A moins d’une semaine du premier tour la candidate du Front national l’a bien compris : pour gagner au second tour, il faut déjà passer le premier. « Il y a une forme d’étanchéité entre le premier et le second tour, c’est comme si c’était deux élections différentes » confiait, la semaine dernière à publicsenat.fr, Jean Messiha, coordinateur du projet présidentiel de Marine Le Pen. Confrontée depuis des semaines, à un tassement, voir un recul, dans les études d’opinion, la candidate du FN mise donc sur les thèmes porteurs de son électorat traditionnel : immigration, sécurité, terrorisme.
« Un moratoire immédiat sur toute l’immigration légale pour arrêter ce délire »
Invitée d’RTL ce mardi, Marine Le Pen parle « de submersion migratoire », d’une « immigration qui n’est pas une chance mais un drame » pour la France. Des qualificatifs qui accompagnent une toute nouvelle mesure qui ne figurait pas dans ses « 144 engagements présidentiels ». « Pour la France, je déciderai d’un moratoire immédiat sur toute l’immigration légale pour arrêter ce délire, cette situation incontrôlée qui nous entraine vers le fond. Un moratoire pour faire le point de la situation avant de mettre en place de nouvelles règles et une nouvelle régulation beaucoup plus drastique, plus raisonnable, plus humaine, plus gérable » a-t-elle annoncé, hier lors de son meeting au Zenith de Paris (voir la vidéo). Sur RTL, Marine Le Pen a précisé que ce moratoire ne concernerait pas les étudiants étrangers mais les visas de longue durée. Une mesure d’urgence, selon elle, qui précédera la mise en œuvre de son objectif, déjà annoncé celui-ci, d’un solde migratoire limité à 10 000 personnes par an.
Marine le Pen favorable à "un moratoire immédiat sur toute l’immigration légale"
« Combien de Mohamed Merah dans les bateaux » s’interrogeait Marine Le Pen en 2012
« Délire », « drame », « submersion » des caractéristiques anxiogènes associées à l’immigration qui ne sont pas sans rappeler sa campagne de 2012. Le 25 mars à Nantes, Marine Le Pen s’était appuyée sur l’actualité pour faire le parallèle entre immigration et terrorisme : « Combien de Mohamed Merah dans les bateaux, les avions, qui, chaque jour, arrivent en France remplis d’immigrés ? Combien de Mohamed Merah parmi les enfants de ces immigrés non-assimilés ? » avait-elle scandé.
En 2017, la candidate frontiste utilise le même argumentaire. « Avec moi, il n’y aurait pas eu Mohamed Merah, Français grâce au droit du sol, binational, délinquant récidiviste (…) Avec son casier judiciaire, il n’aurait pas obtenu la nationalité française et aurait été contraint de quitter le territoire français avant ses crimes ». Marine Le Pen a également affirmé que sous sa présidence, les terroristes de Charlie Hebdo, de l’Hyper Cacher, du Bataclan ou de Nice n’auraient pas eu, non plus, la nationalité française (voir la vidéo de tête).
« Consolider son électorat récent sans perdre sa base radicale »
Si les éléments de langages se percutent à 5 ans d’intervalle, les enjeux, eux, ne sont plus les mêmes pour Marine Le Pen. « Elle est confrontée à un double impératif : consolider son électorat récent sans perdre sa base radicale. En 2012, c’est un premier tour de piste pour affirmer sa posture tribunicienne. En 2017, elle se dit qu’elle peut gagner. Elle fait une bonne campagne. Elle a passé sans trop d’encombres la séquence des affaires. Elle a réussi également à faire émerger un certain nombre de porte-parole, qui portent bien leurs noms, car tout le monde parle d’une seule voix. Il n’y a pas eu de couacs majeurs » analyse Erwan Lecoeur sociologue et politologue spécialiste de l’extrême droite. « il ne faut pas oublier que Marine Le Pen a été traumatisée par le 21 avril et surtout le 5 mai 2002. C'est-à-dire la qualification au second tour d’une élection présidentielle conjuguée à l’incapacité de la remporter » ajoute-il.
« Elle devrait aussi insister sur ce qu’il y a de charnel dans l’identité française »
Pour cet historique du FN qui préfère garder l’anonymat, « l’inconvénient quand on va trop loin dans le détail d’un programme, c’est de ne faire ressortir aucune proposition. Le public, de toute façon ne retient que 5 ou 6 mesures » estime-t-il. Si la candidate a raison, selon lui, de mettre en avant les dangers de l’immigration à quelques jours du premier tour, « elle devrait aussi insister sur ce qu’il y a de charnel dans l’identité française. Ce que fait très bien François Fillon, d’ailleurs. Il ne suffit pas de dire qu’on refuse les communautarismes et de mettre en avant la laïcité. La laïcité est un modus vivendi. On ne meurt pas pour la laïcité » fustige-t-il. Autre motif de reproche pour ce cadre frontiste, la gestion « de l’affaire » des emplois supposés fictifs d'assistants FN au Parlement européen. « J’étais favorable à ce qu’elle fasse une conférence de presse solennelle, qu’elle contre-attaque très vite en mettant tous les éléments sur la table afin de démontrer qu’il s’agit d’une persécution politique. Elle ne l’a pas souhaité, ce qui l’a mise dans une position de défense, de culpabilité. Ça nous a fait apparaitre comme un parti comme les autres. Si elle l’avait fait, elle serait encore à 28% » veut-il croire.
Si Marine Le Pen n’accède pas au second tour dimanche prochain, au sein du Front National, les critiques sont déjà prêtes.