Industrie automobile : la «relance verte» est-elle possible ?

Industrie automobile : la «relance verte» est-elle possible ?

Déterminé à aider l'industrie automobile à se relever de la crise, le gouvernement veut toutefois conditionner son aide à une conversion des fabricants vers la voiture électrique. Une approche qui rend sceptique certains spécialistes du secteur, qui voient une confusion entre aide d'urgence et objectifs à long terme.
Public Sénat

Par Fabien Recker

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L’État va venir en aide aux constructeurs automobiles, mis en difficulté par la crise du coronavirus. « Mais ce sera un soutien aux voitures qui émettent le moins de CO2, aux voitures vertes, aux véhicules électriques », a indiqué Bruno Le Maire sur CNews vendredi 15 mai.  « C'est évidemment la condition de notre soutien, parce que l'industrie automobile doit réussir sa transition vers l'automobile autonome et vers l'automobile électrique. » 

En attendant, l’industrie automobile française souffre. En mars, premier mois du confinement, le marché français a chuté de -72,2%, selon les chiffres de la Plateforme automobile (PFA) qui représente la filière. Sur le premier trimestre, le recul est de -34%. « Avec un tissu industriel de PME déjà fortement fragilisées par les transformations historiques que traverse le secteur (...) nous devons nous préparer, face à l’effondrement attendu du marché, à faire face au risque très préoccupant d’une vague de défaillances d’entreprises au cœur de nos territoires » alertait l’ancien député Luc Chatel, président de PFA, dans un communiqué le 30 avril.

Relance verte

Si les constructeurs ont bénéficié des mesures de chômage partiel mis en place par le gouvernement, ils attendent désormais un accompagnement pour la sortie de crise. Une aide qui devrait donc être fléchée vers une « relance verte » aux dires de Bruno Le Maire. « Une relance verte ? Je ne vois pas très bien ce que cela veut dire » s’interroge l’économiste Flavien Neuvy. « Les constructeurs ont déjà des objectifs européens stricts et ambitieux à atteindre » depuis une décision de la Commission européenne.   

Même scepticisme chez Vincent Charlet, directeur du think tank La Fabrique de l’industrie. « Je vois bien l’intention de vouloir profiter des actions nécessaires de relance pour orienter celle-ci autant que possible dans une direction moins carbonée. Mais j’ai des doutes. Comment peut-on articuler quelque chose d’immédiat, une aide, et un engagement d’aussi long terme que le véhicule vert ? »

« Le marché n'est pas mûr »

Car aujourd’hui, « les industries automobiles françaises et européennes ne sont pas armées pour emprunter sans pertes industrielles le virage du véhicule électrique » selon Vincent Charlet. La principale fragilité concerne la chaîne des sous-traitants. « Le risque de cette conversion est que les constructeurs fassent appel à d’autres sous-traitants. Ceux qui fabriquent des carburateurs pour moteurs diesel par exemple ne seront plus concernés. Et tant que seuls les Asiatiques sauront produire des batteries de capacité et en nombre suffisant, une part substantielle de la voiture électrique viendra d’Asie. »

Pour Vincent Charlet, « le marché n’est pas mûr. Y aller à marche forcée va provoquer de la casse ». « La difficulté tient au fait que les consommateurs ne veulent pas acheter de voitures électriques » constate Flavien Neuvy. Certes, les ventes progressent, mais faiblement. « C’est lié au prix et à la plus faible autonomie. Cela amène à acheter une voiture plus chère et moins performante. Il faut donc laisser le temps au progrès technologique de faire son travail : rendre au fur et à mesure la voiture électrique plus compétitive. L’État peut accompagner mais il faut aussi accepter que cela prenne du temps. »

Aides aux ménages ?

S’il veut accompagner la conversion des industriels, l’État doit déjà veiller à développer le réseau de bornes de rechargement sur le territoire. « En nombre aussi important que les stations essence » suggère Martial Bourquin, membre de la commission des affaires économiques du Sénat. « Sinon les gens ne vont pas s’équiper ». Le sénateur socialiste appelle aussi à lancer une usine européenne de fabrication de batteries et à relever le défi de la voiture à hydrogène. « Sans l’hydrogène on ne décarbonera pas notre industrie » juge l’élu du Doubs. « Nous avons trois ou quatre entreprises françaises qui ont compris que c’est l’avenir. Mais le plan d’aide de l’État à cette filière, d’un montant de 300 millions d’euros à l’époque de Nicolas Hulot, a été abaissé à 100 millions par an. »

Enfin, le développement du véhicule électrique passera nécessairement par un soutien aux ménages. « Aujourd’hui, acheter une voiture est trop cher ! Si vous voulez faire baisser le CO2 il faut remplacer les vieilles casseroles qui se baladent encore parce que les gens n’ont pas les moyens d’en changer » rappelle Martial Bourquin. « Il faut une prime très importante pour les ménages les plus modestes. » Il n’y a pas le choix, rappelle le sénateur. « Nous devons aller vers une reprise décarbonée de notre économie. »











 

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