Indépendance de la justice : Eric Dupond-Moretti attendu au tournant par les parlementaires
Le quotidien Le Monde dévoile certaines des mesures phares, préconisées par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur les « obstacles à l’indépendance du pouvoir judiciaire ». Le rapport sera publié en septembre : un premier rendez-vous pour le nouveau garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti.

Indépendance de la justice : Eric Dupond-Moretti attendu au tournant par les parlementaires

Le quotidien Le Monde dévoile certaines des mesures phares, préconisées par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur les « obstacles à l’indépendance du pouvoir judiciaire ». Le rapport sera publié en septembre : un premier rendez-vous pour le nouveau garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti.
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Par Hugo Lemonier

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Du temps où il portait la robe, Eric Dupond-Moretti s’en était fait l’ardant défenseur. En bon garde des Sceaux, il va devoir se montrer plus prudent. La question de l’indépendance de la justice revient à la rentrée avec la publication du rapport de la commission d’enquête parlementaire de l’Assemblée nationale sur les « obstacles à l’indépendance du pouvoir judiciaire ».

Créée à l’initiative du fidèle de Jean-Luc Mélenchon, le tempétueux député du Nord, Ugo Bernalicis, cette commission remet sur l’établi la réforme constitutionnelle, promise par François Hollande puis Emmanuel Macron, mais jamais mise en œuvre.

Une quarantaine de propositions devrait figurer, selon Le Monde, dans le rapport de la commission d’enquête. La première concerne la procédure de nomination des magistrats du parquet et l’alignement de leur régime disciplinaire sur celui des magistrats du siège.

L'indépendance du parquet de nouveau sur le tapis

L’exécutif peut aujourd’hui nommer un procureur contre l’avis du conseil supérieur de la magistrature. Tous les gouvernements successifs depuis 2007 s’en sont abstenu, mais la règle demeure.

« Chaque année, la Cour européenne des droits de l’homme nous demande de réformer le mode de nomination des magistrats du parquet, car elle considère qu’ils ne sont pas indépendants », rappelle le vice-président de la commission des lois au Sénat, Jean-Pierre Sueur.

Le texte a d’ores-et-déjà été voté dans les mêmes termes par les deux assemblées. Il suffirait donc que le président de la République le soumette au Congrès.

« C'est un scoop... »

« Si Emmanuel Macron continue sur la base d’une réforme concernant à la fois l’indépendance du parquet, la réduction du nombre de parlementaires, etc. Cela ne passera jamais, estime le sénateur du Loiret (PS), Jean-Pierre Sueur. En s’en tenant à la réforme de la nomination des procureurs, cela pourrait se faire dans les prochains mois. » Mais le fera-t-il ?

Réforme de la Constitution : Eric Dupond-Moretti se prend les pieds dans le tapis au Sénat
04:15


Interrogé par les sénateurs sur les intentions du chef de l’Etat en la matière, le nouveau garde des Sceaux improvise : « La réponse est oui. C’est ce qu’il a dit. » Philippe Bas, président de la commission des lois, observe quelques secondes de silence, hausse les sourcils… « Très bien, c’est un scoop. »

Mais, avant même la fin de son audition, Eric Dupond-Moretti se sent obligé de revenir sur ses dires : « La réforme constitutionnelle, évidemment je la souhaite. C'est évidemment le Président qui décide de réunir le Congrès. Les choses vont mieux en le reprécisant. Ce que je dis au Président et ce qu'il m'a dit, ça n'a pas à être dévoilé ici. »

« Graver dans le marbre » la circulaire sur les remontées d'informations

Autre sujet, très polémique, les notes envoyées place Vendôme concernant les affaires sensibles en cours. Selon Le Monde, les députés recommanderaient de « graver dans le marbre » la circulaire de 2014. Ce texte, mis en œuvre à l’initiative de Christiane Taubira, indique que le garde des Sceaux doit « disposer d’éléments d’information concrets [...] lui permettant de conduire la politique pénale définie par le gouvernement ».

La circulaire limite cependant cette pratique aux « procédures présentant une problématique d’ordre sociétal, un enjeu d’ordre public », ou encore celles « ayant un retentissement médiatique national ». Le nouveau ministre de la Justice a ajouté à ce principe général le fait qu’il ne demanderait aucune remontée d’informations pour les affaires qu’il a eu à traiter du temps de sa carrière d’avocats. Mais lesquelles, ont demandé les sénateurs au cours de son audition ? « Il y en a une liste », a toute juste précisé Eric Dupond-Moretti.

La question des remontées d’information avait été au cœur de l’affaire Fillon, à la suite de l’audition d’Eliane Houlette, l’ex-procureur en charge du parquet national financier, par la commission d'enquête de l’assemblée nationale. La magistrate avait alors parlé des « pressions » qu’elle aurait subies de la part de sa hiérarchie, avant de revenir partiellement sur ses déclarations.

« Limiter dans le temps » l’enquête préliminaire

Dernier point mis en avant par Le Monde, les parlementaires souhaiteraient réformer l’enquête préliminaire. Conduite par les procureurs, ces investigations ordonnées en cas de flagrants délits peuvent également être réalisées à la suite d’une plainte. Durant cette phase, le suspects et son défenseur n’ont pas accès au dossier, contrairement à l’instruction.

Devant les sénateurs, Eric Dupond-Moretti a défendu l’idée de « limiter dans le temps » l’enquête préliminaire, dans laquelle le garde des Sceaux souhaite « introduire du contradictoire ». Les députés de la commission préconiseraient, selon le quotidien du soir, de solliciter l’intervention d’un juge pour prolonger les investigations du parquet, au-delà d’une certaine période.

Mais ces grands chantiers, affichés dès sa nomination par le nouveau ministre de la Justice, verront-ils le jour ? Eric Dupond-Moretti a déjà dû écarter la réforme de l’Ecole nationale de la magistrature et la séparation du siège et du parquet. Il lui reste 600 jours pour imposer sa marque.

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