour Gilles Le Gendre, les sorties des derniers jours sont à minorer. « Je n’utilise pas le mot « malaise ». Je dis, « affirmation d’un certain nombre de positions » » lance le président de groupe, qui entend faire vivre cette diversité, au sein du groupe, et lors du débat à l’Assemblée sur l’immigration à la fin du mois. Sur les 55 minutes dévolues au groupe, lui et Stanislas Guerini, Délégué général de LREM, devraient prendre la parole, mais aussi un député représentant une ligne plus humaniste.

Il s’agit aussi d’assumer de parler d’immigration et de ne pas laisser le sujet au Rassemblement national et à Marine Le Pen. « On n’est pas aux affaires pour être au balcon, mais on est aux affaires pour avoir les mains sur le volant » aime dire le chef de l’Etat, selon une secrétaire d’Etat, qui rapporte ces propos d’Emmanuel Macron :

« Le Président a dit en Conseil des ministres, l’immigration ne peut pas être un sujet qu’on laisse à ceux qui en parlent mal, parce que nous, on ne voudrait pas en parler du tout »

« On est devenu, d’une certaine façon, le parti de l’ordre »

La matinée de cette journée parlementaire a été consacrée à la présentation d’une étude qualitative Ipsos sur LREM. Elle a, semble-t-il, fait du bien au moral des troupes. « La perception, c’est que nous sommes sérieux, travailleurs et sincères. Et que les divisions internes ne sont pas sur la place publique, avec une image d’une capacité à bosser en groupe » résume Florian Bachelier. Une étude, certes commandée avant, mais qui tombe à point pour enfoncer le clou et dire aux députés de ne pas casser cette belle image.

Reste que la sortie d’Emmanuel Macron est restée au travers de la gorge de certains. Un député issu de la gauche à ces mots : « On est devenu, d’une certaine façon, le parti de l’ordre. Mais cet ordre nous est demandé. Il y a une demande populaire. Mais c’est pour cela qu’il faut rester le parti de la liberté ». Le même député ajoute :

« Je préfère perdre aux législatives que d’occulter ce volet-là, un côté sociétal, et occulter ce que je suis »

Avec cette séquence sur l’immigration, on touche ici aux limites du macronisme, avec des personnes venues de la gauche et de la droite. LREM n’en est pas là, mais le risque pour la majorité est que le « en même temps » devienne, avec les dossiers sensibles, le « chacun pour soi ».

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