Paris: Michel Barnier declaration politique generale

Impôts, réforme des retraites, immigration : ce qu’il faut retenir du discours de politique générale de Michel Barnier

Le discours du Premier ministre devant l’Assemblée nationale était très attendu, pour donner les grandes orientations de son nouveau gouvernement. Du pouvoir d’achat en passant par la Nouvelle-Calédonie, de l’écologie aux services publics, retrouvez les principales annonces de Michel Barnier.
Rose Amélie Becel

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C’était le jour J pour Michel Barnier. Ce mardi 1er octobre après-midi, le Premier ministre a prononcé devant les députés son discours de politique générale. Un rendez-vous incontournable pour tous les nouveaux chefs de l’exécutif, qui permet de détailler la feuille de route du gouvernement devant les parlementaires. Face à une Assemblée morcelée et sans majorité, l’exercice est d’autant plus périlleux pour Michel Barnier, qui n’a pas sollicité de vote de confiance des députés.

Au même moment, devant les sénateurs, le discours du Premier ministre a été lu par le ministre de la Justice Didier Migaud. Michel Barnier se rendra au Sénat ce 2 octobre pour prononcer son discours en personne au Sénat, dans une version probablement légèrement différente de celui délivré devant les députés. En attendant, voici ce qu’il faut retenir de sa déclaration.

  • Budget 2025 : réduction des dépenses et « contribution exceptionnelle » des plus fortunés

Face à la dégradation de la situation des finances publiques, Michel Barnier a dévoilé dès les premières minutes de son discours les grandes lignes de son projet de budget pour 2025. Alors que le déficit devrait dépasser 6 % en 2024 en l’absence de mesures nouvelles, Michel Barnier a fixé comme cap un retour à un déficit à 5 % pour 2025. Le retour du déficit sous la barre des 3 %, limite imposée par l’Union européenne, est quant à lui fixé à 2029.

Michel Barnier a indiqué que les « deux tiers de l’effort » pour redresser les finances publiques viendraient de la réduction des dépenses. « Réduire les dépenses, c’est renoncer à l’argent magique et à l’illusion du tout gratuit, à la tentation de toute subvention », a-t-il prévenu. Le Premier ministre a également appelé à porter une attention à « l’efficacité de la dépense publique ». « Nous ferons la chasse aux doublons inefficaces, aux fraudes, aux abus et aux rentes injustifiées », a-t-il expliqué.

Le reste de l’effort devra être « d’ordre fiscal », assure Michel Barnier. Le Premier ministre demande ainsi une « participation » des « grandes entreprises qui réalisent des profits importants », « sans remettre en cause notre compétitivité ». Il a aussi annoncé l’instauration d’une « contribution exceptionnelle aux Français les plus fortunés ».

  • Pouvoir d’achat : le Smic revalorisé de 2 %, des mesures sur le logement et l’alimentation

Michel Barnier a annoncé que le niveau du Smic serait revalorisé de 2 % au 1er novembre, en anticipation de deux mois par rapport au calendrier habituel. Pour permettre la progression des salaires au-dessus du Smic, il a aussi proposé une révision du système d’allègement de charges.

Michel Barnier a également annoncé une série de mesures pour agir sur le logement, le secteur de dépenses qui pèse le plus lourd dans le budget des ménages. Il s’est engagé à prendre des « mesures rapides pour relancer l’investissement locatif et l’accession à la propriété ». Une extension du prêt à taux zéro pour les primo-accédants « sur tout le territoire » a notamment été évoquée.

Après deux années de forte inflation alimentaire, Michel Barnier a également annoncé que son gouvernement reprendrait « sans délai le projet de loi d’orientation pour la souveraineté agricole ». Il veut « renforcer la transparence sur les marges pratiquées par la grande distribution » et « encourager les contrats tripartites entre agriculteurs, transformateurs et distributeurs ».

  • Réforme des retraites : Michel Barnier souhaite « des aménagements raisonnables et justes »

Le Premier ministre a fixé la reprise d’un dialogue social « exigeant » comme une priorité. « Je pense que la situation dans laquelle nous sommes requiert un renouveau du dialogue social et une relation exigeante et constructive avec l’Etat », a-t-il observé. Il a ainsi donné rendez-vous aux partenaires sociaux dans « les prochaines semaines » pour aborder les questions cruciales de l’emploi des seniors et de l’assurance-chômage.

