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Immigration : « Un seul texte » pour une majorité divisée au Sénat

Reporté fin mars, le projet de loi immigration pourrait faire son retour au Sénat dans les prochaines semaines. C’est le souhait exprimé par Gérald Darmanin qui tend une nouvelle fois la main à la droite pour obtenir une majorité. Mais même au Sénat à majorité de droite, le point d’atterrissage du texte est incertain. LR et centristes restent en désaccord sur le volet régularisation.
Simon Barbarit

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Gérald Darmanin n’a pas dit son dernier mot et pourrait bien avoir gain de cause en présentant un projet de loi immigration global au Parlement dans les prochaines semaines. Mardi, le ministre de l’Intérieur a indiqué vouloir « un projet de loi fort ». Soit un énième revirement de l’exécutif. Le 22 mars dernier après le passage en force de la réforme des retraites, le chef de l’Etat avait confirmé le report du projet de loi qui devait démarrer fin mars au Sénat et annoncer à la place « plusieurs textes immigration », provoquant une levée de boucliers de l’ensemble des groupes politiques du Sénat.

L’exécutif a-t-il entendu le Sénat et son président Gérard Larcher qui a confié dans l’Opinion que s’il aime le saucisson, il aime « la pièce entière », et c’est même chose pour le projet de loi immigration.

Message reçu selon le patron des sénateurs RDPI (à majorité présidentielle) François Patriat. « Ce qui a été évoqué lors de notre rencontre avec le Président lundi, c’est que c’était plutôt un texte », a-t-il indiqué dans la matinale de Public Sénat.

« On est prêts à travailler »

« Il n’y a rien d’officiel, mais la version qui semble se dessiner c’est qu’il y aura un seul texte », confirme, le président LR de la commission des lois du Sénat, François-Noël Buffet. Mais quel texte ?

« Un texte a été adopté par la commission des lois le 15 mars dernier, on est prêts à travailler. On est l’arme au pied si on peut dire », encourage le sénateur LR. Le co-rapporteur du texte, Philippe Bonnecarrère (centriste) abonde. « Nous verrons à la prochaine Conférence des présidents ce que le gouvernement décidera. Mais je ne vois pas pour quelles raisons, il déciderait d’inscrire à l’ordre du jour un second texte global. Le plus logique, si le débat doit avoir lieu, c’est de reprendre le texte tel qu’amendé par la commission des lois ».

L’été dernier, attaqué sur sa droite après des faits divers impliquant des étrangers en situation irrégulière, le gouvernement avait promis de réserver la primeur de l’examen d’un texte sur l’immigration au Sénat. L’assurance d’obtenir un vote car, depuis des années, la majorité sénatoriale de droite n’est pas avare en propositions pour lutter contre l’immigration illégale ou pour faciliter les expulsions des délinquants étrangers et même pour instaurer des quotas pour l’immigration régulière comme elle l’avait fait en 2018, dans le cadre du projet de loi Asile et Immigration.

Mais au fil des mois, les LR du Sénat ont posé leurs conditions en rejetant farouchement le « en « même temps » du gouvernement qui misait sur un texte dit « équilibré » en alliant des mesures permettant les levées de protection pour faciliter les expulsions, et des mesures permettant une meilleure intégration comme les fameux titres de séjour pour les métiers en tension.

Sur LCI, cette semaine, Gérald Darmanin s’est montré encourageant sur la possibilité de trouver une majorité autour de son texte, tendant, une nouvelle fois, la main à la droite. « Les Français ont besoin d’un texte fort contre l’immigration irrégulière, je suis sûr qu’avec Les Républicains on peut s’entendre sur cette question ». Réponse immédiate du président du groupe LR du Sénat, Bruno Retailleau sur Twitter. « On peut s’entendre, à condition que l’aile gauche de la Macronie ne fasse pas de ce texte une machine à régulariser les clandestins et qu’il marque une vraie rupture avec la politique migratoire des années Hollande/Macron ».

Le sénateur écologiste, Guy Benarroche, en pointe sur ce dossier, est favorable à un projet de loi global. « Quoi qu’on en pense, des migrants vont continuer d’arriver en France et en Europe et ça ne va pas aller en diminuant. Nous avons besoin d’un texte pour les accueillir dignement et assurer leur intégration. Mais le gouvernement comme la droite veulent un texte de répression des personnes en situation irrégulière. C’est un focus particulier pour des motifs électoraux », déplore-t-il.

LR et centristes du Sénat divisés sur les titres de séjour « métiers en tension »

Et cette velléité de la droite de reprendre le texte à sa main a créé des remous au sein de la majorité sénatoriale, composée des LR mais aussi des centristes. La commission des lois du Sénat a, certes, adopté sa version du projet de loi. Mais centristes et LR ont dû poser un mouchoir sur leurs divergences en repoussant le débat qui les oppose à l’examen du texte en séance publique. Les LR avaient prévu de défendre des amendements de suppression de l’article 3 qui porte sur la création d’un titre de séjour pour les travailleurs sans-papiers dans les « métiers en tension » et de l’article 4 qui vise à permettre aux demandeurs d’asile de travailler dès le dépôt de leur demande de régularisation auprès de l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides). Deux dispositifs qui s’apparentent à « un appel d’air » pour les LR du Sénat.

Les centristes estiment, quant à eux, que le dispositif proposé par le gouvernement tient compte d’une réalité économique difficilement contestable. Et qu’il faut donc amender cette mesure pour qu’elle n’alimente pas une trappe à bas salaires, qui perpétuerait une situation où les métiers mal payés sont exercés quasi exclusivement par des étrangers.

« L’atterrissage du texte sera déjà difficile au Sénat. Il le sera encore plus à l’Assemblée nationale »

Même si lors de son allocution lundi soir, Emmanuel Macron a indiqué vouloir renforcer « le contrôle de l’immigration illégale, tout en intégrant mieux ceux qui rejoignent notre pays », le débat parlementaire autour du projet de loi ne semble pas cadrer avec les « 100 jours d’apaisement, d’unité, d’ambition et d’action au service de la France », qu’il vise. « Avoir des débats apaisés dans un contexte aussi clivant me semble délicat. Au Sénat, il y aura deux obstacles à surmonter : trouver des solutions internes à la majorité sénatoriale sur les articles 3 et 4, et ne pas aller sur des amendements qui sont clairement inconstitutionnels », souligne Philippe Bonnecarrère.

Une référence aux exigences formulées par le président de LR, Éric Ciotti à l’AFP, sur « la révision du code de la nationalité, droit d’asile uniquement à la frontière, ou encore la mise en place de quotas « y compris pour les demandeurs d’asile ». Cette dernière mesure a été clairement écartée par la commission des lois du Sénat. « Les quotas pour les demandeurs d’asile, c’est inconstitutionnel », souligne François-Noël Buffet. Même chose pour une mesure qui consisterait à imposer aux demandeurs d’Asile d’effectuer leurs démarches uniquement dans les ambassades et les consulats français, nous confirme Philippe Bonnecarrère.

Difficile dans ces conditions d’imaginer une adoption du projet de loi au Parlement sans avoir recours à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, pourtant une promesse de la Première ministre, Élisabeth Borne. « Je suis très dubitatif. L’atterrissage du texte sera déjà difficile au Sénat. Il le sera encore plus à l’Assemblée nationale. Les haies à franchir pour amener ce texte à bon port sont élevées », résume le sénateur centriste.

 

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