L’index seniors est devenu l’un des points névralgiques de la réforme des retraites. Supprimé en séance par l’Assemblée nationale, il divise au sein des Républicains. Il fait cependant son retour au Sénat, dans la version du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale transmise par le gouvernement. Que contient-elle précisément ?
L’index seniors est introduit à l’article 2 du projet de loi rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS), véhicule législatif choisi par le gouvernement pour présenter sa réforme des retraites. Dans sa version originale, il crée une obligation, pour les entreprises de 300 salariés et plus, de publier annuellement une liste d’indicateurs, définie par voie réglementaire, relatifs à l’emploi des seniors et aux actions mises en place pour le favoriser. Le non-respect de cette obligation entraînerait une pénalité se chiffrant au maximum à 1 % de la masse salariale de l’entreprise. Cette mesure devait prendre effet pour toutes les entreprises concernées à partir du 1er juillet 2024.
Le 14 février, l’Assemblée nationale a rejeté cet article, au grand dam du gouvernement et de la CFDT, qui s’est plusieurs fois prononcée pour l’introduction d’un tel indicateur. Ce rejet est dû notamment au vote contre de 38 députés LR.
L’index seniors est réintroduit par le gouvernement dans le texte transmis au Sénat
Dans le texte transmis par le gouvernement au Sénat, qui sera examiné en commission le 28 février et en séance publique le 2 mars, cet index fait son grand retour. Nul besoin que le Sénat le réintroduise, comme le demandaient Olivier Dussopt et Olivier Véran, puisque le gouvernement en a lui-même la capacité. C’est l’article LO111-7 du Code de la Sécurité sociale, dans le cadre de l’article 47-1 de la Constitution, qui le permet : dans l’hypothèse où l’Assemblée nationale n’aurait pas voté le projet de loi de financement de la Sécurité sociale dans un certain délai, le gouvernement le transmet au Sénat dans sa version initiale, modifié par les amendements adoptés par l’Assemblée nationale et acceptés par l’exécutif. C’est donc cette version qui a été transmise au Sénat, augmentée des amendements adoptés en séance au Palais Bourbon, avant le vote menant au rejet de l’article 2.
L’index seniors concernerait les entreprises de 50 salariés et plus
La modification la plus significative de l’index concerne la taille des entreprises qui devront le publier. De 300 salariés et plus, le seuil passe à 50 salariés et plus. Cette mesure, issue d’une demande de la CFDT, a été portée par plusieurs amendements, émanant aussi bien de la majorité (Renaissance, Horizons), que des socialistes, du groupe LIOT et de trois députés LR.
Cet index devra également comporter une distinction par genre, détaillant ainsi la situation des femmes seniors.
Le nouvel article 2 comprend ensuite un échelonnement de la mise en œuvre de l’index, selon la taille des entreprises : le 1er novembre 2023 pour les entreprises de plus de 1000 salariés, le 1er juillet 2024 pour les entreprises ayant entre 300 et 1000 salariés, et enfin le 1er juillet 2025 pour les entreprises ayant entre 50 et 300 salariés.
Les entreprises plus libres de déterminer le contenu et le mode de calcul de l’index seniors
Enfin, un point qui paraît technique mais qui a son importance, un amendement porté par une vingtaine de députés LR est conservé dans le texte. Une des dispositions de l’article 2 permet à « une convention ou un accord de branche étendu » de « déterminer la liste des indicateurs […] et leur méthode de calcul, qui se substituent alors à celles fixées par […] décret ». Avant l’amendement, la liste des indicateurs, même négociés dans les accords de branche, demeurait encadrée par voie réglementaire. Ce n’est plus le cas dans le texte transmis au Sénat. En pratique, cela signifie qu’un accord de branche suffira pour modifier le contenu de l’index seniors publié annuellement par les entreprises, sans que le gouvernement ait quelque chose à en redire. Une concession aux LR, pour qui l’index est une mesure trop contraignante.
L’avenir de l’index seniors demeure incertain
Quoi qu’il en soit, l’avenir de l’index au Sénat est incertain, comme le détaille notre article du 15 février dernier. Entre l’hostilité plus ou moins grande des LR, l’adhésion des centristes, qui voudraient même y ajouter un bonus/malus et le scepticisme des socialistes qui le qualifient de « tarte à la crème », difficile de savoir quelle version sortira du Sénat.
Pour parachever le tout, une autre ombre plane sur l’article 2 : le risque d’inconstitutionnalité. Dans les projets de loi de financement de la Sécurité sociale, les dispositions, pour être recevables, doivent entrer dans le champ financier. Autrement, elles seront décrétées cavaliers sociaux. C’est ce qui pèse sur l’index, mis en question directement par le président du Conseil constitutionnel dans le Canard enchaîné le 18 janvier.