C’est aussi aux partenaires sociaux que Michel Barnier confie la tache de s’attaquer à la question de la réforme des retraites, sur laquelle il faut selon lui « reprendre le dialogue ». Sous les cris des députés de la gauche de l’hémicycle, réclamant l’abrogation du texte, le Premier ministre s’est montré très prudent demandant plutôt « des aménagements raisonnables et justes de la loi ». Parmi les « limites » du texte évoquées par Michel Barnier figurent « les retraites progressives, l’usure professionnelle ou l’égalité entre les femmes et les hommes ».

  • Sécurité : plusieurs mesures pour « stopper la violence des mineurs »

« La sécurité au quotidien », c’est un des chantiers évoqués par Michel Barnier. Le Premier ministre a d’abord promis des forces de l’ordre « encore plus visibles et présentes sur la voie publique », grâce au déploiement d’un « plan d’action » conduit par les préfets dans tous les départements. « Les Français ont besoin d’être rassurés par la présence de nos forces », a-t-il affirmé.

Sur le volet sécuritaire, les principales annonces du Premier ministre concernent la justice. Michel Barnier a notamment annoncé qu’il proposerait l’instauration de « peines de prison courtes et immédiatement exécutées pour certains délits », il souhaite également « limiter les possibilités de réduction ou d’aménagement de peines ». Le Premier ministre a par ailleurs dit vouloir « stopper la violence des mineurs », en proposant « la réduction des délais de jugement », « la création d’une procédure de comparution immédiate pour les mineurs délinquants de plus de 16 ans ». Michel Barnier veut aussi poursuivre « la réflexion sur les atténuations de l’excuse de minorité ».

Enfin, le chef de l’exécutif a également tenu à rappeler son attachement au « respect de l’état de droit », après deux jours de polémique suite aux propos de son ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau. « La fermeté de la politique pénale, que les Français demandent, est indissociable du respect de l’État de droit et des principes d’indépendance et d’impartialité de la justice, auxquels je suis personnellement profondément et définitivement attaché », a-t-il précisé.

  • Immigration : vers une « prolongation exceptionnelle de la rétention des étrangers en situation irrégulière »

Dans sa feuille de route, Michel Barnier se fixe comme quatrième priorité la mise en place d’une « politique de maîtrise de l’immigration ». Devant les députés, le Premier ministre a rappelé que malgré plus de 100 000 obligations de quitter le territoire français prononcées chaque année, « des dizaines de milliers de migrants en situation irrégulière se maintiennent indûment sur notre sol ».

Le gouvernement entend donc travailler à un traitement plus efficace et plus rapide des demandes d’asile, mais aussi « faciliter la prolongation exceptionnelle de la rétention des étrangers en situation irrégulière ». Sur ce sujet, une proposition de loi prévoyant de porter la durée maximale de rétention des « immigrés en situation irrégulière à 135 jours au lieu des 90 prévus actuellement » a été déposé par le groupe de la droite Républicaine à l’Assemblée nationale.

  • Nouvelle-Calédonie : les élections provinciales reportées « jusque fin 2025 »

Le Premier ministre reprend en main le dossier de la Nouvelle-Calédonie, accompagné de son ministre des Outre-mer François-Noël Buffet. « Afin de garantir une gestion dans la durée des enjeux calédoniens, les discussions seront soutenues à Paris et en Nouvelle-Calédonie par une délégation interministérielle placée auprès du Premier ministre et du ministre de l’Outre-mer », a-t-il proposé.

Michel Barnier a d’ores et déjà fait plusieurs annonces fortes concernant l’archipel. Les élections provinciales, initialement prévues pour décembre prochain, sont reportées « jusque fin 2025 ». La réforme du corps électoral est également abandonnée, le projet de loi constitutionnelle voté à l’Assemblée et au Sénat en mai dernier « ne sera pas soumis au Congrès », a annoncé le Premier ministre.

Pour poursuivre le dialogue, alors que la Nouvelle-Calédonie est toujours en proie aux émeutes, Michel Barnier a également confié à Yaël Braun-Pivet et à Gérard Larcher une « mission de concertation ». Les présidents de l’Assemblée et du Sénat se rendront « prochainement » sur l’archipel.

