C’est dans le contexte de tensions diplomatiques avec l’Algérie (lire notre article) que le Comité interministériel de contrôle de l’immigration se réunira mercredi 26 février. Patrick Stefanini, représentant spécial du ministre de l’Intérieur, précise néanmoins à publicsenat.fr qu’il « n’y aura pas de sujets spécifiques sur l’Algérie ». « Le Comité interministériel sera consacré aux contrôles des frontières, à la politique des visas, aux mesures d’éloignement, et la lutte contre les traversés maritimes », liste celui qui avait été secrétaire général du comité interministériel de contrôle de l’immigration, entre 2005 et 2009.
A l’époque, le ministre de l’Intérieur de Jacques Chirac, Dominique de Villepin avait mis en place cette instance afin de « renforcer la cohérence » de l’action gouvernementale. Le comité se réunira quatre fois la première année. Il conduira à la deuxième loi Sarkozy sur l’immigration du 24 juillet 2006.
Passé relativement inaperçu, un décret sur la composition et le fonctionnement du comité interministériel de contrôle de l’immigration a été publié au Journal Officiel le 22 janvier dernier. C’est désormais le directeur général des étrangers en France qui en assure le secrétariat général.
« Comme en 2005, l’intitulé du Comité, c’est le contrôle de l’immigration. Il s’agit d’une approche assez restrictive. Dans la période d’instabilité parlementaire que nous connaissons, il sera plus délicat pour le gouvernement de faire déboucher ce comité sur un projet de loi. Cela dit, les politiques d’immigration sont transversales, et c’est une bonne chose de rassembler les membres du gouvernement pour trouver des cohérences », observe Matthieu Tardis, codirecteur de Synergie Migration (centre de recherche sur les questions d’asile, d’immigration et d’inclusion).
Le retour de la politique des visas ?
Sans passer par la voie législative, le Comité devrait limiter la délivrance de visas. « On n’est pas obligé d’avoir des visas en quantité aussi importante », a estimé, ce week-end, la porte-parole du gouvernement Sophie Primas. En 2021, le gouvernement avait limité la délivrance de visas pour les ressortissants marocains, algériens et tunisiens en raison de la faible coopération de ces trois pays du Maghreb dans les procédures d’expulsion. Le gouvernement était finalement revenu sur ces restrictions un an plus tard, afin, notamment, de renouer de bonnes relations avec le Maroc. Si Patrick Stéfanini assure que le Comité n’évoquera pas spécifiquement l’Algérie, on n’imagine mal que ne soit pas évoquée la piste dénonciation de l’accord franco-algérien de 1968. Un débat sur cet accord se tiendra d’ailleurs au Sénat sur ce sujet, le 4 mars prochain. Pour rappel, un récent rapport de la présidente LR de la commission des lois du Sénat, Muriel Jourda (LR) et d’Olivier Bitz (centriste) a conclu que cet accord constituait « un régime très favorable de circulation et de séjour » aux Algériens (lire notre article). Depuis son entrée en fonction, Bruno Retailleau plaide régulièrement pour la dénonciation de cet accord.
« Il y a une divergence entre le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, et le ministre de l’intérieur sur la politique migratoire. Les intérêts de la France avec les autres Etats ne peuvent pas être abordés uniquement sous le prisme des questions migratoires. Il y a d’autres enjeux, commerciaux, culturels, économiques… qui rentrent en compte. Mais en France comme dans d’autres pays occidentaux, l’immigration a pris une place centrale. C’est pourquoi le ministre de l’Intérieur a un poids politique aussi important. Jusqu’au début des années 2000, les questions de l’immigration et de l’intégration étaient réparties entre trois ministères. L’Intérieur gérait les mesures d’entrée et d’éloignement. Le ministère des affaires sociales s’occupait de l’accueil, et le ministère des affaires étrangères avait la charge des demandes d’asile », rappelle Matthieu Tardis.
« Mobilité des étudiants étrangers » et les « prestations sociales »
L’ordre du jour du Comité, demain, semble lui donner raison. La transversalité ministérielle des questions migratoires ne saute, effectivement, pas aux yeux. Parmi les axes de travail ne relevant pas du ministère de l’Intérieur, Patrick Stefanini ne cite que « la mobilité des étudiants étrangers » et les « prestations sociales ».
Pour mémoire, lors de l’examen du dernier texte immigration fin 2023, la majorité sénatoriale de droite avait voulu conditionner les allocations familiales à cinq ans de résidence sur le territoire contre six mois actuellement. La droite sénatoriale, dirigée à l’époque par Bruno Retailleau, avait aussi fait passer un amendement instaurant une caution pour les étudiants étrangers. Les deux dispositions n’avaient pas survécu à la censure du Conseil constitutionnel.
En 2019, à la suite d’un débat au Parlement, le Premier ministre Edouard Philippe avait, lui, lancé un comité interministériel sur « l’immigration et l’intégration ». Il avait débouché sur l’instauration d’un délai de carence de trois mois avant que les demandeurs d’asile ne puissent accéder à la Protection universelle maladie et la nécessité d’un accord préalable de la Sécu pour certains actes non-urgents dans le cadre de l’Aide médicale d’Etat (AME). Le Comité avait également conduit à une hausse du budget de l’aide au développement avec « une série d’Etats partenaires » dans « une logique d’engagements réciproques ». 6 ans plus tard, c’est un coup de rabot de 35 % (-2,78 milliards d’euros au total sur un budget de 6,5 milliards) que le projet de loi de finances a entériné.