  • Services publics : l’école et la santé érigés en priorité, la santé mentale grande cause de l’année 2025

Michel Barnier a fixé « l’accès à des services publics de qualité » comme un autre chantier prioritaire. Pas besoin de « grandes réformes », a estimé le Premier ministre en énumérant les problématiques que rencontrent les enseignants, le « remplacement des professeurs absents » en tête. « Ne pourrait-on pas, par exemple, faire plus et mieux appel à des professeurs retraités volontaires, y compris pour accompagner leurs plus jeunes collègues ? », a-t-il suggéré, reprenant une idée déjà expérimentée par le passé mais critiquée par les syndicats enseignants.

Côté santé, Michel Barnier s’est fixé comme priorité la « lutte contre les déserts médicaux et contre la pénurie de soignants ». Pour ce faire, le Premier ministre annonce que le nombre d’internes augmentera dans les hôpitaux, pour passer de 8 500 cette année à « 11 000 en 2025 ». Il propose également la création d’un « programme Hippocrate », pour permettre aux internes français et étrangers de s’engager « volontairement » pour « exercer dans les territoires qui manquent le plus de médecins ».

Enfin, le Premier ministre entend faire de la santé mentale « la grande cause nationale de l’année 2025 ». Sans faire d’annonces précises sur le sujet, Michel Barnier a annoncé qu’il mobiliserait aussi bien l’État que les collectivités, les entreprises et les associations. Il a également mis l’accent sur la nécessité de la « prévention des comportements à risque », l’ « intensification des dépistages » et le « développement du sport-santé ».

  • Fin de vie : Michel Barnier veut « reprendre le dialogue » avec le Parlement début 2025

Le Premier ministre liste également parmi ses chantiers prioritaires celui de la « fraternité », appelant notamment à recréer du lien entre les générations. « Être fraternel, c’est savoir accompagner les personnes en fin de vie », a-t-il fait savoir aux députés. À ce titre, Michel Barnier souhaite que le Parlement reprenne ses travaux autour du projet de loi sur la fin de vie, dont l’examen avait été suspendu à l’Assemblée en juin par la dissolution. « Je sais l’engagement et le travail de beaucoup d’entre vous sur ce dossier grave. Nous reprendrons le dialogue avec vous, avec le Sénat, les soignants et les associations, en début d’année prochaine », a-t-il annoncé.

Sur la question de la « fraternité », Michel Barnier plaide également pour « renouer avec une politique familiale », notamment à destination des « familles monoparentales ». Le Premier ministre souhaite également « encourager le bénévolat et la vie associative », en demandant à tous les ministres qui le peuvent d’ajouter un « volet bénévolat » à leur action.

  • Environnement : une « grande conférence nationale » sur l’eau

En matière d’écologie, le Premier ministre n’a pas fait d’annonces majeures, mais souhaite poursuivre les efforts des précédents gouvernements. Les travaux d’élaboration d’une « stratégie française énergie-climat », d’un troisième « plan national d’adaptation au changement climatique » et d’une nouvelle « programmation pluriannuelle de l’énergie » vont reprendre « immédiatement », indique Michel Barnier.

Le Premier ministre a également donné quelques orientations en matière de rénovation thermique et d’isolation des bâtiments. « Nous allons mieux cibler l’accompagnement des particuliers et des entreprises pour la rénovation thermique des bâtiments, en attendant, le diagnostic de performance énergétique sera simplifié et son calendrier adapté », a annoncé Michel Barnier. Enfin, le Premier ministre a affirmé sa volonté d’organiser une « grande conférence nationale » consacrée aux « enjeux stratégiques liés à l’eau ».

  • Relations avec le Parlement : plus de place pour le travail parlementaire et une « réflexion » sur la proportionnelle

Devant une Assemblée nationale divisée, Michel Barnier a souhaité poser les bases d’une « nouvelle méthode de travail » entre l’exécutif et le Parlement, appelant à « l’écoute, au respect et au dialogue ». « Je demanderai à mon gouvernement de s’appuyer davantage sur le travail parlementaire. Cela vaut évidemment pour les groupes parlementaires, ici à l’Assemblée nationale et au Sénat, dont des membres font désormais partie du gouvernement », a-t-il affirmé.

« Je souhaite qu’il y ait moins de textes, mais plus de temps pour en débattre », a-t-il ajouté, se disant favorable « à un partage de l’ordre du jour plus important », entre le temps réservé aux travaux du gouvernement et celui réservé aux élus. Michel Barnier a également assuré avoir « entendu les appels à davantage de représentativité » et se dit prêt à « ouvrir une réflexion sans idéologie sur le scrutin proportionnel ».

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